Mépris de la politique, défiance citoyenne vis-à-vis des institutions, forte abstention électorale, sont des syndromes de la crise politique que connait le Maroc actuellement. Une crise exacerbée par l'ampleur grandissante de la corruption et des conflits d'intérêts dans la gestion des affaires publiques. Un phénomène combattu par le Parti de l'Istiqlal dont le secrétaire général Nizar Baraka plaide pour une sortie rapide de la loi pénalisant les conflits d'intérêts afin d'en finir avec "l'économie de connivence". Séparer le privé du public, affranchir l'intérêt général des intérêts particuliers, tels sont des slogans brandis les Marocains depuis des années. Alors que le Maroc s'apprête à renforcer son arsenal législatif en matière de moralisation de la vie publique, la lutte contre les conflits d'intérêts qui sévissent dans la vie politique, meurtrie par la corruption et les prévarications de quelques élus, n'a jamais été si urgente. C'est l'une des causes majeures de la méfiance des Marocains à l'égard des institutions, estime Nizar Baraka, secrétaire général du Parti de l'Istiqlal lors de son allocution au webinaire intitulé « Conflits d'intérêts et vie publique au Maroc », organisé, vendredi, par la Fondation Abderrahim Bouabid en collaboration avec la Fondation Heinrich Böll. L'économie de connivence ou la menace de la cohésion sociale L'ampleur des conflits d'intérêts n'a cessé de s'agrandir au fil de ces dernières années, en témoigne la multiplication des situations d'oligopole, des privilèges, de la fraude fiscale qui se fait sous les yeux des responsables publics. C'est ce qui a amené le Parti de Allal El Fassi à s'attaquer à la question de moralisation de la vie publique, en proposant une loi pénalisant les conflits d'intérêts. Il s'agit d'une volonté de remédier à la crise de confiance qui ébranle les institutions et de lutter contre « l'économie de connivence » qui ronge le tissu économique national, a expliqué Nizar Baraka qui considère que « l'économie de connivence porte atteinte à la cohésion sociale, et nourrit le sentiment d'injustice chez le citoyen ». En témoigne la compagne de boycott de 2018, où les citoyens se sont révoltés contre la concurrence déloyale qui sévit dans certains marchés à cause de la forfaiture du gouvernement, incapable de protéger leur pouvoir d'achat contre des pratiques anti-concurrentielles. « Le citoyen s'est substitué donc à l'Exécutif et aux organes de gouvernance pour protéger son pouvoir d'achat », a -t-il fait remarquer. Lutte contre les conflits d'intérêts : Réhabiliter le politique Alors que la réforme du code pénal et notamment la loi sur l'enrichissement illicite à la Chambre des représentants peine à être votée à cause des divergences entre les partis de la majorité, la proposition de loi du groupe istiqlalien de l'Unité et de l'Egalitarisme à la Chambre des représentants vise à pénaliser tout acte de fraude, de malversation et d'abus de pouvoir des élus et des responsables publics dans l'exercice de leurs fonctions. La philosophie de cette réforme émane de la conviction que les conflits d'intérêts enveniment la relation entre le citoyen et l'élu, et nuisent ainsi à la démocratie. Selon M. Baraka, cette proposition veut réhabiliter le politique et donner une nouvelle vigueur et plus de crédibilité à l'action politique et aux assemblées élues dans la gestion des affaires publiques.
Durcir le contrôle des agents publics Comment lutter contre les conflits d'intérêts et s'assurer de la bonne conduite des responsables publics ? La solution est claire pour le Parti de l'Istiqlal. Nizar Baraka juge que, pour exiger plus de transparence, les élus et notamment les membres du gouvernement doivent suspendre toute activité privée, pendant leur mandat, qui serait en mesure de déclencher un conflit d'intérêts et ce, dans le but de se consacrer entièrement à leur fonction. À cet égard, le secrétaire général du Parti de l'Istiqlal a énuméré une série de dispositions de la proposition de loi à savoir le renforcement du régime de sanctions dans les cas de conflits d'intérêts avérés. Parmi les sanctions proposées : éviction de la fonction, peine d'inéligibilité, les sanctions peuvent allées jusqu'à la confiscation des biens acquis en raison de conflits d'intérêts. « Il est indispensable que cette loi sorte et voie le jour », a-t-il plaidé, ajoutant qu'il faut réexaminer la loi sur la déclaration de patrimoine. Rappelons que la réforme du code pénal est concomitante à celle de l'instance de Probité, dont la compétence sera élargie pour soutenir la Justice dans la lutte contre la corruption et les conflits d'intérêts dans les administrations et établissements publics.