Dans la nuit du 5 septembre 2009, s'est éteint à l'hôpital militaire de Rabat, le comédien et metteur en scène Mohamed Saïd Afifi à l'âge de 76 ans. En fait, Afifi n'était pas seulement ça, il est aussi un excellent acteur de mime, un parolier et un musicien de talent. Son instrument préféré est la contrebasse, mais il jouait en fait de tous les instruments. De son véritable nom, Saïd Jdidi, Mohamed Saïd Afifi est né en 1933 à Casablanca, dans une famille originaire de Doukkala. Il n'eut pas l'occasion de faire des études très poussées car très tôt, il se découvre une passion pour la pantomime, en essayant d'imiter tout le monde, ce qui lui créa en permanence des ennuis. Décidemment, c'est le prix à payer quand on choisit une telle voie. Attaché à cet art, il veut devenir acteur. Il fréquenta de nombreuses troupes de théâtre amateur qui inondaient les quartiers de Casablanca dans les années 40 et 50. On le retrouvera plus tard parmi la troupe « Maamora » entouré par ceux qui vont devenir les acteurs bien armés du public marocain, en féru d'un théâtre national. Les compagnons de route se nomment Chaibia Adraoui, Aid Mouhoub, Mohamed Khalfi, Tayeb Seddiki, Ahmed Tayeb Laalej et bien d'autres. Avec des pièces conçues et montées par les vétérans du théâtre notamment Andre Voisin, Charles Nu et Abdeslam Kanfaoui, les acteurs de cette première heure sillonnaient le pays à la rencontre du public marocain fier d'un théâtre aussi populaire qui puisait dans tous les genres, notamment le répertoire classique personnifié par Shakespeare, Molière, Ebsen, Marivaux, Taoufik El Hakim, Cocteau, Mohamed Said Afifi avait toujours son rôle à lui indépendamment de la pièce, de l'auteur, du genre et de l'époque. Mais que ça, on lui confia spécifiquement les rôles d'Othello et de Macbeth quand il s'agit d'adapter Shakespeare. Afifi est à l'aise dans ses rôles conjuguant le teint, les costumes, les décors et la voix et on n'hésita pas de la qualifier de sitôt « L'Othello marocain » il restera marqué à vie par les rôles shakespeariens et à chaque occasion d'un film ou d'une pièce, on décela chez lui cet air hautain et méprisant, ne regardant presque jamais les gens dans les yeux, expression que Afifi a hérité sur les planches en exerçant un métier peu commun. Pendant de longues années, Mohamed Saïd Afifi dirigea le théâtre municipal d'El Jadida où il monta plusieurs pièces avec des acteurs essentiellement amateurs. Il fut un auteur et un metteur en scène accompli. Homme de défi et mu par un génie créateur, il se livra à une expérience toute particulière tel un Brecht marocain : monter une pièce avec des comédiens non professionnels et non-voyants, ignorant tout de l'espace. Il y réussit à merveilles ce qui lui vaudra l'estime et le respect dans le milieu. Par cette expérience unique dans son genre, Afifi faisait preuve d'une persévérance et d'un sens du défi inouï et l'histoire lui rendra justice. La première expérience de Mohamed Saïd Afifi à l'écran remonte à 1954, quand Jean Flechet réalisait ses premiers courts métrages de fictions, reposant sur la légende. On le vit dans « le trésor caché » dans le rôle du sage qui conseilla aux héritiers de labourer leur terre dans l'espoir de trouver un quelconque trésor. Quelques années plus tard, on le retrouvera sous la direction du cinéaste Jacques Severac qui tourna à Casablanca et Marakech : « Les enfants du soleil » (1961), film qui représenta le Maroc au festival de Cannes en 1962 car de production purement marocaine. Afifi tint le rôle d'un jeune délinquant dans ce film aux côtés de son frère, de Hassan Skalli, Bachir El Alj et de Leila Khaled. Avec le même Hassan Skalli et sous la direction du cinéaste italien Umberto Lenzi, Afifi joue dans « les chiens verts du désert » (1967), tourné lui aussi à Casablanca et relatant la tentative d'assassinat menée contre Cherchill. Mais le rôle le plus marquant de la carrière de Mohammed Saïd Afifi fut dans « le mirage » (1979) d'Ahmed Bouanani, où il incarne presque son propre rôle partageant l'affiche avec Mohamed Habachi, film hissé au rang de chef d'œuvre grâce aux prestations des deux protagonistes. Deux jours avant sa mort, le public marocain eut l'occasion de redécouvrir Mohamed Saïd Afifi dans « elle est diabétique 2 » de Hakim Noury, où il épata tout le monde ce rôle du mari fascinant par ses différentes faces. Tout à l'honneur d'un acteur, artiste jusqu'au fond de l'âme.