Bloquées depuis des années dans des prisons et des camps syriens et irakiens, les familles des anciens djihadistes marocains souffrent le martyre. Les députés appellent à un rapatriement imminent. Ils vivent dans des camps de réfugiés, surpeuplés, dans des conditions insalubres, sans éducation et parfois sans soins de base. Ils sont pourtant nés de parents marocains. Mais leurs parents ou conjoints, ont rejoint les camps des terroristes, et à ce titre, leur rapatriement est problématique. C'est dans ce sens que la Commission des Affaires étrangères, de la Défense nationale et des MRE, à la Chambre des Représentants, a tenu mardi 12 janvier une réunion pour écouter les familles des anciens djihadistes marocains, tout en étudiant les modalités de leur rapatriement. Ces dernières, qui sont toujours coincées dans les zones de guerre, continuent de vivre une situation déplorable, du fait qu'elles croupissent dans des prisons et des camps de réfugiés. Une situation prise au sérieux par les membres de le Commission qui a lancé une mission exploratoire, dont l'objectif est de s'enquérir de la réalité du vécu et des conditions de ces familles, représentées par un collectif national d'associations qui plaident leur cause. Contactée par nos soins, une source bien informée nous confie que « les députés estiment que les familles d'anciens djihadistes, détenues dans des camps de réfugiés clandestins ou dans des prisons gérées par les autorités kurdes après la chute de l'organisation de l'Etat Islamique, doivent être rapatriées en urgence vu leur situation critique ». Et d'ajouter que les membres de la Commission parlementaire ont évoqué ce sujet lors d'une réunion récente avec le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita, de sorte à trouver une solution illico presto. Néanmoins, le problème qui se pose est d'ordre sécuritaire puisqu'il faut s'assurer que les femmes et les enfants des anciens djihadistes ne présentent pas un risque de radicalisation. Toutefois, sur ce registre, le Maroc dispose de toutes les ressources nécessaires pour relever les défis posés par la radicalisation et le terrorisme. Les différents services de renseignement marocains travaillent de manière très étroite avec la France, l'Espagne et le Portugal dans le cadre d'un G4 sécurité. Ils coopèrent aussi avec d'autres agences étrangères, notamment celles des Etats-Unis et de Belgique. Pour ce qui est de la déradicalisation, le Royaume a fait ses preuves en la matière depuis les attentats de 2003. Boucler la mission dans 3 mois maximum La Commission parlementaire va élaborer un rapport qui sera rendu public dans un délai qui ne dépasserait pas trois mois, ajoute notre source, soulignant que les travaux progressent rapidement. La mission exploratoire, qui est le socle dudit rapport, va se pencher sur les modalités de rapatriement de ces Marocains, prenant en considération les expériences de pays européens qui ont connu la même situation, notamment la France, l'Allemagne ou encore la Grande Bretagne dont des ressortissants étaient engagés dans les rangs de « Daech » ou le « Front Al-Nosra », et qui ont également été incarcérés dans les prisons irakiennes ou syriennes. Par ailleurs, les députés concernés par la mission exploratoire ne manqueront pas de se rendre dans les camps de réfugiés, si les circonstances l'imposent. Cela dit, la priorité sera accordée aux enfants et aux épouses qui ont été pris au piège dans une situation qui ne les concerne même pas, nous indique Abdelaziz Bekkali, membre de la Coordination nationale des Marocains prisonniers ou bloqués en Syrie et en Irak. D'ailleurs, ces derniers ont appelé, en novembre dernier, SM le Roi Mohammed VI à intervenir pour les rapatrier au Maroc, dans des lettres reçues par la Coordination. « Les conditions de détention de cette catégorie de Marocains sont lamentables et la souffrance des enfants et des femmes est indescriptible », a souligné Abdelaziz Bekkali, ajoutant que la Coordination plaide pour leur rapatriement dans les plus brefs délais et leur intégration sociale, après leur arrivée. S'agissant des ressortissants marocains engagés dans des activités terroristes, leur sort demeure inconnu pour le moment. Les autorités marocaines pourraient soit les déférer devant la justice par l'intermédiaire du parquet antiterroriste, soit laisser les autorités irakennes et syriennes procéder à leur jugement.
Saâd JAFRI 3 questions à Abdelaziz Bekkali Le processus d'insertion sociale de ces personnes aura des retombées positives Nous avons contacté Abdelaziz Bekkali, membre de la Coordination nationale des Marocains prisonniers ou bloqués en Syrie et en Irak, pour nous livrer sa perception de la mission exploratoire lancée par les élus de la Nation. - Quelle est votre lecture de la mission exploratoire mise en place par les membres de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense nationale et des MRE ? - C'est une initiative qui donne une bouffée d'espoir pour les familles d'anciens djihadistes, qui vivent une situation précaire dans les camps de réfugiés en Syrie ou en Irak. Les conditions de détention de cette catégorie de Marocains, qui sont majoritairement des femmes et des petits enfants, sont lamentables et leur souffrance est indescriptible, d'où la nécessité de les rapatrier en urgence. Par ailleurs, la Commission insiste sur la mise en place d'un processus d'insertion sociale, ce qui aura des retombées positives. - Quid des poursuites juridiques que risquent ces personnes ? - L'ancien patron du Bureau central des investigations judiciaires, Abdelhak Khiam, avait déclaré que rien ne s'opposait au retour des femmes et leurs enfants dans leur pays. Les autorités marocaines ne comptent pas les poursuivre du fait qu'elles ne les considèrent pas comme terroristes. Cela dit, l'initiative prise en faveur de leur rapatriement reflète une prise de conscience globale sur les conditions de vie inhumaines dans les camps où elles sont séquestrées. Pour ce qui est des personnes impliquées, nous souhaitons qu'ils soient rapatriées, poursuivies et condamnées et qu'elles purgent leurs peines pour enfin retrouver leurs familles. - Comment ces personnes seront-elles réinsérées dans le tissu social ? - Le Maroc est considéré comme un modèle en matière de déradicalisation, du fait qu'il s'attaque aux sources de l'extrémisme. Nous souhaitons que les personnes rapatriées bénéficient du programme Mossalaha qui incite à procéder à des révisions idéologiques. Dans le cadre de ce programme, des spécialistes sont là pour accompagner ces victimes de l'extrémisme à changer de paradigme. D'ailleurs, ces opérations ont même abouti à l'octroi de grâces royales au profit de plusieurs condamnés. Recueillis par S. J.