Depuis les années 1990, le Maroc s'est imposé comme une terre d'exception pour la chasse aux météorites. Porté par un engouement international et une absence de réglementation stricte, le royaume a vu émerger un commerce foisonnant où nomades du désert et marchands réguliers côtoient chercheurs et collectionneurs du monde entier, affirme The Wired dans un article consacré au sujet. Le Maroc est aujourd'hui l'un des principaux fournisseurs de météorites à l'échelle internationale. Officiellement, plus d'un millier de fragments célestes y ont été recensés mais ce chiffre est largement sous-estimé, selon les scientifiques. À titre de comparaison, le Royaume-Uni ne compte que 23 chutes et découvertes répertoriées, note la même source. Cet essor s'explique par plusieurs facteurs. Le premier est d'ordre géographique et climatique : «Un météorite a autant de chances de tomber dans les Highlands d'Ecosse que dans le Sahara, mais là-bas, il sera bien plus difficile à repérer et se dégradera rapidement sous l'effet de la pluie et de la neige», explique Hasnaa Chennaoui Aoudjehane, professeur à l'Université Hassan II de Casablanca, interrogée par The Wire. Dans l'immensité désertique du sud marocain, ces roches sombres se détachent nettement du sable clair et restent préservées pendant des décennies. Ensuite, le pays bénéficiait déjà d'un réseau de chercheurs d'objets précieux : depuis longtemps, des chasseurs de fossiles, de minéraux et d'artefacts sillonnent ces terres arides. Pour de nombreux nomades, cette activité est devenue une source de revenus salvatrice. Enfin, le Maroc se distingue par sa stabilité. «Nous sommes, grâce à Dieu, un pays paisible», souligne Hasnaa Chennaoui. À la différence de certaines zones sahariennes en proie à l'insécurité, il est ici possible de parcourir le désert sans crainte, en quête de ces pierres venues de l'espace. De plus, l'absence de réglementation spécifique a longtemps permis à chacun de disposer librement de ses trouvailles. L'eldorado des marchands de météorites Le petit marché de la météorite s'est ainsi structuré autour d'un épicentre : la ville d'Erfoud, aux portes du Sahara. Aujourd'hui, ses boutiques regorgent de fossiles et de pierres célestes, tandis que certains nomades proposent aux touristes des excursions pour partir eux-mêmes en quête de ces trésors. Si Hasnaa Chennaoui ne remet pas en cause ce commerce, elle regrette qu'«absolument rien ne reste au Maroc.» Pour y remédier, elle a consacré ses propres ressources à l'acquisition de spécimens remarquables. Son initiative a donné naissance à une exposition itinérante, installée dans un centre commercial de Casablanca, où sont présentés des météorites marocains pour la première fois. L'initiative a déjà attiré plus de 17 000 visiteurs. «Je veux que les gens comprennent que c'est leur patrimoine», insiste-t-elle. Depuis 2004, son équipe universitaire a documenté l'essentiel des chutes observées dans le pays. Un dispositif a également été mis en place pour permettre aux découvreurs de faire authentifier leurs trouvailles auprès de chercheurs locaux. Un tournant pour le marché marocain Si les exportations restent massives, l'âge d'or du «ruée vers l'or saharienne» touche à sa fin. Conscients de la valeur de leurs découvertes, les nomades exigent désormais une rémunération plus juste, ce qui a fait grimper les prix. Dans le même temps, la qualité des trouvailles s'est dégradée : les plus belles météorites ont déjà été collectées, et les nouvelles sont souvent plus altérées par le temps. Si le Maroc a longtemps été un simple fournisseur de pierres célestes pour les collectionneurs du monde entier, il entend désormais s'imposer comme un acteur scientifique à part entière.