Considéré comme un véritable levier de développement, l'entrepreneuriat féminin au Maroc demeure sous-estimé. Seulement 12,8% des entreprises au Maroc sont dirigées par des femmes. Un chiffre qui ressort de la récente note d'information du HCP, publiée le 8 mars à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, célébrée cette année sous le thème : « Leadership féminin : Pour un futur égalitaire dans le monde de la Covid-19 ». La femme dirigeante est plus présente dans le secteur des services (17,3%), suivi du commerce (13,8%), de l'industrie (12,6%) et de la construction (2,6%), fait savoir la même source. Même si les femmes dirigeantes apparaissent moins dans les grandes entreprises (8%), elles sont plus présentes dans les très petites entreprises (13,4%) et au sein des petites et moyennes entreprises (10,2%). Par ailleurs, le HCP fait savoir que 18% des entreprises individuelles et 11% des SA (Sociétés Anonymes) et des SARL (Sociétés à Responsabilité Limitée) sont gérées par des femmes. Dans la Fonction publique aussi, poursuit la même source, peu de femmes occupent des postes de responsabilité (23,5%), alors que le nombre de sièges occupés par les femmes au niveau de la Chambre des Représentants est de 20,5% et la part de leurs sièges dans les Conseils territoriaux est de 20,9%. Les obstacles Cette sous-performance peut être expliquée par de nombreux obstacles qui subsistent encore sur le terrain entrepreneurial chez les femmes, constituant ainsi un point de blocage freinant la progression de la démarche entrepreneuriale. Diverses études ont déjà mis l'accent sur ces entraves, dont celle de l'Observatoire de la Francophonie Economique (OFE), publiée en mars 2020 sous le thème :« L'entrepreneuriat et l'insertion professionnelle des jeunes et des femmes en Afrique francophone ». Celle-ci a présenté un portrait de l'entrepreneuriat féminin au Maroc en prenant le cas de Béni Mellal-Khénifra afin de déceler les principaux facteurs de blocage des femmes entrepreneures de la région. Il en ressort ainsi que les futures femmes entrepreneurs font particulièrement face aux difficultés d'accompagnement et au manque d'orientation, de financement des projets, à l'accès au foncier et à la disponibilité des informations... Cas de Béni Mellal-Khénifra Pour le cas de la région ciblée, le problème dont souffre le tissu entrepreneurial est l'accès au financement. Ce qui met en exergue la nécessité d'améliorer l'accessibilité aux moyens de financement afin de faire face aux difficultés financières auxquelles se heurtent de nombreux entrepreneurs, qu'ils soient hommes ou femmes. Malgré les efforts fournis par l'Etat, les problèmes juridiques liés à la lenteur et la complexité de la procédure de création se situent en deuxième lieu. Le manque d'orientation et d'accompagnement vient en troisième rang, suivis par l'accès au foncier et l'immobilier ainsi que la disponibilité des informations. Par contre, au cours de la gestion quotidienne, les entrepreneures interrogées (42 femmes chefs d'entreprises) de la région signalent leur besoin en termes de commercialisation des produits (54%). Ce qui apparaît, selon l'étude, logique vue que la majorité des entreprises qui font l'objet de ce sondage sont sous formes de coopératives. En somme, d'après une étude réalisée par l'AFEM (Association des Femmes Chefs d'Entreprises du Maroc), la contribution de la femme au développement économique de notre pays rencontre plusieurs problèmes structurels qui bloquent l'avancement des femmes chefs d'entreprise. Cette réalité s'explique par les facteurs suivants: - Les contraintes socioculturelles à l'entrepreneuriat féminin: le rôle de la femme, selon la culture, est limité à la cellule familiale souvent associé à la reproduction ; - Le faible niveau de socialisation des filles qui limite le développement de certaines aptitudes nécessaires à l'entrepreneuriat, tel le goût de l'innovation et le sens de risque. Quoiqu'il en soit, l'étude estime que les femmes aujourd'hui ont réussi quand même à gagner leurs places dans un monde qui associe le nom entrepreneuriat exclusivement aux hommes ; un mode de pensée véhiculé par l'Etat, la société et l'éducation. « Les femmes entrepreneures ont défié les inégalités et elles ont revendiqué leur position professionnelle. Elles sont désormais reconnues comme un élément très important de la société qui favorise le développement, tant économique que social », estil souligné. On affirme aussi que l'entrepreneuriat féminin pourrait même devenir un des remèdes à la crise actuelle à travers sa contribution à la création d'emploi et la lutte contre le chômage. Le profil socio-économique des femmes entrepreneures Selon l'AFEM, plusieurs critères peuvent être pris en compte pour caractériser le profil sociodémographique des femmes chefs d'entreprises au Maroc. D'abord, l'âge moyen des femmes entrepreneures au Maroc se situe entre 35 et 44 ans. Quant à la formation, la femme entrepreneure dispose généralement d'un niveau d'instruction supérieure à celui de la moyenne nationale. Cette variable est essentielle en matière d'acquisition d'outils de gestion et d'aide à la décision : comptabilité, fiscalité, techniques de vente, marketing. Au Maroc, les femmes entrepreneures ont dans leur grande majorité un niveau d'instruction élevé. Les deux tiers d'entre elles disposent d'une formation universitaire, c'est-à-dire d'au moins bac + 4. Celles qui ont même un bac plus quatre et plus sont assez importantes. Concernant la situation familiale, on estime que le lien familial joue un rôle important puisqu'un grand pourcentage de femmes entrepreneures descendant d'un père ou d'un mari luimême entrepreneur. Au Maroc, les femmes entrepreneures mariées sont encore prédominantes avec 71%. Elles ont des enfants à charge majoritairement de bas âge pour 77% d'entre elles. Des raisons socioculturelles sont à l'origine de cette caractéristique, à savoir notamment leur jeune âge, leur mariage précoce. Enfin, sur le plan de l'expérience, les femmes entrepreneures se caractérisent par certaines spécificités telles que le caractère fondamentalement administratif de leur expérience, la prédominance des aspects liés aux services dans lesquels elles exercent comme le secrétariat, la formation, les services. A. CHANNAJE Les recommandations de la BM Dans son rapport « le Maroc à l'horizon 2040 : Investir dans le capital immatériel pour accélérer l'émergence économique », la Banque Mondiale (BM) recommande au Maroc d'accroître les opportunités économiques des femmes en supprimant les obstacles à leur participation au marché du travail et en développant l'entrepreneuriat. Le Gouvernement devrait se concentrer sur les réformes qui soutiennent la transformation structurelle de l'économie, encouragent l'investissement dans le secteur privé et stimulent la croissance pour faciliter la sortie des femmes de l'agriculture et d'autres secteurs et métiers à faible niveau de productivité. Ceci implique notamment la suppression des barrières légales et sociales qui découragent le recrutement des femmes, l'accès au financement et la création d'entreprise Repères Vers une égalité d'accès à l'éducation-formation Les niveaux préscolaire, collégial et qualifiant accusent des déficits au Maroc. A en croire le HCP, le taux net de scolarisation, en 2020, est de 71,9% au préscolaire, 66,8% au secondaire collégial et 37,5% au niveau qualifiant. L'indice de parité filles/garçons s'établit à 0,96 au primaire, 0,92 au secondaire collégial et à 1,1 au secondaire qualifiant. En 2020, la proportion des femmes adultes (âgées de 25 ans et plus) sans niveau d'instruction est estimé à 52,9%. Cette proportion est de 18,5% pour le primaire, 21% pour le collégial et le secondaire et 7,6% pour le supérieur. Statut matrimonial En 2020, les femmes représentent plus de la moitié (50,3%) de la population totale. Selon le statut matrimonial, parmi les femmes de 15 ans ou plus, 28,1 % sont célibataires, 57,8 % sont mariées, 10,8 % sont veuves et 3,3 % sont divorcées. Sur les 8.438.000 ménages en 2020, 16,7% sont dirigés par des femmes. D'après le HCP, cette part est plus élevée en milieu urbain (19,1%) qu'en milieu rural (11,4%). Pauvreté et vulnérabilité des femmes Selon le HCP, l'amélioration des niveaux de vie de la population marocaine au fil du temps s'est traduite par une diminution de la pauvreté et de la vulnérabilité de toute la population, particulièrement pour la sous-population dirigée par des femmes. C'est ainsi que le taux de pauvreté monétaire des femmes cheffes de ménage est passé de 7,4 % en 2007 à 3,9% en 2014. Cette baisse est de 15,1% à 9,6% en milieu rural et de 4% à 1,9% en milieu urbain. Quant à la vulnérabilité économique des femmes cheffes de ménage, elle a enregistré également une baisse importante durant la période 2007-2014. En effet, le taux de vulnérabilité des femmes cheffes de ménage est passé de 16,4% en 2007 à 10,6% en 2014, au niveau national, de 23,2% à 17,4% en milieu rural et de 13,4% à 8,2% en milieu urbain.