ETUDE Le mythe du MRE riche qui revient au pays à bord de bolides d'enfer s'étiole. Le Marocain d'ici ouvre désormais ses yeux sur des phénomènes, autrefois insoupçonnés, touchant le Marocain d'ailleurs. La crise n'explique pas tout, comme le montre cette étude de Rabia Hajila. Rabia Hajila, Docteur en sciences économiques, option économétrie, a décortiqué les raisons de l'échec scolaire chez des jeunes Marocains vivant en France. C'est là un sujet qui doit intéresser le département en charge des expatriés marocains qui a tendance à s'intéresser aux MRE adultes en oubliant les enfants et les jeunes parmi eux, qui sont les MRE de demain. « Au cours de l'été 1995, j'ai rencontré des élèves immigrés marocains qui sont venus passer leurs vacances au Maroc et qui ont tous abandonné l'école française. Chacun a argumenté son échec à sa façon, chose qui m'a provoqué et m'a poussé à mener une enquête sur le terrain pour déceler les vraies causes de cet abandon.» confie Rabia Hajila à L'Observateur du Maroc. Sa curiosité scientifique l'a amenée à des conclusions qui méritent d'être prises en compte par les responsables concernés. Menée à Paris et dans le département des Yvelines (Poissy, Mantes La Jolie, Les Mureaux, Chanteloup, Achères, …), son enquête a consisté en un travail de terrain de longue haleine et le dépouillement de pas moins de 600 questionnaires. Synthèse. Selon les résultats de l'enquête, la répartition des élèves ayant abandonné l'école montre la prééminence du sexe masculin qui représente 61,5% contre seulement 38,5% pour le sexe féminin. Sur l'ensemble des élèves qui ont abandonné leurs études 40% ont un âge de 22 ans, suivi de ceux qui ont un âge compris entre 20 et 21 ans avec des taux respectifs de 23,1% et 23,8%. 50% des élèves ayant abandonné leurs études ont commencé leur scolarisation à l'âge de 6 ans. Les enfants nés en 8e rang sont plus exposés à l'abandon scolaire avec un taux de 25% suivi des enfants nés en 7e rang avec un taux de 12,5%. Les résultats de l'enquête ont montré qu'il existe plus d'abandons lorsque l'âge du père se situe entre 45 et 59 ans et celui de la mère entre 40 et 49 ans. La baisse du niveau d'instruction des parents est une cause principale de l'augmentation du nombre d'abandons des élèves. 96,2% des pères et 88,2% des mères des élèves qui abandonnent leurs études ont un niveau d'instruction inférieur au secondaire. La répartition des élèves ayant abandonné leurs études montre la prééminence de ceux qui ne sont pas aidés par leurs parents dans le choix de l'option. La famille peut alors jouer un rôle dans la définition du projet scolaire et social de leurs enfants. Le changement de lieu de résidence favorise l'échec scolaire : 80,8% des élèves ayant abandonné leur scolarité ont changé leur lieu de résidence au moins une fois. Certaines variables de comportement telles que la consommation de cigarettes et/ou de drogue et d'alcool peuvent avoir un impact négatif sur les résultats scolaires. En effet, le pourcentage des élèves ayant abandonné leurs études est, par exemple, 7 fois supérieur chez les élèves consommateurs de drogue. Parmi les différentes raisons de l'abandon scolaire avancées par les élèves qui ont quitté l'école : 42,3% préfèrent travailler, 30,8% sont lassés des études, 1,5% veulent se marier pour faciliter l'établissement d'un cousin en France, 7,7% n'ont pas le niveau et ont peur de l'échec, 3,9% à cause des professeurs et 3,8% à cause de la délinquance. Parmi les nombreuses autres variables intervenant dans les défections, la plus importante est celle des rapports entre l'adolescent et sa famille. Le risque de le voir quitter prématurément l'école augmente parallèlement au nombre de circonstances défavorables qui jouent en sa défaveur, à l'opposé de bonnes relations familiales devraient lui permettre de surmonter presque toutes les difficultés. En règle générale, l'élève qui risque d'abandonner ses études a des notes médiocres, est peu motivé, n'aspire pas à poursuivre des études supérieures, en étant également issu de parents de conditions socio-économiques inférieures qui ne le prédisposent guère à faire preuve d'autonomie. Ce dernier facteur joue un rôle décisif. Les adolescents à qui le père laisse une autonomie et une part de responsabilité raisonnable ont plus de chance d'acquérir l'attitude constructive, l'assurance et le sens de l'effort si importants pour la réussite scolaire.