La famille d'accueil. Un concept nouveau qui a fait son entrée au Maroc, il y a deux ans, grâce à l'Association Bayti. Ce dispositif de prise en charge d'enfants en situation difficile sera bientôt étendu à d'autres villes. «On a lancé ce projet pilote en 2008 au niveau de Casablanca en concertation avec les juges des mineurs. Il est financé par la fondation Auteuil International et la coopération monégasque», indique la responsable du projet, Yamna Taltit. Et d'ajouter que ce projet est venu proposer une solution alternative à l'institution et à la famille biologique. «En 2002, on a dressé un état des lieux du niveau d'intégration des enfants dans leur famille biologique. On a trouvé que la réinsertion a réussi seulement pour 37% des enfants abandonnés. Les familles de ces derniers souffrent d'une crise de parentalité due au chômage et à la pauvreté», explique la responsable du projet. Pour réussir la mise en place du nouveau dispositif, il a fallu, bien évidemment, commencer par une étude de faisabilité. Selon Yamna Taltit, elle a été menée en 2008 auprès d'un échantillon de 1.000 familles. Les résultats de l'étude sont encourageants. 60% des familles interrogées se sont montrées motivées pour accueillir des enfants en situation difficile. Elles ont toutefois exprimé certaines conditions. «Pour les garçons, la majorité des familles se sont dit prêtes à les accueillir à condition qu'ils soient âgés de moins de 12 ans. Les filles ont fait l'exception. Les familles ne trouvent pas de mal à accueillir des filles même si elles sont âgées de plus de 12 ans», précise Yamna Taltit avant d'expliquer «les parents argumentent leur préférence pour les filles par leur caractère docile et leur tendance à l'affection». Sur la base des résultats de l'étude, l'équipe du projet s'est penchée sur l'élaboration d'un cahier des charges destiné aux parents désireux de prendre sous leur aile un enfant. «Le cahier des charges détaille les procédures, les critères que doit remplir une famille candidate à l'accueil d'un enfant. Ce document est actualisé et alimenté en permanence au fur et à mesure du processus de mise en place du dispositif», explique la responsable du projet. L'étude de faisabilité a été aussi marquée par la mise en place de l'assise juridique pour ce nouveau concept. «On s'est basé sur l'article 471 du Code de procédure pénale qui liste les mesures de protection des enfants qui sont notamment …la remise à ses parents, à son tuteur, à son tuteur datif, à la personne qui le prend en charge ou qui est chargée de sa garde ou toute personne digne de confiance». On s'est basé sur cette dernière phrase de l'article qui donne la possibilité à des personnes dignes de confiance d'accueillir des enfants. C'est cette phrase qui constitue le cadre juridique du dispositif de la famille d'accueil», explique la responsable du projet qui a précisé que la préparation de l'assise juridique a été faite en concertation avec le juge des mineurs. Actuellement, ce sont 7 familles qui participent à ce projet. Elles ont accueilli des enfants du foyer de l'association Bayti. Selon Yamna Taltit, pour être une famille d'accueil, il faut passer par plusieurs étapes. «Cela commence par une enquête sur la famille qui est réalisée par une assistante sociale. On se réunit aussi plusieurs fois avec la famille pour s'assurer que l'enfant sera accueilli dans de bonnes conditions. Un rapport de l'enquête et des réunions avec la famille est ainsi remis au juge des mineurs. En cas d'approbation, ce dernier délivre une autorisation qui fixe toutes les modalités d'accueil. Ce dernier peut être occasionnel, mensuel ou durant les week-ends, selon les disponibilités de la famille», explique-t-elle. Le travail de l'association ne se limite pas à l'admission de l'enfant. La responsable du projet a affirmé qu'après la délivrance de l'autorisation d'accueil, c'est tout un travail de suivi qui commence. «Il est assuré par nos assistantes sociales. Elles effectuent des visites régulières avec ou sans préavis aux familles d'accueil. Les comptes-rendus des visites nous permettent de nous assurer de la bonne insertion de l'enfant», indique la responsable du projet. L'équipe de Yamna Taltit est actuellement à pied d'oeuvre pour la mise en place de dispositif à Essaouira. «On se réunit actuellement avec plusieurs familles potentielles au niveau de cette ville pour préparer l'extension du dispositif», confie cette militante pour les enfants de Bayti. Implémentation Des obstacles Selon, Yamna Taltit, la mise en place de ce nouveau dispositif d'accueil des enfants n'a pas été une tâche aisée. L'équipe de projet s'est trouvée face à plusieurs problèmes qu'il faut gérer. «Certains enfants ont trouvé une difficulté à s'intégrer dans leurs familles d'accueil. Ils arrivent difficilement à accepter un nouveau cadre de vie et de nouvelles personnes à côtoyer», indique la responsable du projet. D'autres problèmes dus aux familles d'acceuil ont également jailli. «Certaines familles n'arrivent pas à accepter l'enfant tel qu'il est. Elles ont une perception de ces enfants qui est différente de la réalité. Par exemple, elles n'arrivent pas à accepter les petits mensonges qui peuvent émaner de ces enfants», indique-t-elle avant d'ajouter «d'autres familles reproduisent le même système d'éducation de leurs enfants biologiques avec ces enfants acceuillis. Ces derniers nécessitent par contre une méthode d'éducation spéciale prenant en considération leur personnalité et leur situation». Pour pallier ces problèmes, l'association assure des formations aux familles potentielles. «Le but est d'initier et sensibiliser les familles à l'accueil d'un enfant en situation difficile. On leur explique, par exemple, qu'ils ne doivent pas se substituer aux parents biologiques de l'enfant et qu'ils doivent prendre en considération la particularité de sa situation», indique Yamna Taltit.