Le président russe Vladimir Poutine reçevait mercredi matin le président en exercice de l'OSCE, le Suisse Didier Burkhalter, qui a appelé à un «cessez-le-feu» dans l'est de l'Ukraine pour permettre la tenue de la présidentielle du 25 mai. L'Ukraine a d'ailleurs réclamé mardi l'aide de la communauté internationale pour cette élection, qui apparaît de plus en plus menacée par la spirale de violences séparatistes ayant saisi le pays. «Si (l'élection présidentielle) ne se tenait pas, ce serait le chaos et le risque de guerre civile», a averti le président français François Hollande. Une hypothèse pour l'instant rejetée par Kiev: «Le gouvernement ukrainien est engagé à tenir l'élection présidentielle à la date prévue», a affirmé le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Andriï Dechtchitsa à l'issue d'une réunion du Conseil de l'Europe à Vienne. Les autorités de Kiev ont requis l'envoi «d'observateurs internationaux en Ukraine pour surveiller les élections». Elles demandent aussi à leurs partenaires de faire «tout ce qui est possible pour éliminer les menaces et provocations extérieures soutenues par la Russie en Ukraine, pour que ces élections puissent se dérouler de façon libre et démocratique», a-t-il ajouté. «Dialogue national» L'élection du 25 mai doit permettre de choisir le successeur du président Viktor Ianoukovitch, un proche de Moscou renversé en février. La Russie, qui refuse de reconnaître les autorités provisoires mises en place depuis à Kiev, a déjà fait savoir qu'elle jugeait «absurde» de tenir des élections dans le contexte actuel de violences. De son côté, le président de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Didier Burkhalter, qui a appelé à «un cessez-le-feu pour les élections», doit discuter mercredi avec M. Poutine de la mise en place de tables rondes, sous l'égide de l'OSCE, afin de faciliter un dialogue national entre Kiev et les séparatistes pro-russes qui contrôlent en partie l'est du pays. A ce propos, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a dénoncé l'organisation annoncée par des séparatistes pro-russes dans l'Est de l'Ukraine d'un référendum le 11 mai. «Nous n'allons pas rester les bras ballants pendant que des éléments russes attisent les flammes de l'instabilité», a déclaré John Kerry, dénonçant un «simulacre» de référendum à Donetsk et Lougansk. «Nous rejetons tout simplement toute cette tentative illégale de diviser davantage l'Ukraine. La poursuite de cette initiative va encore plus contrarier les efforts de désescalade», a-t-il déclaré. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov s'est en outre montré réticent à une proposition allemande de conférence de «Genève II» en vue d'une désescalade. «Se réunir à nouveau dans ce format (...) n'apporterait pas grand-chose», a-t-il jugé à Vienne. Les Occidentaux alarmés Les Occidentaux se montrent de plus en plus alarmés par la tournure prise ces derniers jours par les événements en Ukraine, où des dizaines de personnes ont péri dans des violences depuis vendredi. «Les images qui nous parviennent sont effrayantes et nous ne sommes plus très éloignés d'une confrontation militaire en Ukraine», a estimé le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier. «Personne ne devrait se méprendre et croire qu'il n'y a un risque et une menace que pour l'Ukraine. A travers ce conflit, c'est toute l'architecture de la sécurité de l'Europe qui pourrait être détruite», a-t-il mis en garde. La crise actuelle pourrait d'ailleurs conduire l'Otan à envisager une présence militaire permanente dans ses pays-membres en Europe de l'Est: «Je pense que nous devrions y réfléchir», a estimé mardi le général Philip Breedlove, commandant des forces de l'Otan en Europe. Le professeur Michael Clarke, directeur général de l'Institut Royal United Services Institute à Londres, estime lui aussi que l'Ukraine entre dans «une période très dangereuse» à l'approche du 25 mai. «Il est dans l'intérêt de Moscou de diminuer la crédibilité de ces élections et aussi de mettre en place des élections et référendums fantômes dans les territoires séparatistes d'Ukraine», commente-t-il. La Russie répète de son côté que l'Ukraine est en proie à des «forces ultranationalistes, extrémistes et néonazies» et réfute toute implication directe. Les services de sécurité (SBU) ont conseillé mardi aux Ukrainiens d'être sur leurs gardes et ont mis en garde Ioulia Timochenko, ex-chef du gouvernement et candidate à la présidentielle, sur «une sérieuse menace contre sa vie», a indiqué son avocat, Serguiï Vlasenko. Blocs de béton Le bassin minier du Donbass, frontalier de la Russie, est actuellement la zone la plus touchée par les troubles séparatistes. A Slaviansk même, épicentre des affrontements qui opposent les pro-russes aux forces régulières ukrainiennes, quelques rafales ont retenti mardi alors que les rebelles renforçaient leurs défenses avec des blocs de béton. Lundi, d'intenses combats à l'arme lourde s'étaient déroulés à la périphérie de Slaviansk, faisant quatre morts et 20 blessés du côté de l'armée qui a également perdu son quatrième hélicoptère. Dans le camp adverse, «plus de 30 terroristes ont été tués et des dizaines blessés», a indiqué le ministre de l'Intérieur, Arsen Avakov. Les insurgés ont pris ces dernières semaines le contrôle de bâtiments publics dans une douzaine de villes, y compris dans les chefs-lieux régionaux de Donetsk et Lougansk, et les manifestations et incidents violents s'y sont multipliés.