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Salon du livre de Casablanca
Anthologie de poésie amazighe Une trentaine de poètes de Souss Massa Draa pour évoquer un demi-siècle d'immigration dans la même région
Publié dans L'opinion le 14 - 02 - 2012

Au Salon du livre de Casablanca, qui se tient cette année du 10 au 18 janvier, il y a toujours, au stand de l'Association Marocaine de Recherche et d'Echange culturel (AMRE), exposés parmi les livres d'autres auteurs amazighs, les ouvrages de Mohamed Moustaoui. Poète travaillant depuis 1976 sur la culture orale amazigh, Moustaoui vient de publier, presque coup sur coup, deux nouveaux livres qu'il présente au Salon du livre: un roman en amazigh (tachelhit) intitulé «Tikettay» (Souvenirs) et une anthologie (bilingue amazigh/arabe) des poètes de Souss et Draa axée sur le thème de l'immigration et intitulée «Immigration et exil dans la poésie marocaine amazighe». Dans le titre en arabe de l'anthologie, il emploie le mot ightirab qui signifie plutôt aliénation et donc perte des racines, mais il veut signifier aussi, dit-il, le sens d'exil contenu, lui, dans l'autre mot arabe: ghorba.
L'ouvrage évoque à travers des poètes et chanteurs populaires un demi-siècle de migration du Souss vers l'Europe avec des étapes cruciales comme celle du recrutement massif de main-d'œuvre aux débuts des années 1960 et dont la mémoire est très présente dans les poèmes rassemblés.
Une fois n'est pas coutume pour Moustaoui qui se fait éditer toujours à compte d'auteur, l'anthologie est publiée grâce à une institution: la Région de Souss Massa Draa. Il s'agit d'un recueil des productions poétiques de 37 poètes amazighs issus, pour une bonne partie, du patrimoine oral. On trouve dans le lot des chanteurs célèbres de la région mais aussi des cadres de l'Education nationale, des commerçants, un artisan, des agriculteurs attachés à la terre, un mécanicien automobile, un entrepreneur, un universitaire: le poète Ali Sidki Azaykou (1942-2004) et même des fkihs venant des medersas traditionnelles ayant appris le Coran par cœur dès le jeune âge et des notions de jurisprudence, de langue et de grammaire arabe, ce qui ne les a pas éloignés pour autant de la culture populaire profane faite de joutes poétiques sur les places de danse de l'Ahouache.
Ecriture et oralité
Dans l'anthologie, les auteurs sont répartis en trois catégories. D'abord les rwayess, ces poètes en même temps musiciens, chanteurs, danseurs qui perpétuent la tradition des troubadours. Deuxième catégorie, les auteurs qui écrivent, alphabétisés dont certains ont publié un recueil de poésie en tachelhit, d'autres possèdent des textes sans avoir les moyens de les publier. Les plus chanceux d'entre eux sont ceux qui ont vu leurs textes chantés par les groupes de musique en vogue. Enfin la troisième catégorie regroupe des poètes du cru qui s'expriment au moment des fêtes d'Ahouach au village sur la place de danse Assayess. Dans leur rang, on découvre surtout des poètes qui improvisent leurs poèmes, le don d'improvisation étant la qualité la plus typique de ces poètes qui peuvent se livrer à des duels en public pour répondre à leurs adversaires, leur tenir tête, leur faire la leçon ou carrément les tourner en dérision.
Ce projet thématique remonte à 2006 lors de la participation de Moustaoui à une rencontre, organisée par l'Union des Ecrivains du Maroc, sur le thème de l'immigration. A cette occasion, il prononce une communication sur le rapport de la poésie amazigh et l'immigration. Il révèle alors que c'est un thème récurrent dans la poésie chantée du fait que chaque famille dans le Souss et Draa possède un ou plusieurs membres partis au loin, parfois sans laisser de nouvelles. La famille, épouse, enfants, parents attendent le retour de l'absent. Les poètes se font les interprètes de cette attente muette. Ils sont donc la «voix de gens muets» qui souffrent en silence dans leur coin.
Parmi les poètes, il y en a eu aussi des migrants fameux comme ce fut le cas du rayss Bihti né en 1942 dans la tribu Ait Iloukass, douar Lborj, région de Chtouka Ait Baha, ancien ouvrier ayant travaillé vingt ans en France dans une usine de construction automobile. Son cas est particulier car il est de ceux qui évoquent le mal de l'immigration de l'intérieur avec un franc-parler qui frise parfois la diatribe. Dans l'anthologie, il y a un poème où il s'en prend à un autre poète pour lui signifier qu'il se trompe sur la vraie vie de l'immigration.
Moustaoui insère aussi ses propres poèmes. «Souvent les gens ne se rendent pas compte que ceux qui ont souffert de l'immigration ce sont l'épouse, l'enfant et les vieux restés au village» dit-il.
Sur les routes
Le thème, comme le démontre l'auteur, remonte à loin. Déjà chez les anciens rwayes comme Haj Belaïd (1875-1946) il était à l'œuvre, de même par la suite chez Omar Ouahrouch (1926-1994) tous deux parmi les premiers cités avec Haj Mohamed Demssiri (1937-1989). Pour ces pionniers, l'auteur a dû réécouter leurs anciens enregistrements de chansons pour choisir des extraits significatifs sur le thème de l'immigration. Ainsi, de Haj Belaid, l'auteur cite un premier poème d'une vieille chanson qui parle de l'histoire du traçage des premières routes et l'apparition des moyens de transport modernes donnant le coup d'envoi au mouvement de la migration en masse dans le Souss :
«Pourquoi, ô vous chauffeurs, vous avez le cœur si dur au point que quiconque vous paie le prix du ticket vous le portez ?
Vous devriez interroger au préalable tout homme ayant l'intention de voyager loin de la terre natale,
S'il s'agit d'un célibataire laissez-le donc partir où bon lui semble,
Par contre celui qui est marié, à qui donc va-t-il laisser sa femme ?
Dites-lui de rester auprès de sa femme, qu'il ne l'abandonne surtout pas,
Pourquoi donc l'homme se marie-t-il pour ensuite s'enfuir laissant femme et foyer pour se retrouver sur les routes bondées,
Mais il ne peut accepter de rester assis dans son coin sans travail, alors malheureux, il part errant sur les routes».
Rayss Omar Ouahrouche décrit pour sa part, vers la fin des années 1950 début 1960, comme le plus grand malheur, l'exil, la perte d'identité et le retour sur le tard. Le poète incite à garder le contact permanent avec la terre natale, tout le bien provient d'elle, nul doute :
«Que les migrants n'oublient pas leur pays car la terre étrangère ne leur sera pas éternellement accueillante, un jour ou l'autre ils vous demanderont de retourner chez vous.. »
Parmi les Rwayess qui ont parlé de l'immigration, l'auteur cite aussi des femmes: Rkiä Demssiriä et Fatima Tabaamrante, toutes deux évoquant les souffrances de l'exil et la nécessité vitale du retour au pays pour aider les siens. A Paris, Rkia Demssiriä chante nostalgique: «Mes larmes mon frère ce n'est pas à cause du froid mais de l'éloignement de mes enfants et amis… »
L'auteur explique qu'il a dû se déplacer dans des douars éloignés avec une cassette audio pour enregistrer les poèmes et constituer une note biographique de chaque poète interviewé. Une sorte d'enquête où Moustaoui se fait reporter pour aller en quête de créateurs, véritables viviers de la langue «dont personne ne se soucie» et qui n'en constituent pas moins d'extraordinaires interprètes des souffrances et des joies de leur patelin. Parmi ces interprètes, des cas très particuliers comme celui de Khadija Bent Brahim Tassakniyit du village enclavé de l'Anti-Atlas, Issgane, tribu Ida Ou'Ndif, Kiadat Adar, cercle Ighrem, province de Taroudant, née en 1970, issue d'une mère elle-même femme poète. Le propre de Khadija Tassakniyit c'est qu'elle improvise son poème en le chantant d'une très belle voix qui porte loin. Le poème qu'elle a improvisé à l'occasion est une sorte de cri de détresse, en même temps une remontrance lancée aux absents les incitant à revenir pour aider à désenclaver le pays natal qui les avait nourri et les avait vu grandir.
Maison déserte
C'est une femme poète très douée qui vit dans l'isolement, pauvreté matérielle mais avec une grande dignité, dit Moustaoui qui poursuit que c'est le genre de personne que le ministère de la Culture devrait aider en organisant des manifestations qui rassemblent ces poètes qui se trouvent en proximité avec la terre.
Le plus jeune poète de l'anthologie est Haj Abed Outata né en 1976, douar Icht, municipalité Foum Lhiçne, cercle Aqqa, province Tata. Il est décrit par l'auteur comme un poète improvisateur hors pair célèbre dans sa région. Dans les poèmes qu'il improvise c'est une autre image qui est offerte, celle des villages abandonnés par les jeunes, des villages morts :
«Quand je m'arrête dans un douar pour voir des proches, je ne trouve nulle trace de mes copains d'enfance, tous sans exception sont partis à l'étranger… ».
Dans les villages les maisons sont vides, il en est de vastes et belles mais ne sont habitées qu'une semaine ou deux par an. Le propriétaire a du mal à convaincre un gardien d'y rester toute l'année car ce dernier s'ennuie à mort...
En parcourant les différents poèmes en amazigh dont le sens condensé est donné en arabe, on voit restituée en filigrane une mémoire collective riche avec des rappels récurrents comme cette histoire de recrutement des travailleurs (plus de 78 mille jeunes) par un célèbre recruteur de main d'œuvre bon marché pour les mines de charbon de la France Nord-Pas-de-Calais au début des années 1960. Ce personnage, un ancien militaire français au temps du Protectorat, négrier moderne, devenu une sinistre légende, semble dans les poèmes comme l'emblème du malheur, est souvent évoqué nommément hantant les strophes des poètes du Souss à travers les générations.
L'anthologie donne une image des différentes représentations de l'immigration à partir des émotions suscitées qui avaient servi comme fond essentiel à la chanson des rwayess.


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