La responsabilité sociale des entreprises, plus connue sous l'acronyme RSE, remise au goût du jour plus que jamais en ces temps de crise, est sur toutes les langues. L'Ecole supérieure internationale de gestion (ESIG), soucieuse de laisser son empreinte dans le domaine de la recherche, a organisé vendredi dernier, à Casablanca, la cinquième édition de ses colloques scientifiques, sous la thématique: Le management responsable et la création de la valeur, afin de s'arrêter sur ces trois mots et étudier leur origine, leur engrenage mais aussi leur déploiement et leur impact. Engrenage C'est dans un contexte économique marqué par une suppression des frontières – essentiellement pour la circulation des capitaux – et l'exposition du monde de la finance à des crises successives, qui font couler non plus des entreprises mais des pays tout entiers, que la pertinence et la légitimité des pratiques managériales dites « classiques » sont remises en cause. Toutefois, ces modes de gestion critiquables existent dans un type bien défini d'entreprises. Selon Pierre Gensse, professeur des Universités, IAE de Nice Sophia Antipolis, Ecole universitaire de management classe les entreprises en trois catégories: « c'est au niveau des entreprises dites fondistes (dont le tour de table est composé de fonds de pension, de gestion ou des capital investisseurs : ndlr) que la responsabilité sociale est limitée, voire illusoire. Exiger une rentabilité de 10 à 14 %, au moment où les économies ne croissent au meilleur des cas que de 5 ou 7 %, ne peut se faire qu'au détriment de l'écologie ou des emplois et des salariés. La pression des marchés réduit l'espace discrétionnaire des dirigeants». Avant de souligner qu'au niveau des deux autres catégories d'entreprises, à savoir domestique (où l'actionnaire est le patron) et technocratique (où l'actionnariat est épars), qui sont faiblement financiarisées, le manager est roi. Dans ce cas de figure, la responsabilité sociale est soit paternaliste, pour la première catégorie, soit négociée, notamment pour la seconde catégorie. Conséquences L'enrichissement des riches et l'appauvrissement des pauvres, la suppression de la classe moyenne, sont autant de conséquences de la dominance du capitalisme et du libéralisme. Car on oublie souvent « qu'il ne peut y avoir création de valeur pour la valeur. L'homme est toujours derrière, que cela soit pour créer cette valeur, ou pour en profiter. De même qu'il n'y a pas d'actionnariat sans responsabilité », d'après Driss Benali, professeur et directeur de recherche à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales à l'Université Mohammed V à Rabat. Il faudrait donc, selon Saloua Hajji, DG du Groupe ESIG, de « penser à un modèle complexe qui assoie une nouvelle répartition des richesses de manière à privilégier la durabilité ». Pour sa part, Gensse estime qu'il serait nécessaire de « passer d'un capitalisme financier, basé sur la performance économique et visant le court terme et l'intérêt de l'actionnaire, à un capitalisme responsable ou raisonnable, basé sur la performance sociale et ayant une perspective durable et visant l'intérêt social ». RSE et développement durable Le développement durable peut être défini comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Il s'agit également d'un moyen de conciliation entre les impératifs économiques, sociaux et environnementaux pour un développement soutenable à long terme. Il s'appuie sur trois principaux piliers, à savoir : la protection de l'environnement, le développement social et le développement économique. Au niveau des entreprises, cela se traduit par l'application des règles et principes de la RSE (la Responsabilité sociétale des entreprises), et la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux dans la stratégie des entreprises. Selon Pierre Gensse, professeur des universités IAE de Nice Sophia Antipolis, Ecole niversitaire de management, au niveau même de la RSE il existe une dualité en terme de recherche. Il existe ainsi une RSE idéologique, normative issue de chercheurs militants. Et quand on dit militant, il faut entendre que ceux-ci connaissent déjà le résultat de leurs recherches et cherchent à le prouver à travers leurs études, ce qui est aux antipodes de la démarche scientifique de la recherche et à la RSE dite technique qui se veut pragmatique et qui résulte des travaux de chercheurs consultants.