La signature mardi par le président des Etats Unis, Barack Obama, de la loi sur la réforme du système de santé a mis fin à presque une année d'un débat enfiévré et de critiques au vitriol ayant fait douter jusque dans les rangs des plus fervents partisans de cette entreprise "historique", que le chef de l'exécutif US a choisie comme emblème de son mandat présidentiel. Par Fouad ARIF Les enjeux étaient de taille, en témoigne la mobilisation de pas moins de six lobbyistes pour chaque législateur au Congrès qui en compte 535, bien davantage que pour les questions de défense, et les intérêts financiers énormes impliquant l'industrie pharmaceutique et les compagnies d'assurance. Une situation somme toute périlleuse pour Obama d'autant plus qu'il lui fallait gagner cette bataille pour pouvoir préparer les élections de mi-mandat de novembre prochain dans les meilleures dispositions politiques possibles. Une défaite, avait mis en garde son prédécesseur Bill Clinton, permettrait aux vainqueurs d'écrire l'histoire par la suite, faisant allusion à la défaite retentissante des Démocrates, en 1994, justement après avoir échoué à faire passer un projet de loi similaire. Cette débâcle avait permis aux Républicains de gagner les élections de mi-mandat qui s'étaient tenues la même année. Clinton allait finir son premier mandat privé du soutien de ses partisans au Congrès. MAINTENIR LE CAP QUOI QU'EN DISENT LES SONDAGES Après la défaite des Démocrates lors de l'élection sénatoriale dans l'Etat du Massachussetts pour pourvoir le siège symbolique de Ted Kennedy, qui plus est, un défenseur de la première heure de la réforme de la santé, avait valeur de référendum contre ladite réforme. Le candidat républicain ayant remporté ce scrutin avait justement axé sa campagne contre ce projet, qui ambitionne de fournir une couverture médicale à 31 millions d'Américains qui en sont dépourvus pour environ 900 milliards de dollars étalés sur dix ans. Les Républicains accusaient les Démocrates de vouloir accentuer les déficits publics et gonfler la dette nationale sur fond d'un taux de chômage caracolant à une niveau historique de 10 pc. En effet, le projet de loi de finances au titre de l'année 2011 prévoit un déficit de 1,6 trillion de dollars pour l'année en cours, quasiment égal l'année suivante et quelque 8,5 trillions de dollars sur les dix prochaines années. C'est dans cette conjoncture hautement défavorable ayant entrainé dans son sillage la popularité de Barack Obama que ce dernier a décidé de réunir un sommet à la Maison Blanche avec la participation des leaders du Parti républicain, lors d'un débat marathon de sept heures retransmis en direct par les principales chaînes de télévisions américaines. Constatant des différences d'approches irréconciliables, le président Obama visiblement irrité déclara que le temps des débats est terminé, laissant clairement entendre que les Démocrates allaient tenter le passage en force à la Chambre des représentants avec ou sans le soutien des Républicains. CAP SUR LES ELECTIONS DE MI-MANDAT La Chambre des représentants allait effectivement voter, tard dimanche dans la soirée, en faveur de cette réforme, par 219 voix pour et 212 contre. Comme on pouvait s'y attendre, l'ensemble des députés républicains auxquels se sont ralliés 34 démocrates ont voté contre ce texte, promulgué mardi par le président Obama. Lors de la cérémonie de signature de cette loi, le locataire de la Maison Blanche, qui a eu la victoire modeste, a qualifié cette promulgation d'événement "historique" et de "réalisation extraordinaire", ajoutant que les Etats Unis sont une nation qui "ne peut se permettre de revoir ses aspirations à la baisse et encore moins céder au doute". Pour beaucoup d'observateurs, les élections de mi-mandat de novembre prochain seront un référendum sur cette nouvelle loi, qu'ils qualifient de "la plus significative législation sociale jamais adoptée aux Etats Unis depuis plus de cinquante ans". Les Républicains veulent encore mettre tout leur poids dans le but de "dérailler" cette loi de sa trajectoire initiale à travers un train d'amendements que le Sénat devra voter dans les jours qui viennent. La Maison Blanche assure, pour sa part, que le président Obama continuera, à travers notamment des déplacements dans les quatre coins des Etats Unis, de mettre l'accent sur les avantages de cette nouvelle loi plutôt que sur son ampleur, son coût ou encore sa complexité. "La véritable bataille autour de la loi sur le système de santé US commence après son adoption", insistent plusieurs législateurs Démocrates, qui ne veulent pas laisser le champ médiatique libre aux Républicains pour s'accaparer le contrôle du message, comme ils l'avaient fait l'été dernier à travers les réunions dans les hôtels de ville et les "Tea Party". Des stratégistes des deux camps affirment qu'à l'aune de cette réforme, la présidence de Barack Obama sera jugée ou pas comme étant un retour vers un plus grand interventionnisme de l'Etat dans une conjoncture marquée par une crise économique aigue, exacerbée par un taux de chômage et une récession dont les effets tardent à s'estomper, outre un déficit fédéral abyssal.