La présidente centrafricaine Catherine Samba Panza a promis mercredi «la guerre» aux miliciens anti-balaka, qui multiplient les exactions contre les civils musulmans au risque de conduire le pays à une partition que Paris, principal allié de Bangui, juge inacceptable. «Les anti-balaka (milices d'autodéfense à dominante chrétienne), on va aller en guerre contre eux. (Ils) pensent que parce que je suis une femme, je suis faible. Mais maintenant les anti-balaka qui voudront tuer seront traqués», a déclaré Mme Samba Panza devant les habitants de Mbaïki (80 km au sud-ouest de Bangui), lors d'une visite en compagnie du ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian. Ces propos font écho aux déclarations menaçantes tenues ces derniers jours par M. Le Drian et les commandants des contingents français et africain en Centrafrique, qui visaient directement les miliciens et les pillards sévissant en toute impunité. «Les anti-balaka ont perdu le sens de leur mission. Ce sont eux qui tuent, qui pillent, qui volent», a martelé la présidente. Elle a ensuite récusé le terme de «nettoyage ethnique» utilisé par Amnesty International. «Je ne pense pas qu'il y ait d'épuration confessionnelle ou ethnique. Il s'agit d'un problème d'insécurité», a-t-elle estimé. Le risque de la partition La Centrafrique a sombré dans le chaos depuis le coup d'Etat en mars 2013 de Michel Djotodia, chef de la coalition rebelle Séléka à dominante musulmane. Devenu président, il a été contraint à la démission par la communauté internationale le 10 janvier pour son incapacité à empêcher les tueries entre ex-Séléka et milices anti-balaka, qui ont entraîné un exode massif de civils musulmans, essentiellement vers le Tchad et le Cameroun voisins. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon s'est ému mardi de ce que «la brutalité sectaire est en train de changer la démographie du pays, la partition de facto de la RCA (République centrafricaine) est un risque avéré». D'anciens responsables de la Séléka avaient déjà fait état publiquement de leur volonté sécessionniste depuis les confins nord-est du pays, majoritairement peuplés de musulman, qui échappent depuis des années au contrôle d'un Etat centrafricain en quasi-faillite permanente. «Personne n'acceptera quelque partition que ce soit», a répliqué le ministre français de la Défense. «Pour la France, il n'y a et il n'y aura qu'une seule Centrafrique, qu'une seule chef de l'Etat», a poursuivi M. Le Drian. De son côté, Mme Samba Panza a fait état de sa «ferme volonté de ne pas céder un seul pouce du territoire centrafricain, qui a toujours été uni et laïc». Pont aérien de l'ONU C'est la troisième fois que M. Le Drian se rend en Centrafrique depuis le déclenchement de l'opération militaire française «Sangaris», le 5 décembre. Mardi à Brazzaville, il avait durci le ton contre les milices, affirmant que les forces internationales étaient prêtes à les contrer «par la force». «Il faut que l'ensemble des milices qui continuent aujourd'hui à mener des exactions, à commettre des meurtres, arrêtent», avait-il averti. Le contingent français et la force de l'Union africaine en Centrafrique (Misca) agissent sous mandat de l'ONU, qui autorise l'emploi de la force en cas de menace directe sur la population civile. Jusqu'à présent, les militaires étrangers ne sont pas parvenus à mettre fin aux tueries et aux pillages. La Misca compte actuellement 5.400 hommes - sur les 6.000 prévus - sur le terrain, soutenus par 1.600 soldats français. Ban Ki-Moon a demandé à la France «d'envisager de déployer des troupes supplémentaires en Centrafrique». Mais le ministère français des Affaires étrangères a renvoyé à la future mission européenne, qui prévoit des renforts de 500 hommes en mars, et un éventuel déploiement de Casques bleus de l'ONU. Selon Amnesty International, les exactions des anti-balaka relèvent désormais du «nettoyage ethnique». «Les soldats de la force internationale de maintien de la paix ne parviennent pas à empêcher le nettoyage ethnique des civils musulmans dans l'ouest de la République centrafricaine», assène Amnesty, appelant la communauté internationale à «faire barrage au contrôle des milices anti-balaka et à déployer des troupes en nombre suffisant dans les villes où les musulmans sont menacés». «Il y a une catastrophe humanitaire en Centrafrique, des risques de nettoyage ethno-religieux qui peuvent déchirer la structure sociale du pays», a pour sa part affirmé mercredi le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Antonio Gutteres. Selon l'ONU, 1,3 million de personnes, soit plus d'un quart de la population, ont besoin d'une assistance alimentaire immédiate, en particulier dans les camps de déplacés où s'entassent plus de 800.000 personnes, dont plus de la moitié à Bangui. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a lancé mercredi un pont aérien entre Douala (Cameroun) et Bangui pour acheminer des vivres pour 150.000 personnes pendant un mois, mais cela restera insuffisant face à l'ampleur de la crise.