A l'heure où de nombreux expatriés marocains reviennent au bercail, ces derniers suscitent l'intérêt de leurs concitoyens restés dans le pays. Docteur en sciences économiques, option : économétrie, Rabia Hajila a éprouvé cette curiosité en 1995 lorsqu'elle s'était intéressée à de jeunes émigrés revenus passer leurs vacances dans le bled et qui avaient tous abandonné l'école française. Sujet dont la curieuse universitaire avait fait alors un sujet de thèse qui lui a permis de comprendre les raisons de cet échec collectif. Plusieurs années après, la même curiosité scientifique a amené Rabia Hajila à effectuer trois ans durant une autre enquête, tout aussi instructive : « Insertion et réussite scolaire : cas de la communauté marocaine en France ». Nous en publions en exclusivité la synthèse. Selon les résultats de l'enquête menée par Rabia Hajila à Paris et dans le département des Yvelines (Poissy, Mantes La Jolie, Les Mureaux, Chanteloup, Achères, …) auprès de jeunes immigrés marocains de différents niveaux dont l'âge varie de 13 à 22 ans, les filles s'insèrent plus facilement que les garçons et plus l'âge de l'élève et l'âge d'entrée à l'école augmentent plus l'élève se trouve confronté aux difficultés d'insertion. Le seuil discriminatoire relatif à l'insertion montre qu'à partir de 18 ans l'élève trouvera des difficultés à s'insérer socialement au sein de la société française. Le milieu familial apparaît comme un puissant déterminant de l'insertion des élèves immigrés marocains en France. Ainsi, plus le nombre de frères et sœurs et le rang de l'élève au sein de sa famille augmentent, moins il rencontre des problèmes d'insertion. Les variables mesurant le revenu familial tel que le type de logement et la catégorie socioprofessionnelle ont un impact déterminant sur l'insertion. La langue parlée en famille est un facteur déterminant de l'insertion sociale. Le fait de parler l'arabe ou le berbère en famille ne facilite pas l'insertion des jeunes. D'un autre côté, le nombre de frères et sœurs sans niveau d'instruction a un effet délétère sur l'insertion. La présence des parents au foyer importe beaucoup et plus les enfants se sentent à leurs aises en famille plus ils s'insèrent facilement. Quant aux problèmes familiaux, ils ne peuvent qu'aggraver la situation sociale des élèves et rendre le processus d'insertion plus complexe. De même, le changement de lieu de résidence de ville en ville ou au sein de la même ville perturbe l'insertion sociale des jeunes. Certains comportements peuvent avoir des effets défavorables sur l'insertion sociale des jeunes immigrés au sein de la société française telle que la consommation des cigarettes, d'alcool et de drogue. De même, le travail à mi-temps du fait que plus l'élève consacre plus de temps à la recherche d'un emploi diminue la probabilité d'insertion. D'un autre côté, l'effet favorable des ambitions professionnelles futures chez les jeunes immigrés favorise leur insertion dans le pays d'accueil. Les problèmes entre l'élève et ses professeurs sont considérés comme parfaitement exogènes puisque cette variable explique statistiquement l'insertion des jeunes immigrés. En outre, plus l'élève est moins satisfait de son orientation plus il n'arrive pas à s'insérer. Enfin, reste à analyser les variables régionales mesurant le lieu où réside l'élève. Ce sont les jeunes qui habitent à Achères, Chanteloup, Saint-Germain en Laye et ceux qui habitent à Poissy qui ont la probabilité la plus forte à s'insérer, suivis de ceux qui habitent à Mantes La Jolie relativement à ceux qui habitent à Trocadéro, Nanterre, La Défence et Creil. Par contre, les jeunes qui habitent aux Mureaux trouvent des difficultés à s'insérer socialement au sein de la société française. Lors de cette enquête, il est établi que la famille joue un rôle capital dans le déroulement de la scolarité de l'enfant. Pour les enfants d'immigrés, les interactions sont encore plus essentielles : l'école pour remplir sa mission éducative et jouer pleinement son rôle de vecteur de l'insertion des enfants, a impérativement besoin de s'appuyer sur la propre volonté de l'insertion des parents.