La Ligue arabe a adressé un ultimatum de 72 heures au régime syrien pour mettre fin à la répression sous peine de sanctions économiques contre Damas, où les attaques de manifestants pro-Assad contre les ambassades étrangères se multiplient. A l'issue d'une réunion de l'organisation panarabe mercredi à Rabat, le Premier ministre du Qatar Hamad ben Jassem a déclaré que l'organisation donnait à «partir» de mercredi «trois jours au gouvernement syrien pour arrêter la répression sanglante» contre la population civile». «Si Damas n'accepte pas de coopérer avec la Ligue, des sanctions économiques seront adoptées contre la Syrie», a-t-il avertit. Damas qui a boycotté la réunion de Rabat n'a pas encore réagi aux injonctions de la Ligue arabe. Cheikh Hamad, dont le pays assure la présidence en exercice de la Ligue, a également demandé à Damas d'autoriser une mission d'observateurs de la Ligue arabe en Syrie. La Ligue a décidé d'envoyer 500 membres d'organisations arabes des droits de l'Homme, de média et des observateurs militaires en Syrie, selon un responsable de l'organisation panarabe. Mais selon le secrétaire général de la Ligue arabe Nabil Al-Arabi, les observateurs arabes ne seront envoyés en Syrie qu'une fois signé un protocole d'entente clair avec le gouvernement syrien, et après l'arrêt de la répression. Soulignant que la patience des pays arabes était à bout, le ministre qatari a déclaré: «Je ne veux pas parler de dernière chance pour qu'il (le régime syrien) ne pense pas qu'il s'agit d'un ultimatum, mais nous sommes presque au bout du chemin». Samedi au Caire, la Ligue arabe avait pour la première fois pris des mesures visant à accroître l'isolement international du régime de Bachar al-Assad qui mène depuis huit mois une répression sanglante contre la contestation populaire. Les violences se sont poursuivies mercredi, faisant au moins 23 morts dont huit militaires, selon des opposants. Jeudi matin, une fillette de neuf ans a été abattue la sécurité syrienne lors d'une perquisition dans une localité de Deir Ezzor (est), selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Pendant la réunion de Rabat, les ambassades du Maroc et des Emirats à Damas ont été la cible de manifestants pro-régime, qui ont multiplié depuis le week-end les violences contre les représentations diplomatiques étrangères dans la capitale. Le Maroc a rappelé son ambassadeur à Damas, alors que les Emirats arabes unis ont «rendu le gouvernement syrien responsable de la sécurité et de l'immunité de la chancellerie». Dans un communiqué publié dans la nuit de mercredi, les autorités syriennes ont averti qu'elles arrêteraient et jugeraient toute personne qui attaquerait une représentation diplomatique. «Le ministère de l'Intérieur prendra toutes les mesures nécessaires, notamment l'arrestation et le jugement de tous ceux qui tenteraient de porter atteinte aux représentations diplomatiques», a rapporté l'agence officielle Sana. La Chine, fournisseur de premier plan de la Syrie dans le secteur militaire, s'est par ailleurs dite jeudi «très inquiète». «La Chine est très inquiète devant les événements en Syrie», a déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Liu Weimin. Avec la Russie, la Chine, membre permanent du Conseil de sécurité, a opposé le 4 octobre son veto à un projet de résolution de pays occidentaux qui menaçait le régime syrien de «mesures ciblées» pour protester contre la répression qui a fait 3.500 morts depuis la mi-mars, selon l'Onu. L'opposition doit «s'organiser» avant toute reconnaissance La France, qui a aussi rappelé son ambassadeur à Damas après des violences pendant le week-end contre ses missions diplomatiques en Syrie, a estimé jeudi que le Conseil national syrien (CNS), qui regroupe différents courants de l'opposition au régime Assad, devait «s'organiser» avant toute reconnaissance officielle. «Il faut que le CNS s'organise. On a des contacts avec eux, j'ai vu à Paris M. (Burhan) Ghalioun, qui en est le président. Nous les aidons, nous avons des contacts avec eux et nous les encourageons à s'organiser», a déclaré le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, excluant dans l'immédiat une reconnaissance officielle par la France du CNS. Le CNS n'a été reconnu jusqu'à présent que par les nouvelles autorités libyennes. Alain Juppé a de nouveau vivement critiqué le régime de Damas, jugeant sur la chaîne BFMTV et la radio RMC que «la répression brutale, sauvage, exercée depuis des mois ne peut continuer». Le ministre français a salué le «tournant» provoqué par la «prise de conscience des pays voisins qu'on ne peut plus faire confiance à Bachar al-Assad» et la décision de la Ligue arabe de suspendre la Syrie. Vers un vote à l'Assemblée générale de l'Onu Face au blocage par la Russie du vote de sanctions au Conseil de sécurité des Nations unies, Alain Juppé a de nouveau expliqué que la France travaillait à faire adopter un projet de résolution à l'Assemblée générale des Nations unies. La Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et plusieurs pays arabes espèrent soumettre la semaine prochaine au vote de l'Assemblée générale de l'Onu une résolution condamnant la Syrie pour la répression des manifestations anti-gouvernementales, a-t-on appris auprès de responsables allemands. La résolution exige la fin immédiate des violations des droits de l'homme et de la violence et exhorte le gouvernement du président Bachar al Assad à appliquer la feuille de route de la Ligue arabe acceptée début novembre qui appelle à la fin du bain de sang et au déploiement d'observateurs étrangers. Les délégations des trois pays européens ont rencontré des délégations arabes mercredi pour discuter du texte et de la réunion de la Ligue arabe consacrée à la Syrie. «Le projet de résolution recueille un fort soutien», a dit le porte-parole de la mission allemande à l'Onu. «Certaines délégations arabes ont même exprimé leur intention de co-parrainer la résolution.» Selon plusieurs diplomates, qui s'exprimaient sous le sceau de l'anonymat, l'Arabie saoudite, la Jordanie, le Qatar, le Maroc et le Koweit envisagent de parrainer cette résolution non-contraignante sur la Syrie.