Depuis belle lurette, le court métrage a constitué un passage obligé vers le long. Le cinéma ayant débuté par le court, on ne peut ignorer son importance historique. Les frères Lumière produisaient des « bandes », de quelques minutes et quand leur durée atteignit 15 minutes, c'était déjà un long métrage par rapport à ce qu'on faisait avant. Chez nous, en 1941, Mohamed Ousfour était tout fier de réaliser son premier court n'ayant ni les moyens ni la compétence pour expérimenter le long métrage. D'autre part, tous les grands cinéastes du monde ont eu droit au court. Les cinémathéques sont remplies aujourd'hui de films réalisés par des cinéastes devenus célèbres grâce aux longs métrages, et leurs premiers courts sont là pour témoigner de leur première passion, leur premier style, peut-être leur première influence. Les écoles et instituts trouvent un réel plaisir à programmer les courts métrages réalisés par Stanley Kubrick, Steven Spielberg, Davis Lynch ou Roman Polansky afin d'insuffler un coup d'espoir et d'optimisme aux étudiants. Les grands ont commencé aussi tous petits. Evidemment, on trouve un réel plaisir à découvrir les œuvres débutantes de ces cinéastes et on est souvent émerveillé par leur conception précoce du cinéma, leur manière et leur touche personnelle se répercutant sur leurs premiers films. Souvent on décèle chez eux que leurs longs métrages ne sont en fait que des remakes de leurs premiers courts, revus, corrigés et étirés. Dans les années 60, les responsables du CCM n'avaient pas tout à fait tords de se concentrer sur la production des courts métrages d'abord. Les premières années suivant l'indépendance (1956-1966) vont constituer une période d'apprentissage permettant aux jeunes cinéastes, autodidactes et lauréats d'instituts spécialisés, de se perfectionner, d'apprendre le métier, d'aiguiser les outils du cinéma, encadrés par les derniers rescapés français. Cette politique, menée de mains de maître par Omar Ghannam, porta longuement ses fruits. Pas moins de 200 films de courts métrages sont produits durant la décennie évoquée où l'on testa la fiction, le documentaire, la docu-fiction et le film expérimental. De l'avis des cinéastes qui ont vécu cette période fructueuse, ce fut l'âge d'or du cinéma marocain où les films sont réalisés avec sérieux, compétence et dévouement. En plus, cette expérience développa un formidable esprit d'équipe où la complémentarité prime sur la compétitivité. Le résultat de cette politique cinématographique est hautement positif. En plus d'un cumul quantitatif réconfortant, la qualité des films et leurs niveaux technique et artistique sont vite reconnus et récompensés. Les films trouvant leur chemin naturel vers les festivals les plus prestigieux et figurent parfois au palmarès. Au niveau local, ils sont ovationnés et mémorisés par le public des salles où ils passent en avant-programme. Ces films honorent aujourd'hui les mémoires de ceux qui les ont fait mais également ceux qui les ont admirés.