On pourrait intituler aussi « Florilège pictural » l'exposition collective qui se tient à la Cathédrale sacré-coeur de Casablanca, du 5 au 14 juillet 2012. Cette exposition réunit des artistes ayant chacun son style et sa technique propres, dont feu El Badaoui Khlafa, mort en 2010, de qui nous avons eu l'occasion de dire qu' »il est l'auteur d'une certaine réalité marocaine que nous pouvons aujourd'hui considérer comme un document. Khalafa a peint le Maroc qui était totalement le sien, d'où la présence dans ses scènes d'une sentimentalité de bon aloi ayant une forme de revendication identitaire ». Il s'agit ensuite d'Abdallah Fninou, collectionneur en plus (il possède entre autres peintres de renom des A. Cherkaoui et des J. Gharbaoui), qui expose depuis les années 80, souvent en groupe, jusqu'à sa dernière manifestation individuelle à l'hôtel Art Place cette année. Disciple de Khlafa, come il aime le reconnaître et ayant assisté ce dernier jusqu'à son dernier souffle, Fninou est ce qu'on pourrait appeler un original. A mi-chemin entre l'abstraction et la figuration, cet artiste casablancais né en 1957 recourt à une technique de camouflage, de la déviation visuelle, autant dire d'un trompe l'oeil accentué par une manière de relief qui verse dans le matiérisme. Voici un introverti qui demande à l'image réelle de se convertir en métaphore sinon en illusion. Cela se remarque dans sa gestualité lyrique qui s'attache à embrumer autant que possible l'aspect concret des choses, tels les impressionnistes traitant essentiellement des formes. Le support est de préférence la toile de jute, ce qui, selon l'artiste, enrichit en la complexifiant la réception de la matière mais répond cependant, à s'y méprendre, à ses exigences allusives et connotatives. Figuratif mais se réclamant de l'abstraction comme antithèse dynamique, et réciproquement, Fninou cible mouvement qui détermine la composition à la fois graphique et chromatique. La toile doit vibrer à ses coups de pinceaux fébriles et nuancés ; c'est que l'idée d'harmonie visuelle prime chez ce créateur aux prises avec ce qui serait des hallucinations naturelles, des fantasmes abstractifs à saisir et à projeter dans une espèce d'absolu rassurant. Fninou transcende certes la réalité perçue sous le prisme du regard, pour en faire une vision euphorisante, un grouillement de formes indéfinies, et c'est à travers cette exaltation, cette effusion des sens traduits lignes, couleurs, formes, matière lumière, volumes, etc. Que son langage plastique prend de la valeur. Invitée d'honneur de cette exposition, la jeune plasticienne Ilham Laraki Omari, qui vient d'ouvrir une nouvelle galerie au quartier Racine appelée « Mine d'art », est plus à l'aise dans l'abstraction et les couleurs chaudes, puisant sa manière dans la décoration architecturale et les motifs patrimoniaux traditionnels. Ilham étonne par le choix de ses couleurs dont elle orchestre les tonalités et la lumière qui joue énormément dans cet univers intimisé, où les contrastes, allant du noir au rouge, assurent une meilleure visibilité de l'espace et des choses. Ilham entreprendrait une recherche à résonance identitaire, à travers ses évocations graphiques, ses touches et son gestualisme... Nous découvrons en même temps les oeuvres de Qassi Abdessadek, la soixantaine, qui avait d'abord évolué en Occident, et que le public est invité à découvrir dans sa troisième manifestation au Maroc. Abstrait comme le sont Mohamed Bennani Moa ou le jeune Ahmed El Hayani, Qassi est un artiste du mouvement, de la fulgurance chromatique et de la couleur quand il la réduit à sa pureté expressive. Sensations et évocations se bousculent dans son oeuvre. La technique révèle une sensibilité moderne à caractère paysagiste abstrait, avec une légère propension à la contemplation mystique. Chaque oeuvre fait écho à l'ensemble. Il en ressort une esthétique qui doit beaucoup à l'imagination créatrice de l'artiste.