En deux semaines, les cours du pétrole ont connu une chute importante. Cette baisse ne se reflète toujours pas dans les prix à la pompe, qui restent stables. Depuis le début de novembre, le prix du baril de pétrole a commencé à chuter. Il est passé de 87 dollars à moins de 80 dollars pour la première fois depuis juillet dernier, avant de remonter légèrement à 81 dollars au moment de l'écriture de ces lignes. Durant toute l'année 2023, le cours du pétrole a fait du yoyo sous l'effet de l'instabilité géopolitique et des doutes sur la croissance économique mondiale.
La récente chute des prix s'explique par le fait que les investisseurs sont davantage préoccupés par la faible demande aux Etats-Unis et en Chine, tandis que les inquiétudes concernant les éventuelles perturbations de l'approvisionnement dues au conflit au Proche-Orient ont quelque peu diminué.
L'Agence américaine d'information sur l'énergie a annoncé la semaine dernière que la production de pétrole brut aux Etats-Unis augmentera cette année légèrement moins que prévu précédemment, tandis que la demande continuera à diminuer. L'année prochaine, la consommation de carburant par habitant aux Etats-Unis pourrait atteindre son niveau le plus bas en deux décennies.
Ralentissement de la Chine
Les marchés sont également prudents quant à un éventuel resserrement de la politique monétaire aux Etats-Unis après que le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, ait déclaré la semaine dernière que l'institution pourrait de nouveau relever les taux d'intérêt si les progrès dans la maîtrise de l'inflation s'enrayent.
Les données économiques faibles de la Chine, qui est le plus grand importateur mondial de pétrole brut, ont accru les craintes d'une demande en déclin, les raffineries chinoises demandant moins de pétrole à l'Arabie Saoudite, le plus grand exportateur mondial.
En octobre, les prix à la consommation en Chine ont atteint leurs niveaux les plus bas depuis le début de la pandémie, suscitant des inquiétudes quant à la reprise économique du pays. Selon les dernières perspectives du FMI, l'économie chinoise devrait ralentir en 2024 avec une croissance du PIB de 4,6%, en raison de la persistance de la faiblesse du marché immobilier et de la demande extérieure modérée.
Augmenter les marges
Au Maroc, les prix à la pompe continuent d'afficher 14 dirhams par litre pour le diesel et environ 15,5 dirhams par litre pour l'essence. Ces dernières semaines, ces prix n'ont pas suivi la tendance baissière observée à l'international, démontrant un décalage entre le marché domestique et les cours internationaux. Dans un contexte toujours marqué par les soupçons d'entente sur les prix des carburants, ce décalage interroge les consommateurs.
"Sans la libéralisation des prix des carburants, le prix du diesel et de l'essence n'aurait pas dépassé environ 12 dirhams depuis le séisme de l'Atlas en septembre dernier", nous explique El Houssine El Yamani, président du Front National pour la Sauvegarde de la raffinerie la Samir (FNSS). Le syndicaliste explique cela par le fait que les entreprises de distribution préfèrent augmenter leurs marges en période de baisse des cours, plutôt que d'en faire profiter les consommateurs.
Structure des prix
D'autres facteurs contribuent au décalage observé entre les prix internationaux et le prix à la pompe. Il est important de prendre en compte le temps nécessaire pour l'achat, le transport, le stockage et la distribution du produit raffiné. En règle générale, ce délai est estimé à une quinzaine de jours, mais il dépend du niveau des stocks de chaque entreprise de distribution. Cette période de gestion des stocks peut influencer la réactivité des prix à la pompe par rapport aux fluctuations sur les marchés internationaux.
Pour la structure des prix, elle est formée à 61% du marché international, tandis que 31% sont constitués des impôts et taxes. Le coût de distribution et les marges de bénéfice forment le reste (8%). Une intervention gouvernementale pour alléger les prix à la pompe en baissant les impôts est pour l'instant écartée, puisque pour maîtriser l'inflation, l'Exécutif a toujours privilégié une aide directe aux transporteurs. 3 questions à El Houssine El Yamani : "Le seul perdant de la libéralisation est le consommateur" Pourquoi le prix du baril de pétrole a baissé sur le marché international, mais le prix des carburants au Maroc n'a pas bougé ?
La situation au Maroc n'est pas liée au marché international, car le Maroc ne produit pas de pétrole depuis l'arrêt par de la Samir à la fin de 2015. La tendance du pétrole brut n'est pas la même que celle du produit fini.
Même si le prix du pétrole brut baisse de 2 $, cela ne se reflète pas de la même manière sur le produit fini. Avant la guerre en Ukraine, nous avons constaté une augmentation significative des marges de raffinage. En d'autres termes, même si la tendance actuelle vise à ajuster les prix du carburant, elle progresse lentement vers la normalisation depuis le séisme d'Al-Haouz au début de septembre, il semble y avoir un problème avec les prix. Les prix ont été gelés à 14 dirhams pour le gazole et 15,5 pour le super.
Comment les entreprises d'hydrocarbures influent-elles sur les coûts pour les consommateurs ?
Je pense qu'ils sont très préoccupés. Ils supposent qu'ils iront sur le marché international à des moments différents et auront des fluctuations de prix. Cependant, sur le marché marocain, les prix sont équivalents, avec seulement quelques centimes de différence.
Mais ils ont remarqué d'importantes remises dans le marché des grossistes, dépassant parfois 1 dirham par litre. Cela indique que les marges des opérateurs sont maintenues, et que la libéralisation ajoute 61 centimes, soit plus de 2 dirhams. Le seul perdant dans cette situation de libéralisation est le consommateur.
Le PLF 2024 aura-t-il un impact sur le prix des carburants ?
Aujourd'hui, le prix du gasoil est fixé à 3,50 ou 3,60 dirhams de la TVA et la TIC. Pour l'essence, le prix atteint 5 dirhams qu'on paye. Malheureusement, la plupart des intervenants, y compris les responsables, reconnaissent le problème, mais ils ne proposent que la décompensation progressive pour le gaz.