Bien qu'il constitue une étape importante vers la consolidation des droits de la population carcérale, le projet de loi sur l'organisation des prisons, notamment l'Article 76, a été fortement critiqué par la Fédération des jeunes avocats du Maroc. Le projet de loi 10.23 sur l'organisation des établissements pénitentiaires, qui se veut un pont vers l'amélioration des conditions de détention et d'insertion de la population carcérale, suscite tant de réactions et de commentaires depuis son adoption en mars dernier en Conseil de gouvernement.
Et pour cause, ce texte, considéré comme une refonte globale de la loi 23.98 relative à l'organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires actuellement en vigueur, intervient dans un contexte particulier où les prisons souffrent, depuis des années, d'une problématique majeure, celle de la surpopulation carcérale.
Selon la Délégation générale à l'administration pénitentiaire et à l'insertion, le nombre de détenus est passé à 100.004 pour 67.000 places seulement. Ainsi, après le Conseil National des Droits de l'Homme (CNDH), c'est la Fédération des jeunes avocats du Maroc qui vient, à son tour, de faire sa lecture des différentes dispositions de ce projet de loi soumis au débat au sein de la Commission de la justice, issue de la Chambre des Représentants.
A cet effet, lors d'une journée d'étude, tenue mardi 26 septembre à la première Chambre, une délégation de la Fédération des jeunes avocats s'est montrée très critique à l'égard de certaines dispositions dudit texte, notamment l'Article 76, dont les termes rendent plus difficile la relation entre le détenu et son avocat.
« La loi en vigueur, notamment l'Article 80, comprend des acquis fondamentaux sur lesquels il faut miser pour la mise en place d'une loi adaptée aux nouvelles exigences de la pratique, qui privilégie les droits du détenu et rend plus souple le travail quotidien de l'avocat », a commenté Maître Youssef Zerqaoui, membre de la Fédération des jeunes avocats.
Si l'Article 80 de la loi 23.98 stipule que la communication entre l'avocat et le détenu, soit en détention préventive ou condamné, se fait de manière libre en vertu d'un permis, l'Article 76 du projet de loi, quant à lui, stipule que l'avocat ne peut pas soumettre aucun document écrit au détenu et vice-versa. Pourtant, « dans plusieurs cas de figure, l'avocat se trouve dans des situations où son client ne peut détailler son cas que sur la base de documents écrits, notamment des schémas, des dates et autres », souligne Maître Zerqaoui, ajoutant que cette disposition porte atteinte aux droits fondamentaux des détenus.
De plus, l'avocat souligne que cet article ne prend pas en compte les spécificités de la communication avec les détenus ayant des besoins spécifiques ou tout simplement les détenus qui ne parlent pas l'arabe. Dans ce cas, par exemple, « la défense se trouve face à une question majeure, celle de qui va lui désigner le traducteur, entre le Directeur de l'établissement pénitentiaire en question ou le Ministère public », renchérit l'avocat, faisant savoir que cette même procédure constitue une vraie perte du temps.
Outre cela, le projet de loi en cours de discussion devrait, aux yeux de notre interlocuteur, trancher dans certaines mesures devenues, au fil du temps, plutôt administratives que juridiques. Il s'agit, par exemple, de la possibilité pour l'avocat de porter avec lui son téléphone lors des visites à l'établissement.
« Le téléphone ou tout autre outil électronique de l'avocat comprend les secrets de ses clients », souligne l'avocat, relevant que le projet de loi en vigueur « devrait lui permettre de porter tous les outils électroniques lui facilitant la communication avec le détenu de manière pratique. D'autant plus que les avocats ont abandonné l'usage du papier en raison de la prolifération des crimes électroniques auxquels cas l'avocat opte pour des outils électroniques, lesquels s'avèrent plus efficaces ».
Pour surpasser ce « blocage », notre interlocuteur appelle à ne plus laisser le pouvoir discrétionnaire à l'administration de l'établissement pénitentiaire. Par ailleurs, le premier paragraphe de l'Article 76 du présent projet de loi indique que « l'avocat communique avec le détenu préventif en vertu d'une autorisation émise par le Pouvoir judiciaire compétent », chose qui laisse place, selon Maître Zerqaoui, à plusieurs interprétations compliquant, ainsi, la tâche à l'avocat.
Du fait de la non-présence permanente du magistrat chargé du dossier dans le tribunal, la Fédération appelle à renoncer à cette disposition et à garder celle de l'Article de la loi en vigueur. Lequel souligne expressément que l'autorisation est émise par le juge d'instruction ou le procureur du Roi.
Ce sont donc les principales propositions faites par la Fédération des jeunes avocats du Maroc. Lesquelles seront prises en compte, certainement, lors des discussions avant que le projet de loi sur l'organisation des établissements pénitentiaires ne soit soumis au vote, au cours de la prochaine rentrée parlementaire, fixée au 13 octobre 2023.