L'exécutif actuel souffre d'un handicap d'acceptabilité. Il est pourtant issu d'élections libres. Mais le mode de scrutin aboutit à des alliances très peu naturelles, qui entravent le fonctionnement du gouvernement. Le PJD est aux affaires depuis huit ans, grâce à son socle d'électeurs, moins de 20% des voix exprimées. Les partis de la coalition paraissent contraints. La société dans sa majorité n'adhère pas au discours islamiste. Concrètement, les résultats ne sont ni mirobolants, ni catastrophiques. Les discours sur la lutte anti-corruption ont fait pschitt, puisque le Maroc recule dans les classements internationaux. La pauvreté n'a pas reculé non plus et les projets structurants sont portés par des technocrates. Mais ce ne sont pas ces éléments objectifs qui importent, c'est le ressenti général. Tout le monde s'accorde à dire que la situation politique est morose. Le PJD, à cause de son histoire, de ses positions, réelles ou présumées, reste dans l'inconscient des Marocains un élément de blocage. En 2016, nous avons mis 6 mois pour constituer un gouvernement. Le nouveau ministre de la Justice a retiré le projet de loi sur le code pénal, déposé par Ramid. Même quand les urnes parlent, les acteurs politiques ne sont pas prêts à normaliser totalement avec le PJD. C'est une réalité incontournable. De fait, le PJD, sans peut être le vouloir, tient en otage l'évolution politique au Maroc. Ce constat lui impose un examen de conscience. On entend ici et là des voix s'élever pour demander aux islamistes de réduire leur présence électorale. Ce n'est pas sain comme attitude. On ne peut pas demander à un parti politique d'organiser volontairement sa propre défaite électorale. Par contre, le PJD peut annoncer dès maintenant qu'il n'est pas concerné par la constitution du prochain gouvernement. Le retour dans l'opposition lui permettrait de se régénérer, après huit ans aux responsabilités. Mais surtout, il peut utiliser ce temps pour dissiper les malentendus, s'il y en a. Cette nouvelle alternance consensuelle aurait énormément de vertus : ouvrir le jeu politique, en permettant des clivages programmatiques et non pas idéologiques, avec une opposition parlementaire forte qui joue son rôle et alimente le débat public. C'est une véritable option pour sortir de l'ornière. Le PJD y gagnerait une opportunité réelle de se créer une autre image. La construction démocratique ne suit jamais un schéma préétabli. C'est aux acteurs de s'adapter et d'inventer des solutions en cas de blocage. Le PJD peut offrir cette porte de sortie, ce qui sera mis à son actif par l'histoire.