Le rapport de Human Rights Watch (HRW) sur la situation dans les camps de Tindouf n'a fait que confirmer des faits avérés sur les abus du front polisario, mais le document donne surtout matière à débat sur les véritables volontés des Sahraouis. Au-delà de l'aspect purement technique propre à ce genre d'enquêtes, HRW reconnait que ses chercheurs ont été incapables de mesurer au juste le nombre d'opposants à l'option de l'indépendance du Sahara défendue par le polisario. La nuance contenue dans le document de l'organisation internationale, qui affirme vouloir préserver son impartialité en évitant les jugements politiques, ouvre une brèche qui remet en cause le dogme présentant les Sahraouis comme un bloc homogène, totalement acquis aux thèses séparatistes. D'où l'appel aux dirigeants du front de mettre un terme au harcèlement des opposants: «Le Front devrait veiller à ce que les habitants des camps de réfugiés soient libres de remettre en question de façon pacifique ses politiques et sa direction, et de défendre d'autres options que l'indépendance du Sahara». Des témoignages recueillis par les enquêtes de HRW attestent que les partisans de la vision pro-marocaine craignent de «mettre en doute l'idée de l'indépendance», de peur d'être frappés «d'excommunication sociale». Dans ce sens, l'ONG rappelle le cas du militant et ancien dirigeant du polisario, Moustapha Salma Ould, qui a été «maintenu en détention» pendant plus de deux mois, parce qu'il s'est «exprimé en faveur de la souveraineté marocaine» sur le Sahara. «Le polisario l'a ensuite envoyé en Mauritanie et l'a empêché de retourner dans les camps de réfugiés en Algérie, où vit sa famille», relate HRW dans son rapport intitulé «Pas sur les écrans : Les droits humains dans les camps de réfugiés de Tindouf». Après cet épisode, des opposants ont indiqué à l'ONG que le front «les avaient convoqués pour interrogatoire», tandis qu'un journaliste travaillant pour la station de radio du polisario «a déclaré que son supérieur l'avait réaffecté ainsi qu'un de ses collègues à titre de représailles pour avoir écrit des articles critiques destinés à un site web indépendant». L'absence de mécanisme fiable pour sonder les opinions des camps conduit automatiquement à poser la question du recensement exact du nombre de Sahraouis authentiques qui vivent dans les camps de Tindouf, sur le sol algérien. HRW cite, à cet effet, les chiffres complètement contradictoires présentés par le polisario et les organisations, alimentant encore plus les doutes sur certaines données que l'on cherche à présenter comme des vérités indiscutables. Les estimations du front et de l'Algérie, en tant que partie légalement responsable de la situation dans les camps de Tindouf, font état d'une population de 165.000 personnes. Pour le Haut-commissariat aux réfugiés, ils ne sont que 125.000. Cela dit, ces aspects juste effleurés par HRW, obnubilée par le souci de neutralité et l'empirisme de la démarche, sont en réalité les questions nodales constituant la toile de fond du conflit régional autour du Sahara.