Après l'enlèvement d'une humanitaire française, un employé de l'ONU a été à son tour enlevé, ce mardi 20 janvier 2015, par la milice anti-balaka, a annoncé un porte-parole de la mission de maintien de la paix de l'ONU, la MINUSCA. Selon cette source, « une collègue de bureau qui se rendait au travail a été kidnappée, ce matin, par un groupe d'hommes armés assimilés à des anti-balaka. Elle se trouvait, en compagnie d'un autre collègue de nationalité ougandaise, à bord de notre véhicule, un mini-bus UN, chargé de ramasser le personnel, tous les matins, pour les déposer au bureau ». Auparavant, deux personnes dont une Française, en mission humanitaire en Centrafrique, et un employé centrafricain de son ONG ont été enlevés lundi à Bangui, a-t-on appris de sources concordantes. Dans un communiqué publié dans la soirée, le Quai d'Orsay a appelé à libérer au plus tôt la femme enlevée, soulignant que la France déplore cet acte contraire au droit humanitaire. Il s'agit du premier enlèvement d'un ressortissant français dans le pays depuis le début de la crise en 2013. Le ministère français des Affaires étrangères a ajouté que l'ambassade de France à Bangui est en contact permanent avec l'archevêché de la capitale centrafricaine qui a entamé des discussions avec les ravisseurs. Cette Française et l'employé qui font partie de l'ONG médicale catholique CODIS (Coordination Diocésaine de la Santé) circulaient à bord d'un 4x4, qui transportait des médicaments, lorsqu'ils ont été braqués par un groupe de quatre hommes armés de Kalachnikov lundi matin vers 08H00 locales (07H00 GMT). Nous étions trois à bord de notre véhicule en provenance de Damara (70 km au nord de Bangui) où nous étions en mission. Nous avons été arrêtés par un groupe de 4 (miliciens chrétiens) anti-balaka armés de Kalachnikov sortis devant nous sur la route en pleine ville, a raconté Frère Elkana Ndawatcha, un religieux qui conduisait le véhicule. Moi, j'ai été relâché après être dépouillé de tout ce que j'avais sur moi dont mon téléphone portable, mes documents bancaires et de l'argent. L'un des ravisseurs a pris ma place au volant pour partir avec le véhicule et mes deux collègues en profondeur du quartier Boy-Rabe, quartier du nord-est de Bangui où les anti-balaka sont puissants, a poursuivi le religieux. Selon une source proche du dossier, l'enlèvement a été mené par des miliciens anti-balaka, mécontents de l'arrestation de Rodrigue Ngaïbona général Andjilo, puissant chef anti-balaka arrêté samedi à Bouca (nord-ouest). Les miliciens ont manifesté leur mécontentement dans le quartier de Boy-Rabe. Il y a en ce moment une vive tension à Boy-Rabe. Une personne a même été tuée cette nuit (de dimanche à lundi) par balles. Par ailleurs, de nombreux tirs d'armes automatiques ont été entendus toute la nuit et ce matin encore, a déclaré une source policière. D'autres tentatives d'enlèvement ont eu lieu dimanche, selon des témoignages concordants. Les anti-balaka sont des milices principalement chrétiennes qui se sont formées pour lutter contre les rebelles, essentiellement musulmans, de la coalition Séléka qui avait pris le pouvoir en Centrafrique en mars 2013 avant d'en être chassée en janvier 2014. Les deux camps sont accusés d'avoir commis de graves exactions.Le général Andjilo, qui a été un des principaux chefs anti-balaka à Bangui, avait fui la capitale. Il est notamment soupçonné d'avoir été un des meneurs des miliciens qui ont lancé les massacres de musulmans le 5 décembre 2013 à Bangui. Selon Philippe Hugon, directeur de recherches à l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), en charge de l'Afrique, l'humanitaire française a été enlevée, lundi, par une milice chrétienne qui exige la libération d'un de ses chefs. "Elle a été enlevée dans le but d'obtenir la libération d'un leader anti-balaka, le "général Andjilo", arrêté samedi. Il y aura donc négociation entre ses ravisseurs et les autorités. Maintenant, reste à savoir combien de temps la négociation durera. Même sans menace sur son intégrité physique, l'action reste évidemment condamnable". La Centrafrique est toujours divisé en deux. Schématiquement, l'Est est sous le contrôle des anciens de la Séleka, la coalition de rebelles, essentiellement musulmans, qui avaient pris le pouvoir en mars 2013 avant d'en être chassés en janvier 2014, l'Ouest sous celui des anti-balaka, milices principalement chrétiennes créées pour lutter contre la Séleka. Résultat : il n'y a pas d'Etat, pas de sécurité et les trafics, notamment de diamant, se multiplient. La zone d'insécurité est immense. Il est impossible pour l'Onu et la force française Sangaris de stabiliser un pays grand comme la France et la Belgique réunies.