Deux policiers et trois soldats ont été tués par balle jeudi 13 novembre dans deux attaques dans le nord du Sinaï, ont indiqué des responsables de sécurité. Dans la première attaque, des inconnus ont extrait deux policiers d'une voiture avant de les exécuter. Dans la seconde, les trois soldats ont été tués par des hommes armés qui les ont fait sortir d'un taxi collectif. ÉTAT D'URGENCE Depuis la destitution de l'islamiste Mohamed Morsi, en juillet 2013, l'Egypte est le théâtre de nombreux attentats visant les forces de sécurité. Ces attaques sont principalement revendiquées par des groupes djihadistes qui disent agir en représailles à la sanglante répression visant les partisans de M. Morsi, qui a fait plus de 1 400 morts, pour la plupart des manifestants islamistes. L'Egypte avait décrété le 24 octobre l'état d'urgence pour trois mois sur une partie du nord et du centre de la péninsule du Sinaï, après la mort d'une trentaine de soldats dans un attentat à la voiture piégée. BOMBE DANS LE MÉTRO Par ailleurs, plus tôt jeudi, l'explosion « d'une bombe assourdissante » dans un métro au Caire a semé la panique, provoquant une bousculade qui a fait 16 blessés. L'armée a également annoncé que huit militaires étaient portés disparus après un « assaut terroriste » mercredi contre un bateau de la marine égyptienne en Méditerranée. Le Sinaï au bord du chaos Depuis la destitution du président égyptien Mohamed Morsi, le 3 juillet, les attaques se multiplient dans le Sinaï, faisant craindre une perte de contrôle de l'Egypte sur la péninsule. Dans le triangle formé par les villes d'Al-Arish, Rafah et Cheikh Zoueid, à la frontière avec Israël, pas un jour ne passe sans que les forces de sécurité soient ciblées par des groupes armés. La multiplication des tirs de roquettes sur son territoire a décidé Israël à étendre son «Dôme de fer» (un réseau de défense antimissiles) dans la région. Une batterie a été installée le 19 juillet dans la station balnéaire d'Eilat. L'instabilité de cette péninsule de 60 000 kilomètres carrés, coincée entre le canal de Suez et Israël, n'est pas nouvelle. L'histoire du Sinaï est marquée par les rapports conflictuels entre la population, majoritairement bédouine, et le pouvoir central. La répression féroce et l'emprisonnement de milliers de Bédouins après les attentats de Taba et Nuweiba en octobre 2004, et ceux de Charm El-Cheikh en juillet 2005, ont alimenté un désir de vengeance contre les forces de sécurité. Une vengeance qui anime des groupes aux intérêts hétéroclites, profitant du chaos sécuritaire en Egypte pour promouvoir leurs intérêts. MENACE DIFFUSE Les groupes de trafiquants d'armes, de personnes et de biens cherchent à protéger leur commerce. Des groupes plus idéologiques, comme les takfiristes, partisans de l'excommunication des infidèles, s'attaquent aux forces armées jugées «impies». Des salafistes djihadistes égyptiens, qui se reconnaissent dans la mouvance Al-Qaida, visent les intérêts israéliens. Dans les zones montagneuses qui s'étirent jusqu'à la mer Rouge, quelque 3 000 combattants djihadistes auraient trouvé refuge, avec l'appui de protections tribales. L'insurrection s'est durcie après la révolution de 2011 avec la déstabilisation de l'appareil sécuritaire et l'afflux d'armes depuis la Libye et le Soudan. Les attaques se sont multipliées contre les forces de sécurité, les touristes étrangers et Israël. L'Egypte et Israël accusent le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, de soutenir les combattants du Sinaï pour les déstabiliser après la chute des Frères musulmans, leur allié. Des accusations que réfute le mouvement islamiste palestinien. Face à cette menace diffuse, les autorités égyptiennes ont lancé en juillet une opération pour sécuriser la péninsule. Israël leur a donné, le 16 juillet, son feu vert pour un déploiement de troupes, de blindés et d'hélicoptères Apache dans le Sinaï. Cette autorisation est obligatoire selon les termes de l'accord israélo-égyptien de mars 1979, par lequel Israël a rétrocédé le Sinaï, conquis lors de la guerre des Six-Jours en juin 1967. Par cet accord, le Sinaï est devenu une région démilitarisée, notamment dans sa zone C, interdite aux militaires égyptiens et placée sous le contrôle de la Force multinationale et observateurs (MFO). La répression sanglante exercée par les autorités contre les partisans des Frères musulmans a accru les violences sur le terrain et renforcé en retour la coopération sécuritaire égypto-israélienne. Pour Israël, la sécurité du Sinaï est une priorité. «Le Sinaï est une frontière de paix depuis quarante ans, ce qui est un atout stratégique. Le chaos dans le Sinaï serait un cauchemar pour la sécurité d'Israël et l'économie du sud du pays», justifie une source israélienne. Pour l'Egypte, la péninsule représente une zone économique stratégique du fait des revenus apportés par le canal de Suez, les gazoducs qui traversent la péninsule et les stations balnéaires du golfe d'Aqaba. L'enjeu est aussi sécuritaire. La péninsule pourrait devenir un sanctuaire depuis lequel les djihadistes mèneraient une guerre d'usure contre les forces de sécurité dans le reste du pays.