L'Intelligence Artificielle (IA) est désormais un concept, connu de tous, qui ne cesse de susciter l'intérêt, notamment lors de la 1ère édition de GITEX Africa. Au Maroc, de nombreux projets qui apportent des solutions basées sur l'IA ont déjà émergé. Du côté du gouvernement, la volonté de faire de l'IA un levier de développement n'est pas à négliger. Mais beaucoup reste à faire. Des drones de surveillance de l'espace agricole, des outils de détection de cancer avec une analyse d'image, des voitures autonomes, à la reconnaissance faciale ou même des assistants virtuels disponibles 24h/24h, autant de projets qui utilisent l'Intelligence Artificielle se déploient depuis quelques années à une vitesse incroyable, au fur et à mesure de l'évolution de cette technologie de pointe. Elle apporte, ainsi, des solutions aussi innovantes les unes que les autres. Le secret ? Une jeunesse friande de technologies mais qui a surtout osé franchir le pas. D'ailleurs, la présence remarquable de nombreuses startups spécialisées sur ce créneau lors de la première édition de GITEX Africa 2023, tenue à Marrakech du 31 mai au 2 juin, en est la meilleure preuve. De leur côté, les investisseurs sont au rendez-vous. Certes, on ne dispose pas de statistiques dans ce sens, mais les spécialistes s'accordent à dire que « plusieurs entreprises du secteur privé ont commencé, depuis 2018, à implanter des solutions basées sur le machine learning et l'IA ». Force est de constater que l'année 2023 est incontestablement l'année de l'Intelligence Artificielle. Un constat qui nous rappelle, d'ailleurs, l'apparition des entreprises point com (Dot-com compagnies) en 2000.
Opportunités révolutionnaires à saisir L'IA est devenue un sujet d'actualité au point que tout le monde cherche à connaître les opportunités qu'elle peut lui procurer dans son champ d'activité. Comprenant économie de temps et d'énergie, réduction de la charge sur les collaborateurs, automatisation de certains processus lourds, optimisation du niveau de support de l'entreprise quelle que soit sa taille, la liste est longue. Tout ce qu'il faut savoir «en termes de boost de business, l'IA peut avoir un rôle très important dans l'amélioration du chiffre d'affaires de l'entreprise et de la qualité des produits proposés », souligne Mohamed Ikhlef, expert chez IMS Technology. Et plus encore, l'expert en nouvelles technologies, que nous avons rencontré à GITEX Africa, préfère aller plus loin pour examiner les solutions qu'offre l'IA pour l'administration publique en plein chantier de digitalisation lancé par le gouvernement. Dans les services publics, l'IA est en passe d'alléger les processus en termes de validation dans des cas d'usage précis. Le seul et unique obstacle qui reste à dépasser est bien celui de la hiérarchie. «Le recours à l'IA, notamment dans l'administration publique, est en mesure d'apporter des réponses à une liste de problématiques qui entachent les service publics, dont le temps d'attente. Cela peine certainement à se concrétiser car il faut toujours avoir recours à une série de validateurs pour l'obtention d'un simple document administratif », déplore Mohamed Ikhlef, qui prône la nécessité d'identifier au mieux les besoins des citoyens pour pouvoir agir afin de faciliter la partie processing. Si le secteur privé a avancé à grands pas en matière d'intégration de l'IA, le secteur public a encore du chemin à parcourir. Et pour cause, « malgré que les décideurs sont conscients des opportunités qu'offre l'IA pour les services publics, à un certain moment décisif, il n'y a pas eu une direction prise et assumée et un investissement à temps pour dire que maintenant la partie service et IA est un axe qu'on doit pousser », explique notre expert en nouvelles technologies. Au Maroc, à l'instar de plusieurs pays, dont la Tunisie, aucune stratégie nationale de l'IA n'a été appliquée à part quelques initiatives gouvernementales qui tracent le chemin. A rappeler qu'en mai dernier, le ministre de l'Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l'Emploi et des Compétences, Younes Sekkouri, a annoncé la création d'un observatoire du marché de l'emploi reposant sur l'IA. Le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l'innovation, Abdellatif Miraoui, quant à lui, a annoncé l'intégration de modules consacrés à l'IA dans le cursus universitaire. L'objectif étant de tirer profit de son potentiel dans l'amélioration de la qualité de l'enseignement et d'accompagner les changements suscités par l'essor de cette technologie de pointe. La concurrence mondiale qu'impose l'Intelligence Artificielle oblige à aller encore plus vite pour rester dans la course. D'où la nécessité, selon Mohamed Ikhlef, de faire de l'IA une stratégie nationale tout comme la digitalisation des services publics.
La crainte du Big Data
Si le potentiel de l'IA a été découvert en 2000, ce qui a laissé apparaître les premières solutions basées sur cette technologie, son utilisation au Maroc est encore embryonnaire, et ce, pour plusieurs raisons liées principalement à la protection des données et donc à la souveraineté. Cet enjeu devient de plus en plus sérieux, selon Mohamed Ikhlef, dans un contexte où l'économie est très concurrentielle. Selon notre interlocuteur, l'IA est en mesure de faciliter l'orchestration des campagnes d'exfiltration de données. D'un point de vue technique, « avec le développement de cette technologie, personne n'as besoin d'être un expert pour mener une attaque ciblée. Il ne lui faut que des outils bien particuliers pour avoir un plan d'attaque qui peut s'étaler sur des mois afin d'induire en erreur un certain nombre de briques de sécurité. L'objectif étant d'avoir la donnée monétisée qui peut être vendue », nous explique Mohamed Ikhlef, soulignant que « les meilleurs données qui sont vendues sont les données patriarcales stratégiques qui touchent à la souveraineté », d'où la nécessité de bien préparer le terrain pour toute transformation. C'est justement cette réflexion qui retarde la généralisation de l'Intelligence Artificielle dans plusieurs aspects de la vie au Maroc, notamment les services publics. C'est en tout cas ce que nous a expliqué notre expert qui se félicite, d'ailleurs, de la bonne volonté de l'Exécutif de faire de l'IA un levier de développement. « Les parties prenantes sont dans la phase d'analyse avec justement ce background de risques et d'opportunités. Les réflexions en cours prennent en compte les expériences réussies et moins réussies dans la région. Elles vont, certainement, se voir prochainement sur le terrain », explique Mohamed Ikhlef. Pour lui, nous devrons nous attendre à voir plus de marchés publics qui, dans leurs cahiers de charges, requièrent des solutions novatrices basées sur l'Intelligence Artificielle et sur une adaptation continue des applications et des workcloud. Ainsi, tout comme la digitalisation, l'IA semble être un virage qui doit être bien calculé et pris à une vitesse particulière. Le tout dans une approche risques et avec une volonté économique surtout. En attendant de voir la concrétisation des réflexions en cours, les décideurs peuvent compter sur l'expertise des entreprises intelligentes émergentes.
Mina ELKHODARI Trois questions à Mohamed Ikhlef « Les réflexions autour de l'IA doivent s'accompagner par une approche risques » Nombreuses sont les petites et moyennes entreprises présentes à GITEX qui recourent à l'IA. Quel avantage procure-t-elle pour les entreprises émergentes ? Si l'Intelligence Artificielle apporte son aide aux grandes entreprises pour faciliter les processus lourds, cette technologie permet aux PME de démarrer avec moins de charges de recrutement. Ainsi, en ayant recours à l'IA, l'entreprise à son démarrage peut recruter des personnes physiques pour des postes stratégiques et s'appuyer sur l'aide de l'IA pour les tâches répétitives et à faible valeur ajoutée. Ceci lui permettra justement de scruter le marché, de faire durer la période de test, d'accompagner la commercialisation de ses produits pour qu'elle soit bien installée par rapport aux concurrents afin d'éviter le maximum de risques. Ce sont, d'ailleurs, ces mêmes opportunités qui sont le secret derrière l'émergence d'une génération de «startups tech» qui innovent en matière d'usage dans tous les aspects de la vie économique. Mais, également, d'autres entrepreneurs qui utilisent la technologie digitale dans le développement de leur business, notamment dans le commerce et le marketing digital. L'intégration de l'IA dans plusieurs aspects de la vie publique peine à se concrétiser. A quel point cette réalité est-elle liée aux risques de cette technologie ? Il faut savoir que l'IA est une coquille vide et un contenant. Sa réaction et sa pertinence sont tributaires de ce qu'on lui injecte comme données. Comme elle pourrait donner un coup de pouce pour plusieurs activités, elle pourrait détruire pas mal d'emplois dans un contexte économique difficile. Sur un autre registre, elle pourrait être utilisée pour voler les données d'une entreprise ou d'un pays, ce qui pèse directement sur sa souveraineté. La première chose que les campagnes d'extraction ciblent n'est pas le cryptage des données, mais plutôt le vol et l'extraction des données informationnelles et patrimoniales. L'IA risque également d'agir sur la réputation d'une entité et induire en erreur le consommateur ou même une Bourse en entier avec une simple fake photo ou tweet. Quelle approche s'impose donc ? C'est bien d'avoir recours à l'IA et de s'aligner sur le développement que connaît le monde, d'autant plus que le Maroc dispose d'un capital humain important en la matière. Néanmoins, une analyse risques doit accompagner toute la réflexion sur l'IA en amont et justement dans cette étape embryonnaire, car cela va nous permettre d'éviter les grosses erreurs que d'autres pays ont faites. Ceci dit, il faut dresser un tableau simple de ce qu'on va gagner et de ce qu'on risque de perdre, et devant chaque risque, il doit y avoir une mesure jusqu'à finir avec un risque résiduel accepté par l'entité qui choisit d'externaliser l'IA.
Projets IA : Plaidoyer pour un système agile et plus motivant Le développement technologique inspire les jeunes entrepreneurs. De nouvelles startups se développent, chaque jour, dans de nombreux secteurs dont la santé, la finance, l'agriculture, le e-commerce et l'éducation. Elles offrent des solutions innovantes et intelligentes de nature à faciliter la vie de l'Homme. Cependant, le développement de ces startups se heurte, d'après les entrepreneurs, à plusieurs difficultés liées notamment à un cadre réglementaire non adapté qui sert de barrière contre le développement d'une industrie tech à part entière. D'où la nécessité, selon les entrepreneurs que nous avons rencontrés à GITEX Africa 2023, de bâtir un écosystème agile qui permet aux idées innovatrices d'aboutir dans les meilleures conditions et de façon rapide. Cette même communauté d'entrepreneurs plaide pour le développement d'un écosystème d'Intelligence Artificielle propre à chaque industrie, et ce, pour garantir la sécurité des données du Royaume. Outre cela, les entrepreneurs exhortent les décideurs à améliorer le système d'incubation, de la présentation du projet à l'étape du financement qui reste, selon eux, peu agile et retarde la concrétisation des projets axés sur les nouvelles technologies.
L'info...Graphie PCS AGRI : Une startup qui aide l'agriculteur à estimer le rendement de la tomate Les startups marocaines portées par de jeunes ambitieux et surtout friands de technologies digitales se sont distinguées à la première édition du GITEX Africa 2023 tenue à Marrakech du 31 mai au 2 juin. Parmi ces startups, nous avons pu découvrir PCS AGRI qui propose une solution basée sur l'Intelligence Artificielle pour estimer le rendement de la tomate. Née du souci de participer au développement du secteur agricole et portée par le jeune ingénieur Tahar Hamdani, qui a derrière lui dix ans d'expérience dans la commercialisation des produits agricoles au Maroc, PCS AGRI permet aux agriculteurs, grâce à des algorithmes, de détecter les fruits de tomate, compter leur totalité, puis les classifier selon leur couleur. « Aujourd'hui, l'agriculteur risque de perdre 20 à 30% de sa production à cause d'une mauvaise estimation. S'il prévoit de récolter, à titre d'exemple, 10 tonnes au lieu de 14 tonnes, alors dans ce cas les 4 tonnes de différence vont être perdues », nous fait savoir l'initiateur de PCS AGRI, qui propose un abonnement annuel par hectare, à savoir 300 à 400 euros par hectare pour toute l'année. La méthode est simple, l'agriculteur est appelé à faire une vidéo de la tomate, porter la vidéo en question dans une application mobile dédiée à cela. La vidéo sera ensuite traitée par les algorithmes pour afficher à l'attention de l'agriculteur un tableau de bord qui contient toutes les informations dont il a besoin, et qui pourraient être partagées par la suite avec le client. « Les chiffres affichés par notre application reflètent jusqu'à présent 80% de la réalité. Nous visons à atteindre 90% de la précision d'ici un mois et demi », explique le jeune entrepreneur, ajoutant : « Nous visons d'autres régions, mais nous tendons plus vers d'autres cultures, à savoir les pommes, les myrtilles et les framboises ».