Une odeur de coupe du monde flotte dans l'air. Un peu partout, les championnats locaux se terminent, et les internationaux des 32 pays qualifiés au Mondial 2014 vont se replonger dans l'ambiance spéciale d'une préparation à cet événement planétaire. Evénement dont, soit dit en passant, les jours semblent être comptés. Tout spectaculaire, tout fascinant qu'il soit, et même si des centaines de millions d'êtres humains vivent cette période comme une fête ininterrompue, le Mondial de foot risque de connaître sa crise de croissance. En juin prochain, la Coupe du Monde qui va se dérouler au Brésil ne ressemblera plus du tout aux éditions des années 70, 80 voire même 90. Le foot, sport par essence des prolétaires et des ouvriers est aujourd'hui entre les mains des multinationales, par le biais des sponsors et des télés, alors que les joueurs sont devenus de riches millionnaires, voire milliardaires. On qualifie le Brésil, comme étant le pays de la samba, de la fête et du foot. Mais ça c'était avant, désormais, c'est devenu le pays où le public – le peuple – conteste dans la rue et se soulève pour dénoncer l'argent gaspillé autour, et pour le football. Désormais, au nom du foot, historique opium des peuples, on ne peut plus tout se permettre. Le peuple brésilien démontre chaque jour cette nouvelle tendance, qui est aussi une véritable prise de conscience. Il est symptomatique, que ce soit au Brésil que l'allumette de la révolte contre « le tout pour le foot » ait été lancée. Le feu ne s'éteindra pas de si tôt, et même si finalement, les dirigeants brésiliens - et la FIFA patronne de l'événement – arrivaient à faire tenir « leur » Mondial dans les règles de l'art, et bien la contestation reprendra ailleurs et toujours. Le foot a été enlevé à ceux qui l'aiment, qui le suivent, et qui sacrifient beaucoup pour le seul plaisir de voir et d'encourager les joueurs. Au nom de ces joueurs est venu s'installer un merchandising sauvage et un consumérisme scandaleux, qui vous font acheter le maillot de celui-ci ou la godasse de celui-là, à des prix qui bouffent la totalité des salaires du smigard. Et puis, on n'a même plus la joie toute simple de recevoir les images de foot en allumant la télé. Il faut maintenant des décodeurs, des cartes, et passer encore et encore à la caisse. Et tout ça pour que des Messi, Ronaldo et tous les autres richards du foot, gagnent 2 milliards par mois soit près de 1 million de dirhams par jour. Au-dessus de tout ce déglinguage économico-politico-marketo-foutage de gueule, la FIFA trône en menaçant de ses foudres quiconque conteste la moindre parcelle de ses privilèges. Bien entendu, cela ne peut plus durer et déjà ce qui s'est amorcé au Brésil va être à l'origine d'une longue série de bouleversements, ne serait-ce qu'au niveau des mentalités. La FIFA va être obligée de faire de très grosses concessions. D'ailleurs, Sepp Blatter est assez habile et diplomate pour comprendre quand le vent ne souffle plus de son côté. Il ne fera pas machine arrière toute, mais il va lâcher du lest chaque fois un peu plus pour espérer rester maître de la situation. Le pourra-t-il ? Elle paraît bien déjà lui échapper et ce ne sont pas les bourdes à répétition de son bougre de secrétaire général, Jérôme Valcke qui lui faciliteront sa marge de manœuvre. Et quand Blatter avec ses 78 ans (qu'il porte à merveille, d'ailleurs) annonce qu'il souhaite rempiler après 2015 en demandant (et obtiendra, vu les procédures de vote) un mandat supplémentaire, c'est aussi parce qu'il veut recadrer toutes ces dérives, les endiguer pour que « sa » FIFA ne soit pas emportée dans les flots tumultueux d'une révolte des pauvres contre les riches. La révolte de ceux qui suent pour gagner leur argent contre ceux qui viennent les séduire pour le leur prendre. Le foot a perdu de son pouvoir de séduction. Si en Europe, les matches sont devenus à hauts risques et que le PSG qatari a vu, l'an dernier, sa fête massacrée en face de la Tour Eiffel, c'est bien parce que des supporters lambdas se sentent aujourd'hui exclus. Et si les rutilantes bagnoles des stars du ballon rond sont prises pour cibles en cas de mauvais résultats, c'est parce que « le spectateur d'en bas » veut détruire l'image trop riche, trop inaccessible que projette sur lui, un joueur jadis adoré, mais désormais, coupable d'être trop fortuné. Même si dans les salons VIP et les loges pour ultra-nantis, le foot se déguste avec petits fours et caviar, il y a le reste des tribunes, tout le reste et les laissés pour compte n'entendent pas se taire. La solution ? C'est de toujours gagner pour calmer les colères, mais comme c'est impossible et que tout finit par lasser, et bien il va falloir que les décideurs mettent de l'eau dans leur champagne. Et redécouvrent, et réadmettent que le foot est né dans la rue, et les quartiers et les terrains vagues et qu'en attendant de le « policer » en le rendant aseptisé avec des footeux-robots uniquement occupés par leurs cartes de crédits et leurs top models de copines, il va falloir entendre et comprendre le cri de révolte qui, poussé du Brésil, va enflammer comme un incendie de forêt les tribunes populaires du monde entier.