Porté vers les films anxiogènes, liés sans doute à son enfance d'écorché vif (enfance dans le ghetto de Cracovie, mère assassinée à Auschwitz), Roman Polanski signe des films empreints de dépit et d'une vision aigrie du monde. Dans « Carnage », il déroule une comédie noire dont l'intrigue et le style cinématographique sont empreints de pessimisme cru. Le film, présenté en compétition à la 68e Mostra de Venise, est une adaptation de la pièce à succès « Dieux du carnage » de la dramaturge française Yasmina Reza, créée en 2008. Il s'ouvre sur une scène de bagarre; deux adolescents se battent et s'entretuent à coups de bâton, déclenchant une tentative de pacification de la part des parents, qui se mue en un huis clos dans un appartement, et se poursuit le long du film. Tourné en temps quasiment réél, ce film éprouvant et probant, d'une noirceur et d'un hyperréalisme palpables, est mené d'une main de maître, émaillé d'une tension bien ficelée, orchestrée avec brio par les quatre protagonistes Kate Winslet, Jodie Foster, Christoph Waltz et John C. Reilly. Enfermé lui aussi dans cet appartement, le spectateur tente de trouver une issue à cette violence sous-jacente, et de sonder les personnalités de ces quatre bourgeois New-yorkais, empêtrés dans leurs préjugés et leurs rigidités respectives. Au fur et à mesure de cette scène de 90 minutes, intense et surprenante, la psychologie humaine prend toute son ampleur, et l'humour toute sa portée amère.