L'armée pakistanaise est raillée, voire taxée de complicité mardi, au lendemain de l'attaque d'une base aéronavale dont les six assaillants ont résisté pendant 16 heures à des centaines de militaires. Lancé dimanche soir, l'assaut de la base PNS Mehran de Karachi, a fait dix morts et 20 blessés dans les rangs des forces de l'ordre. "Les moudjahidine qui ont mené cette opération étaient forts de leur foi et équipés d'armes perfectionnées, c'est pourquoi ils ont combattu des centaines de membres des services de sécurité et leur ont infligé de lourdes pertes", s'est félicité Ehsanullah Ehsan, porte-parole des taliban pakistanais, joint au téléphone par Reuters. Selon le ministre de l'Intérieur, Rehman Malik, trois assaillants ont été tués par balles. Le corps d'un quatrième se trouverait sous les décombres d'un mur et deux seraient parvenus à prendre la fuite. L'armée pakistanaise avait déjà été largement mise en cause après la mort d'Oussama ben Laden, tué le 2 mai par un commando américain dans la résidence qu'il occupait apparemment depuis plusieurs années à Abbottabad, ville de garnison située à une cinquantaine de kilomètres d'Islamabad. Les Navy Seals ont, qui plus est, opéré à l'insu des forces pakistanaises. L'appareil militaire était jusqu'ici largement considéré comme l'unique institution efficace du pays, notamment par la presse. Le quotidien anglophone The News parle toutefois mardi de "fiasco homérique illustrant une menace existentielle qui impose l'intervention d'une hiérarchie héroïque". "Pour rester poli, on pourrait parler de négligence inquiétante", écrit quant à lui l'éditorialiste de Jang, grand quotidien en ourdou et allié fidèle de l'état-major. Ecartant l'hypothèse de l'incompétence, d'autres titres évoquent des complicités. "Les assaillants taliban disposaient-ils d'informations en provenance de l'intérieur de la base ? Une telle éventualité ne peut être exclue, parce que l'implication de membres du personnel dans d'autres attaques a été bien établie", peut-on lire dans les colonnes de Dawn, autre quotidien anglophone. En octobre 2009, un commando comparable à celui de Karachi s'était attaqué au quartier général de l'armée, à Rawalpindi. Quarante-deux personnes, dont plusieurs officiers, avaient été retenus en otages. Au total 23 personnes avaient trouvé la mort, neuf membres du commando, onze militaires et trois otages, au terme d'une journée d'affrontement. L'enquête a montré que les assaillants avaient bénéficié de la complicité de soldats du rang et d'officiers. Interrogé sur l'éventuelle implication de militaires dans l'attaque de la base de Karachi, le porte-parole des taliban a éludé. "Nos 'amis sur place' à Karachi nous ont aidé dans l'opération d'hier, mais je ne dirai pas si nous avions des amis à l'intérieur de la base", a-t-il répondu.