L'Ukraine a accusé samedi la Russie d'avoir lancé une campagne de propagande pour justifier son «agression» dans l'Est en proie à une insurrection séparatiste prorusse tandis que s'ouvre lundi une semaine difficile autour du prix du gaz imposé à Kiev. Par ailleurs, le projet de gazoduc South Stream, reliant la Russie à l'Italie, n'avancera pas tant que la Russie ne changera pas de cap sur l'Ukraine, a prévenu dans un entretien publié dimanche le commissaire européen à l'Energie, Günther Oettinger. L'Ukraine est confrontée au risque d'une coupure du gaz russe dès mardi , qui pourrait perturber les approvisionnements des pays européens. Lors de négociations vendredi à Berlin, Kiev a fait un geste en annonçant le règlement d'une partie de sa dette (786 millions de dollars sur 3,5 milliards). De nouvelles discussions sont prévues dès lundi à Bruxelles au sujet du prix, fixé à un niveau sans équivalent en Europe depuis l'arrivée au pouvoir des pro-occidentaux et que les autorités ukrainiennes refusent catégoriquement. Sur le terrain, après les combats particulièrement meurtriers du début de semaine à l'aéroport international de Donetsk, les heurts se multiplient entre rebelles et forces loyalistes dans la région, où deux équipes d'observateurs internationaux de l'OSCE sont portées disparues. A l'aéroport même, l'armée ukrainienne a indiqué avoir repoussé deux attaques samedi au petit matin des insurgés, sans pertes dans ses rangs. Un leader séparatiste cité par l'agence Interfax Ukraine a fait état de six morts dans les rangs des rebelles, sans qu'il soit possible de vérifier ce bilan. Moscou dénonce une «opération punitive» de Kiev et appelle à la fin des opérations militaires en vue d'un dialogue avec les séparatistes. «Le Kremlin ne cesse de faire des déclarations basées sur l'émotion et d'inventer des informations avec pour objectif de soutenir l'agression russe», a dénoncé le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Andriï Dechtchitsa. Vladimir Poutine a multiplié ces derniers jours les appels aux dirigeants occidentaux, dont son homologue français François Hollande vendredi, pour leur demander de convaincre Kiev de cesser son offensive dans l'Est. Moscou a accusé vendredi l'armée ukrainienne de violer la Convention de Genève de 1949 sur la protection des civils en employant «volontairement» ses moyens militaires contre la population et a proposé une «aide humanitaire» à l'Est, expliquant recevoir des appels à l'aide. Obama rencontre Porochenko mercredi «Fournir des armes d'un côté et des médicaments de l'autre est pour le moins contradictoire», a dénoncé M. Dechtchitsa. Car si l'Otan a estimé que la Russie avait déjà retiré les deux tiers de ses troupes de la frontière ukrainienne, Kiev dénonce la présence de citoyens russes parmi les insurgés et leur équipement en armes, y compris lourdes, russes. Washington s'est en outre inquiété de l'arrivée d'hommes armés de Tchétchénie, une république à majorité musulmane du Caucase russe. A ce propos, le président tchétchène Ramzan Kadyrov a annoncé que 14 combattants tchétchènes se trouvaient aux côtés des insurgés prorusses dans l'est de l'Ukraine, lors d'une interview samedi à une chaîne de télévision russe. «Des Tchétchènes combattent en Ukraine. Dans la presse ukrainienne, on dit qu'il y en a des centaines, mais tout ça c'est un mensonge. Selon nos informations, là-bas combattent volontairement 14 Tchétchènes, dont l'un a été tué et quatre ont été blessés», a révélé M. Kadyrov à la chaîne de télévision russe Rossiya-1. L'ambassadeur des Etats-Unis en Ukraine, Geoffrey Pyatt, interrogé par le journal Dzerkalo Tyjnia, a dénoncé «la présence dans le Donbass de combattants étrangers, dont on est sûr qu'ils viennent de Russie, et des preuves indiquant que des quantités importantes d'équipements et armements militaires traversent la frontière». Les séparatistes ont eux-mêmes indiqué que la majorité de la quarantaine de victimes des combats à l'aéroport de Donetsk étaient de nationalité russe. Pour le chef de la diplomatie ukrainienne, la Russie cherche à miner la légitimité de Petro Porochenko, élu dès le premier tour le 25 mai. Le milliardaire pro-occidental doit rencontrer le président américain Barack Obama en Pologne le 4 juin avant de participer aux cérémonies du débarquement en France le 6 juin, en présence de M. Poutine, puis d'être investi le lendemain. M. Porochenko, s'il a affirmé vouloir dialoguer avec Moscou, a aussi promis la plus grande fermeté contre les séparatistes. anarchie dans l'Est Kiev a déjà musclé cette semaine son offensive dans l'Est, qui a fait plus de 200 morts (soldats, séparatistes et civils) depuis son lancement le 13 avril. Les autorités ukrainiennes ont affirmé avoir gagné du terrain face aux insurgés mais sur le terrain, les combats sont nombreux et de plus en plus violents et l'anarchie s'est emparée d'une grande partie de la région, dont la capitale Donetsk. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a perdu le contact avec deux de ses équipes déployées dans la région en vue d'une pacification: l'une depuis lundi dans la région de Donetsk et l'autre depuis jeudi dans celle de Lougansk, soit au total huit observateurs. Outre les heurts à l'aéroport de Donetsk, les garde-frontière ont fait état de trois blessés dans un assaut des insurgés contre l'une de leurs unités dans la région de Lougansk. Outre le gaz, Moscou a brandi samedi la menace commerciale sur un autre front, en reprochant à Kiev de ne pas honorer les commandes d'armes et de matériel militaire, pourtant en grande partie réglées. Le vice-ministre russe de la Défense, Iouri Borissov, a prévenu que l'Ukraine, dont l'économie traverse une violente récession, pourrait perdre le marché russe, dont dépendent quasi exclusivement ses fabricants de matériel militaire.