Election du Maroc à la présidence du Forum des présidents des Commissions des AE des parlements africains    Cours des devises du vendredi 21 février 2025    Vivo Energy Maroc et Royal Air Maroc lancent un vol Maroc-Europe alimenté en carburant durable    AMO : plus de 24,7 millions de bénéficiaires depuis son lancement    Forum de Rabat : Ibou Gueye souligne l'urgence d'une diplomatie parlementaire forte    Sahara : Des députés européens refoulés à Laayoune    Une cache d'arme découverte dans une zone montagneuse ayant servi de base arrière à la cellule terroriste démantelée mercredi au Maroc    Terrorisme : Une zone montagneuse près d'Errachidia abritait des armes    Cellule terroriste démantelée : Découverte d'une base avec des cargaisons d'armes à la frontirè orientale    Qualifs. Afrobasket / Ce soir, l'Equipe nationale face à un géant africain !    Botola D1/J22: Le champion '' officieux'' face au premier ''potentiel'' barragiste en ouverture, ce vendredi !    Les prévisions du vendredi 21 février    Aicha BELARBI : La féministe de la parité en suspens    Doukkala : L'effet bénéfique des pluies sur l'esprit humain    Les travaux du TGV entre Kénitra et Marrakech se déploient près de l'aéroport Mohammed V    Le partenariat maroco-kényan... Une nouvelle étape vers le renforcement de la coopération et la reconnaissance de la marocanité du Sahara    Alex Pinfield, nouveau ambassadeur du Royaume-Uni au Maroc, succède à Simon Martin    PSG : Achraf Hakimi est le meilleur co-passeur de la Ligue des Champions    Bassin de Sebou: Les barrages affichent un taux de remplissage de 36,47 %    Le Malawi réitère son soutien ferme à l'intégrité territoriale du Maroc    Jonathan Harroch, propriétaire de "City Club", condamné à deux ans de prison    La Princesse Lalla Asmaa lance la 3ème édition du programme "Unis, on s'entend mieux"    Tirage au sort quarts de finale de Coupe de la CAF : La RSB affrontera l'ASEC Mimosas    Allemagne : les paiements par carte bancaire atteignent un record en 2024    Maroc : Un couple danois sillonne les villes pour chanter son amour    Boualem Sansal, l'Algérie et les droits humains    Botola Pro D1 « Inwi » : Le classico AS FAR-Raja Casablanca, tête d'affiche de la 22e journée    Le choléra fait 156 morts en Angola depuis le 7 janvier    Les glaciers du globe déclinent, les Alpes et les Pyrénées les plus touchées    Trophées de l'Assurance en Afrique : Casablanca célèbre l'innovation dans l'assurance africaine    Sécurité routière : Renault innove au service des secours et des autres constructeurs    L'ambassadeur britannique Simon Martin quitte le Maroc en août 2025, Alex Pinfield, un diplomate chevronné, le remplace    Football. Le Maroc face au Bénin en amical    Africa Fashion Up lance son appel à candidatures    Ayra Starr marque les esprits aux MOBO Awards 2025    Italie : Le rappeur marocain Medy Cartier jugé pour pédopornographie    Des scientifiques russes développent un moteur de fusée capable d'atteindre Mars en 30 jours    «Une femme sur le toit», le captivant roman de Souad Benkirane    LDC-CCAF / Aujourd'hui : Jour du tirage des quarts et des demies !    Audit des routes : NARSA et iRAP s'allient pour renforcer les compétences des ingénieurs marocains    À la CGEM, Nadim Sadek débat de l'impact de l'IA sur la création culturelle    Le Maroc élu au comité exécutif de l'Organisation de la coopération numérique    France reports 13 measles cases linked to Morocco    Viol collectif à El Attaouia : Peines de 6 à 10 ans de prison, la partie civile fait appel    Maroc : le gouvernement balise le chemin pour créer les groupements territoriaux de santé    Agadir : Le Général Mohammed Berrid reçoit le Commandant de la MINURSO    Sidi Ifni : le Comité provincial du développement humain approuve la programmation de 13 projets    « Ma visite dans les provinces du Sud s'inscrit dans le cadre du nouveau livre » des relations entre la France et le Maroc    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



De Kafka à Mimouni : Le roman de la dictature n'est pas le roman de la bureaucratie
Publié dans L'opinion le 26 - 10 - 2022

Depuis Freud, l'on sait que « le patient ne peut pas dire la vérité en clair parce qu'il y a censure inconsciente, et censure implique circonlocution ». Dans une appréciation sur la lisibilité de son oeuvre, Lacan s'était vanté d'avoir préservé « le pouvoir d'illecture » de celle-ci.
Longtemps, la liberté d'écrire et de s'exprimer s'affirmait comme une réalité... entre les lignes. Plus fondamentalement, cette manière de faire est une certaine logique, celle du « mi-dire » lacanien qui veut qu'« il est de la structure même de la vérité de se proférer entre les lignes ». Pour Jacques-Alain Miller « c'est une doctrine de la vérité, et de la vérité qui ne peut se dire qu'entre les lignes, mais qui se passe de l'interdit, où interdit et censure apparaissent comme des rajouts ».
Dans ce contexte, il est dit que l'inconscient ce n'est pas la psychanalyse, mais « l'inconscient c'est la politique », selon Lacan qui prend appui sur Léo Strauss, l'auteur de « la persécution et l'art d'écrire » qui y développe cette thèse d'« une élite pensante et que celle-ci n'a jamais la faculté de dire en clair ce qu'elle pense, qu'elle doit pratiquer un art d'écrire pour qu'on ne s'en aperçoive pas si l'on n'est pas dans le coup ». Léo Strauss fait cette découverte en étudiant la tradition philosophique d'Averroès, Avicenne, Razi et Farabi, présenté comme le maître de Maimonide qui représenterait dans cette configuration « l'Idéal-type du philosophe » qui pense les lieux où se croisent la Religion et la Politique. Dans « L'instance de la lettre » Léo Strauss est cité, selon Jacques-Alain Miller, pour « illustrer les pouvoirs de la métonymie, la propriété du langage de permettre de parler entre les lignes. C'est une illustration qui s'appuie sur le fait de l'interdit de dire, sur la censure sociale »
Le Roman de la dictature peut illustrer cette dimension de « l'illisibilité » de l'oeuvre car le sens n'est jamais fixé et la lecture doit se faire entre les lignes par des lecteurs avertis, en somme « dans le coup » pour marcher dans le labyrinthe des « non-dits », seuls à même de braver « l'interdit de dire,... la censure sociale ».
La bureaucratie, une source d'inspiration
Augusto Roa Bastos, l'auteur de « Moi, le Suprême », avoir voulu « écrire une contre-histoire, une réplique subversive et transgressive de l'historiographie officielle ». A travers une structure qui mêle « cahier privé » et « carnet de bord » du Suprême, Roa Bastos y ajoute les discussions avec son secrétaire et son chien Sultan, des « voix » d'outre-tombe « viennent nuancer ou démentir les propos du potentat », d'autant plus « libres » de s'exprimer qu'elles sont sans crainte d'être punies.
Pour Cécile Brochard « Le chaos est l'adversaire de la dictature : celle-ci recherche l'ordre et l'unité, incarnés par le dictateur. Pourtant, loin de reproduire l'idéologie autoritaire, le roman du dictateur hispano-américain choisit le désordre et inscrit la confusion au coeur de la dictature : l'identité du chef, soumise à la duplicité, se fractionne et la parole unique est concurrencée par la polyphonie ». Cette analyse peut servir d'étalon pour lire le roman de la dictature comme désordre symbolique dans un univers où le maître-mot est justement... l'ordre ! « L'automne du patriarche » de Gabriel Garcia-Marquez en est la parfaite illustration, sans oublier « Le recours de la méthode » d'Alejo Carpentier qui encadre « le délire » de son personnage par la rigueur du discours cartésien où, en général, « l'autoritarisme n'est plus le fait du « je » mais d'un « il » indéterminé ». Le « je » n'est pas toujours celui du dictateur : il alterne dans Le Recours de la méthode avec le « je » de Peralta, avec le « je » d'une multitude de personnages dans L'Automne du patriarche », comme le souligne Cécile Brochard.
Dans le roman de la dictature « Le chaos ne touche pas seulement le personnage du dictateur et le monde qui l'environne : il se répercute sur l'écriture elle-même, via une confusion de la parole » qui augmente ainsi sa dimension de dire entre les lignes et favorise une sorte d'attitude assumée de produire une oeuvre non pas à lire, mais pour l'illecture au sens lacanien du terme, une oeuvre qui ne fixe pas le sens, libère les signifiants des signifiés et, bien entendu, du référent qui devient aussi insaisissable que le personnage du dictateur lui-même.
Cette économie du langage, en somme de l'écriture, est à l'oeuvre également dans « La mort du bouc » de Mario Vargas Llosa et « Monsieur le Président » de Miguel Angel Asturias qui est le 3ème Prix Nobel de cette littérature avec Garcia-Marquez et Vargas Llosa, alors qu'Alejo Carpentier a obtenu le Prix Cervantès.
Le roman de la dictature qui est le roman du pouvoir est au présent au Maghreb avec « Une peine à vivre » de Rachid Mimouni. Au cinéma, comment ne pas citer « le gouverneur de l'île de Chakerbakerben » et au théâtre « le 30 février » de Nabyl Lahlou ?
Dénoncer la bureaucratie n'a pas la même force que la mise en scène de la dictature. Le roman de la dictature n'est pas le roman de la bureaucratie. Si l'un s'introduit dans la pensée du dictateur, l'autre décrit un système, sans réelle distance et avec la force du vécu.
« Un roman étranger » est une sorte roman de la bureaucratie « administrative dans lequel Khalid Lyamlahy décrit la phobie administrative d'un étudiant étranger devant renouveler sa carte de séjour, alors que « L'escargot entêté » de Rachid Boudjedra est une sorte de roman de la bureaucratie « technocratique ». Au cinéma, sur le roman de la bureaucratie, il y a lieu de citer « Brahim Yach ? » de Nabyl Lahlou, le téléfilm « Chahadat el hayat », de Said Azar, et « Hadj Lakhdar et la bureaucratie », de Abdelkader Merbah.
A travers, ces films et téléfilms, la description de l'administration est une description de l'univers kafkaïen dans lequel est plongé l'administré dans son rapport à l'administration.
Abdallah BENSMAIN


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.