Le Lac des cygnes a épaté le public rbati lors des trois spectacles consécutifs présentés ce weekend au théâtre Mohammed V. Un tourbillon exquis de tutus et de décors féeriques, déployé par le Grand Ballet classique russe. Une magnifique interprétation du Lac des Cygnes, une des plus belles œuvres de Tchaïkovski, a fleuri les planches du théâtre Mohammed V, jeudi, vendredi et samedi à Rabat. Un spectacle éthéré, où un héros romantique, tenace et grâcieux, se bat pour lever le sortilège de sa princesse bien-aimée, transformée en cygne par un sorcier sans merci. Une enième interprétation de ce grand classique du 19e siècle, qui prend, dans nos contrées, des dimensions jouissives, au vu de la rareté de ce genre de ballet, et la quasi-absence de danse contemporaine et classique de cette trempe, au royaume. Le Lac des cygnes, avec ses décors somptueux, et ses costumes spectaculaires, dont certains kitschs par moments, nous a immergés dans une belle poésie esotérique, et un élégant tournoiement de virtuosité russe.Une interprétation classique qui diffère des versions contemporaines ayant récemment fait le tour des grandes villes européennes, dont la version acrobatique de la troupe chinoise Guangdong qui a récolté un succès phénoménal à Londres en août dernier, ou encore celle de Matthew Bourne, dont les cygnes sont interprétés par des hommes, incongruité contemporaine. Le Grand Ballet classique russe a tenu à conserver l'essence classique de ce ballet, à savoir les magnifiques décors et costumes d'époque. Marina Rjannikova a tenu en haleine son public par un savant dosage de technique et de présence scénique. Une princesse tourmentée L'interprétation n'a pas dérogé aux règles du ballet classique, et le public a assisté à des prestations marquantes, portées par des danseurs-étoiles émérites. Marina Rjannikova, ballerine de premier plan et lauréate du Prix du Concours international de ballet de Moscou, est saisissante de talent. En Odile comme en Odette, la princesse maudite, elle est électrifiante, d'une légèreté tout en plumes et en ailes. Elle a tenu en haleine son public par un savant dosage de technique et de présence scénique. Un jeu d'une lenteur et d'une volupté extrêmes, où les bras, les jambes et la tête se plient grâcieusement au rythme de l'amour, et où le corps en entier semble se scinder, entre espoir et désespoir. Une sincérité tragique qui se déploie agilement dans l'acte I, au moment où elle succombe au prince Siegfried, en un crescendo extatique de mouvements où la maîtrise corporelle atteint son apogée. Une dextérité gestuelle exacerbée dans l'acte III, lorsqu'elle est sommée de s'éloigner de son prince par le puissant sorcier, Von Rothbart, ou lorsqu'elle se mue en Odile (cygne noir), hautaine, calculatrice, et séductrice dédaigneuse. Marina Rjannikova est jalonnée d'un prestigieux répertoire au sein du Grand ballet classique russe. Elle a interpété la Fée Principale de Cendrillon, Kitry dans Don Quichotte, Masha, la princesse des souris, dans Casse-Noisette, autre magnifique ballet de Tchaïkovski, Lady Capulet dans Roméo et Juliette, Aurore dans La belle au bois dormant, grand chef-d'oeuvre de Tchaïkovski, et Prudence dans La dame aux camélias, ainsi que d'autres rôles majeurs. Performance Performance Singrifried ou Artem Khoroshilov, prince arrogant dans l'acte I et héros passionné dans les actes suivants, est également danseur de premier plan au sein de la troupe. Elegant, prometteur et doté de belles lignes, il semble cependant loin de l'aura captivante de sa partenaire, celle qui fait vibrer les planches et rêver le public. Le sorcier, Von Rothbart, est sans grande conviction, en dépit de ses costumes mirobolants, contrairement au fou de la cour, qui a marqué le public par une performance hautement technique et une agréable énergie scénique. Mais c'est l'acte final qui est le plus révélateur. Le conflit final des trois protagonistes dépasse le stade de pantomine, et nous plonge brillamment dans l'obscure fatalité, propre aux grandes oeuvres classiques. Signalons que la fin du Lac des cygnes diffère selon les différentes versions, une particularité propre à ce ballet populaire. Dans cette version, le prince et le sorcier meurent dans un duel final au bord du lac, talonnés par l'héroïne, qui se suicide par désespoir. Une variante orchestrée par les chorégraphes Natalia Kasatkina et Vladimir Vasilyov, deux étoiles brillantes du Bolchoï dans les années cinquante soixante-dix, acccompagnées par l'Orchestre symphonique royal du Maroc. Une tragédie qui donne des ailes. Une vraie bouffée d'art frais.