Encore une fois, le Polisario a été victime d'une fuite de documents classés « confidentiels ». L'un des deux montre une liste de 16 indépendantistes détenteurs de la nationalité marocaine, financés par le Polisario, sous ordre direct de Abdelaziz El Marrakchi. Sans surprise, Aminatou Haidar, cette femme qui avait « simulé » une grève de la faim aux îles Canaries il y a deux ans de cela, figure sur cette liste. D'autres visages plus ou moins connus sont cités par le document. Leur point commun : ils sont tous membre du Conseil national (parlement) de la RASD. Le premier des documents est une lettre rédigée par Abdelaziz El Marrakchi lui-même, datant du 5 janvier 2005, et adressée au premier ministre, au président de l'Assemblée nationale, au ministre des territoires occupées et au bureau des îles Canaries. « Dans le cadre du soutien à l'Intifada à l'intérieur des territoires occupées, et à la motivation de nos militants saharaouis dans leur lutte contre l'ennemi, en ces temps où notre cause passe par des moments délicats et difficiles », écrit Abdelaziz au début de son courrier. Le président de la RASD continue en recommandant à ses sbires d'inciter ses « militants » à « accentuer les activités contre les forces d'occupation, […], ainsi qu'à agir de sorte à attirer l'attention de l'opinion publique internationale ». Une liste révélatrice Avant de conclure, Abdelaziz préconise « d'augmenter les aides financières et morales aux militants », mais aussi « d'établir un salaire mensuel aux 16 militants, membres du Conseil national ». Suite à ces révélations, Le Soir échos a contacté Taher Abouzaid, Sahraoui, membre du Conseil national de l'USFP, et spécialiste de l'Algérie. Interrogé sur les noms qui figurent sur la liste, celui-ci en reconnaît quelques-un. Outre Aminatou Haidar que l'on ne peut plus présenter, Sultana Kheya, une indépendantiste notoire, serait, selon lui, « celle qui a interposé les photos des massacres de Gaza suite aux évènements de Laâyoune ». Autre indépendantiste figurant sur la liste, Brahim Dahab. Celui-ci est président de l' « Association des victimes des violations graves des droits de l'Homme » (Pro-polisario). Tandis que Elmali Aamar Salem, lui aussi sur la liste, a, selon Abouzaid, « fait partie de la délégation algérienne de l'union mondiale de la jeunesse qui s'était tenue à Johannesburg, et dont le Maroc avait été exclu ». Le plus étonnant chez Elmali Aamar, est que lors du colloque de Johannesburg, ce dernier a choisi de faire partie de la délégation algérienne au lieu d'être avec ses compagnons de la RASD, et ce, muni de son passeport marocain ! Le Polisario encore une fois fragilisé Mis à part le caractère inédit de cette liste, sur laquelle sont inscrits noir sur blanc les noms des personnes bénéficiant d'aide matérielle du Polisario, cette fuite intervient à 2 mois d'un autre courrier confidentiel, ayant lui aussi fuité. Celui-là, émanant du ministère de la défense, avait mit en garde contre tout débordement lors de la tenue du congrès de la RASD à Tifariti (zone démilitarisée), et ce, pour cause de manifestations ayant éclaté dans les camps visant la direction du Polisario. Ces deux courriers démontrent l'ampleur du désarroi dans lequel se trouve la direction du Polisario, véritable « Politburo », quasiment inchangé depuis trois décennies. Ceci ne peut que fragiliser le Polisario, à quelques jours des pourparlers de Manhasset, auquel le nouveau ministre des Affaire étrangères, Saadeddine El Othmani, prendra part. El Othmani : un acquis ? La fragilisation du Polisario peut évidemment être exploitée lors de ces pourparlers. D'autant plus que pour la première fois, ce sera un politique et non un technocrate qui présidera la délégation marocaine. Interrogé sur ce point, Tahar Abouzaid pense « que l'envoie d'El Othmani représente un acquis dans le dossier du Sahara », arguant « que c'est une première, qui ne pourrait qu'augmenter la crédibilité du projet d'autonomie proposé par le Maroc ». Autre avantage avancé par Abouzaid, le fait que « tous les dossiers qui étaient entre les mains des technocrates ont dû être transmis à El Othmani »; ce qui constitue une « réelle avancée ». Toutefois, la seule crainte que nourrit Abouzaid est qu' « El Othmani se trouve pieds et poings liés, et ne peut intervenir à son aise, dans le cas où il serait forcé à suivre les directives des « anciens » », explique-t-il. Avant de s'envoler à pour New York lundi 20 février, El Othmani aura eu à rencontrer son homologue algérien Mourad Medelci, et ce pour la seconde fois en 3 semaines. Cet entretien entre dans le cadre de la tenue de la 18e Réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UMA, qui se tient vendredi 17 février au ministère des Affaires étrangères à Rabat. Vendredi après-midi, un point de presse est prévu à la suite d' un entretien privé qui se déroulera entre les deux chefs de la diplomatie.