Le changement à la tête de la pyramide du pouvoir mauritanien apportera-t-il une évolution dans les relations entre Nouakchott et Rabat ? Assistera-t-on à une meilleure position du voisin septentrional du Maroc sur la question du Sahara marocain ? Mohamed Ould El Ghazouani a été officiellement proclamé, dimanche dernier, Président de la république islamique de Mauritanie. Certes, des voix se sont élevées çà et là pour s'opposer aux résultats mais de manière assez gentille, juste pour réclamer un second tour pour sauver la face. Mais les faits et les chiffres sont là. Ould El Ghazouani a été élu au 1er tour avec plus de 50 % des suffrages.
Le Roi Mohammed VI a été l'un des premiers chefs d'Etat à féliciter Ould El Ghazouani pour son élection. Dans son message de félicitations, le Souverain marocain lui a exprimé sa ferme détermination à œuvrer de concert pour donner une forte impulsion aux relations de coopération fructueuse unissant le Maroc et la Mauritanie et renforcer les moyens de tirer le meilleur des opportunités et des potentialités dont disposent les deux pays. Et de rappeler les «liens de fraternité, de solidarité et d'estime mutuelle liant les deux peuples voisins à même de réaliser la complémentarité, le rapprochement et l'intégration auxquels ils aspirent en vue de relever les différents défis communs». Des liens qui ont été exposés avec panache lors du récent moussem de Tan-Tan où la Mauritanie était l'invité d'honneur et lors duquel les tentes marocaines et mauritaniennes se côtoyaient pour illustrer la richesse et la communauté du patrimoine culturel maroco-mauritanien.
Pour revenir à l'élection de Ould El Ghazouani, ce général pas tout à fait à la retraite passe pour être un fin connaisseur du Maroc où il a suivi sa formation militaire au sein de l'académie militaire de Meknès. Et d'aucuns voient dans son élection à la tête de la magistrature suprême de la Mauritanie l'occasion d'assister à un développement souhaitable des relations entre Rabat et Nouakchott. Pour le chercheur et politologue mauritanien El Hafed Ould El Ghabed, les relations avec le Maroc sont en effet considérées comme vitales et stratégiques pour la Mauritanie et s'attend à voir le fraîchement élu président mauritanien développer davantage ces relations et leur ouvrir ainsi un nouvel horizon. Et s'il passe pour être le dauphin du président sortant Mohamed Ould Abdelaziz et le candidat du consensus parmi les cercles du pouvoir mauritanien, Ould El Ghazouani fait également figure d'homme d'action résolu à marquer de sa propre empreinte son mandat présidentiel, ne serait-ce que légèrement. Car le politologue mauritanien rappelle, sur le site Yabiladi.com, que Ould El Ghazouani président ne différera pas beaucoup du président sortant Ould Abdel Aziz, tant il devrait maintenir une grosse part des réflexes du système actuel en Mauritanie. Sur la question du Sahara marocain, certains observateurs pensent qu'El Ghazouani, de par sa descendance maraboutique dont la famille spirituelle penche pour un approfondissement de ses relations avec les communautés culturelles et soufies du royaume, serait peu enclin à contracter des relations spéciales avec le Polisario. Surtout quand on sait que son prédécesseur avait, à quelque mois de l'expiration de son mandat, jeté un pavé dans la mare en déclarant que ni l'Occident, ni les USA, ni l'Europe ne veulent d'un Etat séparant géographiquement le Maroc de la Mauritanie. Persévérant dans cette même lignée, Ould El Ghazouani s'est récemment illustré en déclarant, en marge de sa campagne électorale sur les rives du fleuve Sénégal, sa stricte opposition à l'octroi de la nationalité mauritanienne aux sahraouis des camps de Tindouf et d'ailleurs. Ce qui n'a pas manqué de lui attirer l'ire de Brahim Ghali et ses sbires. Il n'empêche, n'allons surtout pas conclure qu'une telle posture soit totalement incompatible avec la perpétuation des relations de la Mauritanie avec le Polisario. Bien au contraire, car, en parfait funambule, le voisin du Sud, à travers les différents présidents qui se sont succédé à sa tête, a toujours veillé à ménager le chou et la chèvre lorsqu'il s'agit de la question épineuse du Saharamarocain. Soufflant tantôt le chaud, tantôt le froid, à l'égard des parties principales à ce conflit artificiel, en l'occurrence le Maroc et l'Algérie, la Mauritanie joue le temps dans «l'attente de la résolution de ce dossier au niveau des Nations Unies», comme le souligne le directeur du Centre maghrébin d'études stratégiques et professeur de sciences politiques en Mauritanie, Didi Ould Salek. Pour ce dernier, le fait de « recevoir des responsables sahraouis (du Polisario) n'est pas un indice d'une amélioration de ces relations, mais plutôt de l'intérêt de la Mauritanie pour ce qui se passe dans la région», conclut-il. Ali BENADADA