Le nombre de personnes détenant des crypto-monnaies au Maroc en 2022 atteint 1,15 million générant un PIB par habitant de 8.612 dollars, selon le Policy Center for the New South (PCNS). Le Maroc figure parmi les 33 pays du continent africain qui connaît la plus forte croissance des détenteurs de crypto-monnaies ces dernières années, où le bitcoin est la monnaie dominante. Selon une récente étude menée par le Policy Center for the New South, intitulée: «L'émergence des crypto-monnaies en Afrique : réalité ou surévaluation?» réalisée par Henri-Louis Verdie, le nombre de personnes par habitant détenant des crypto-monnaies au Maroc en 2022 atteint 1,15 million générant un PIB par habitant de 8.612 dollars, derrière le Ghana (1,39 million de personnes, soit un PIB de 4.606 dollars par habitant). Le premier dans ce classement est le Nigeria avec 22,33 millions de personnes produisant un PIB/habitant de 5.927 dollars. Parmi les explications à privilégier dans cette évolution, l'étude note celles liées à des facteurs démographiques (population jeune), urbains (grandes métropoles urbaines), économiques (faible bancarisation du continent et, pour certains pays, une inflation explosive); et celles propres à la technologie des crypto-monnaies, facilitant le transfert des capitaux au moindre coût, pas sans risque cependant, et dans l'anonymat. Et de détailler que sur le plan démographique, les utilisateurs de crypto-monnaies sont majoritairement des jeunes de 20 à 30 ans. « C'est le cas du Maroc, par exemple. Une enquête récente de Synergia montre que, concernant le bitcoin, les jeunes de moins de 30 ans représentent plus de 50 % des utilisateurs. D'autres enquêtes estiment qu'en Afrique subsaharienne, ce pourcentage peut atteindre 70 %. Or, et selon les Nations Unies, l'Afrique, tous pays confondus, est le continent le plus jeune de la planète, avec une moyenne d'âge de 19 ans, deux fois plus jeune que les Etats-Unis (38 ans) », lit-on dans le document rendu public le 8 décembre courant. Sur le plan urbain, toutes les enquêtes montrent que les utilisateurs de crypto-monnaies se concentrent dans les grandes métropoles urbaines, comme à Casablanca. Sur le plan économique, on retiendra ici la faible bancarisation du continent, particulièrement dans sa partie subsaharienne, et la très forte inflation de certains pays. Le nombre des détenteurs de crypto-monnaies en hausse En 2021 et 2022, l'Afrique est le continent qui connaît la plus importante progression du nombre de détenteurs de crypto-monnaies. «Le Maroc étant celui parmi ces 33 pays qui a connu ces dernières années la croissance la plus importante dans l'usage des crypto-monnaies », selon la même étude. « Le Maroc et le Nigeria ont vu le nombre de leurs détenteurs de crypto-monnaies augmenter ces derniers mois», fait observer l'auteur de cette étude, mettant l'accent sur l'inefficacité de l'interdiction formelle de ces monnaies. À l'exception de la République centrafricaine, aucun pays africain ne reconnaît aux crypto-monnaies le statut de monnaie légale. En effet, ce pays vient de faire du bitcoin une monnaie ayant cours légal, même pour le paiement des impôts et taxes, précise Policy Research. La Tunisie est le seul des quatre pays du Maghreb retenus dans cette étude où les crypto-monnaies sont officiellement tolérées et ne sont soumises à aucun cadre réglementaire. Toutefois, «l'absence d'un cadre réglementaire dédié aux crypto-monnaies est non seulement source de confusion, mais aussi pénalisant pour celles ou ceux qui entendent les développer davantage encore, ou au contraire les interdire», indique l'auteur de cette étude de 24 pages. Le Maroc à la recherche d'une meilleure régulation Si le Maghreb est divisé entre interdire, tolérer et réguler l'usage des crypto-monnaies, le Maroc se penche sur un projet de leur régulation. Le Maroc fait partie des 7 pays qui interdisent les crypto-monnaies, à côté du Nigeria, Egypte, Libye, Ouganda, Namibie, et Algérie. Elle est admise en Afrique du Sud et tolérée dans 25 autres pays comme l'Angola, le Bénin, le Botswana, le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d'Ivoire, l'Ethiopie, le Gabon ou encore le Ghana. Commentant la décision prise par Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al-Maghrib (BAM), banque centrale du Royaume, de lancer un projet de réglementation des crypto-monnaies, Henri-Louis Vedie pense que « comme beaucoup de banquiers centraux européens, Abdellatif Jouahri est de ceux qui pensent que l'on peut interdire les crypto-monnaies, sans condamner les blockchains, bien au contraire les soutenir, et avec elles réguler de façon efficace l'usage des crypto-monnaies». Et d'ajouter : « Pour Abdellatif Jouahri, la situation particulière du Maroc, - augmentation de 120% des crypto-monnaies entre juillet 2021 et juin 2022, malgré leur interdiction formelle -, ne pouvait perdurer en l'état, une situation d'unités de compte échappant à tout contrôle des institutions monétaires nationales ou internationales. Ce projet, s'il est adopté, permettrait aux crypto-monnaies d'être tolérées dans un premier temps, mais aussi de superviser leur bon usage. En ligne de mire, sans doute, la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des groupes terroristes ». Pour l'auteur de cette recherche, « ce projet s'inscrit dans une réflexion à plus long terme sur la monnaie digitale de banque centrale (MDBC) ». Par ailleurs, à travers cette étude, l'auteur souhaite montrer que l'attrait des crypto-monnaies tient aussi au fait qu'elles sont totalement décentralisées et non réglementées. «En les encadrant, on les rattache implicitement à un système. En les soumettant à réglementation, on limite leur facilité d'utilisation. Pas sûr que les futurs utilisateurs de crypto-monnaies, rattachées à un système et soumises à réglementation, soient aussi nombreux qu'aujourd'hui », estime-t-il.
Un projet de loi va voir le jour
Un projet de loi visant à réglementer l'usage des crypto-monnaies va voir le jour, promet le Wali de Bank Al-Maghrib (BAM), Abdellatif Jouahri. Ce cadre réglementaire permettra de mettre à jour la législation relative à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, pour reprendre ses propos. Et de noter que certains experts plaident pour une réglementation internationale par rapport à l'utilisation des monnaies numériques. Il est à rappeler que BAM, le ministère de l'Economie et des Finances, et l'Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC) ont attiré l'attention du public sur les risques associés à l'utilisation des monnaies virtuelles, dont principalement l'absence de protection du consommateur, la volatilité du cours de change de ces monnaies virtuelles contre une devise ayant cours légal, outre l'utilisation de ces monnaies à des fins illicites ou criminelles, notamment le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.