Pour une fois les sondeurs avaient vu juste : Barack Obama a pris une raclée électorale. Les élections de mi-mandat favorisant toujours l'opposition, la défaite de l'exécutif est sans surprise. Mais son ampleur est sans précédent. Les Républicains triomphent à la Chambre des Représentants, aux nombreuses élections et référendums locaux, notamment pour la désignation des gouverneurs. S'ils échouent au Sénat, c'est d'un seul siège. Ce n'est pas une demi-défaite qu'infligent au Président ces scrutins du mid-term mais un vrai désaveu. Les analystes savent expliquer comment (démobilisation des jeunes, des minorités, des plus pauvres) et pourquoi (le chômage désormais structurel), l'électorat de Barack Obama s'est évanoui. L'Amérique profonde n'accepte pas qu'en 2011, il y ait encore plus de chômeurs dans l'industrie et toujours plus de bonus à Wall Street. La désillusion est à la mesure des attentes messianiques que le Président avait suscitées. D'où l'inefficacité de la campagne qu'il aura menée jusqu'à la fermeture des bureaux de vote, en dénonçant l'héritage désastreux trouvé à son arrivée, qu'il s'agisse de l'économie (plombée) ou des guerres en cours aux objectifs mal définis. Sa personnalité aussi est en cause. Elle lui avait permis de brûler toutes les étapes et d'atteindre le sommet, sans expérience. Le reflux est tout aussi précipité. L'Amérique entre en cohabitation. Les règles du jeu en sont connues car le système convient à ses institutions, soucieuses avant tout d'assurer l'équilibre des pouvoirs en les forçant à des compromis permanents. Mais cette fois, un combat de tous les instants va opposer le Congrès et la Maison Blanche. Avec un risque de paralysie bien réel. La campagne présidentielle sera cette foire d'empoigne. Les Républicains promettent de faire d'Obama, l'homme d'un seul mandat. Lui compte les pousser à la faute, tout en prétendant travailler pour le bien commun en affichant sa bonne volonté. C'est la stratégie qui avait si bien réussie à Bill Clinton, après les élections perdues de 1994. La différence, c'est le contexte. L'économie en récession, la pire depuis la seconde guerre mondiale. Une classe politique dont la légitimité est sans cesse remise en cause. La défiance qu'inspirent les élites fait aujourd'hui le lit du Tea Party comme hier il a permis aux Néocons d'imposer leurs lubies, sans qu'on sache si le mouvement de rébellion va régénérer le parti conservateur en l'entrainant derrière un nouveau leader comme Marco Rubio ou s'il s'agit d'une tempête dans une tasse de thé. Enfin et surtout, une crise morale qu'inspire le déclin de la toute puissance américaine. Le monde regarde l'Amérique et comprend mal ses engouements comme ses colères, deux formes opposées de la même déprime, la même impuissance. L'Amérique en campagne chronique n'aidera pas à résoudre les problèmes que posent à tous la course à l'atome des Iraniens ou l'indispensable réforme des institutions monétaires. La paix négociée au Proche-Orient est remise aux calendes grecques comme le retrait d'Afghanistan ou la fermeture de Guantanamo. Cela pourrait donner un argument à Barack Obama : il lui faudra un deuxième mandat pour justifier son prix Nobel.