Le chef de la commission qui a rédigé la nouvelle Constitution tunisienne a rejeté le projet de texte présenté par le chef de l'Etat jeudi dernier, soulignant qu'il s'agit d'un autre texte que celui « élaboré et présenté » par la commission. Dans une lettre publiée sur le journal Assabah, le chef de la commission consultative pour une nouvelle République, Sadok Belaïd, a désavoué le président Kaïs Saïed. Le projet publié par la présidence « n'appartient en rien à celui que nous avons élaboré et présenté », écrit le juriste qui est pourtant proche du chef de l'Etat. L'ancien doyen de la Faculté de droit de Tunis, a estimé, "que le projet de Constitution de Saïed comporte de graves risques qui pourraient frayer la voie à un régime dictatorial". "Il est de notre devoir d'annoncer avec toute la force et la sincérité que le texte qui a été publié et soumis à un référendum n'est pas lié au texte que nous avons préparé et soumis au président. La commission se démarque totalement du projet proposé par le président", a-t-il expliqué. Et d'ajouter : "Le texte émis par la Présidence de la République porte atteinte à l'identité de la Tunisie et ouvre la voie à une dictature en attribuant tout le pouvoir au président de la République. D'autant plus qu'il comporte un retour suspect à article 80 de la Constitution de 2014, à propos du « péril imminent » à travers lequel le président se garantit des prérogatives élargies, dans des conditions qu'il définit seul, ce qui constitue un prélude à un régime dictatorial". Mutisme de la présidence A noter qu'aucun commentaire officiel n'a été émis pour l'heure de la Présidence concernant la déclaration de Belaïd. Il convient de rappeler que le projet de nouvelle Constitution, qui doit être soumis à un référendum le 25 juillet, a été publié jeudi dans le JORT, au milieu de divisions politiques sur la participation à celui-ci. Selon le nouveau projet de Constitution, composé de 142 chapitres, le président de la République nomme le chef du gouvernement et ses membres sur proposition de ces derniers. Mercredi, l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) a annoncé la participation de 24 partis à la campagne du référendum constitutionnel, tandis que des partis tels que « Travail et réalisation », « Travailleurs », « Ennahdha », et d'autres l'ont boycottée. Pour l'opposition, cette volonté d'établir une nouvelle Constitution n'a qu'un objectif, celui de donner le pouvoir à un seul homme. Sadok Belaïd estime que s'il est validé lors du référendum le 25 juillet prochain, le projet de Constitution proposé par Kaïs Saïed serait le début « d'un mauvais futur » pour la Tunisie.