Il le demandait depuis belle lurette, il l'a enfin eu ! Il, c'est Abdelali Benamour et ce qu'il demandait, c'était la réforme du cadre juridique du conseil de la concurrence et le renforcement de ses prérogatives. Reçu par le roi Mohamed VI lundi palais royal, le président du gendarme de la concurrence a eu la confirmation de l'intérêt porté à son institution et la volonté de son renforcement. En effet, le monarque a donné ses instructions au gouvernement pour qu'il procède à la révision du cadre juridique régissant cette institution, dans le sens du renforcement de son autonomie et de l'élargissement de ses compétences, y compris celle de l'autosaisine, apprend-on dans un communiqué du cabinet royal. Une initiative qui permettra au conseil de glaner son indépendance par rapport aux autorités et qu'il l'installera dans un rôle d'arbitre effectif capable de se prendre en charge tout seul et de lancer des enquêtes sans en référer à tel ministère ou telle administration. Une nouvelle ère s'annonce donc pour cette institution cantonnée jusqu'à présent dans un rôle purement consultatif et ce depuis sa création. Les réticences étaient palpables au sujet du renforcement de ces prérogatives et des lobbys s'activaient dans l'ombre pour faire avorter toutes les tentatives de réformes. Et pour cause, ceux qui jouissent d'une position dominante et de l'économie de rente n'ont aucun intérêt à voir émerger un arbitre puissant. C'est dans ce sens donc que le roi, selon le communiqué du cabinet royal, a souligné la nécessité d'une opérationnalisation optimale du Conseil, pour qu'il puisse accomplir les missions qui lui sont dévolues, en particulier le contrôle des concentrations économiques, la création d'un climat propice à la concurrence loyale, la liberté d'entreprise, l'égalité des chances, la lutte contre l'économie de rente et contre les différentes formes de monopole et de privilèges indus, et ce, dans le cadre d'un dispositif institutionnel national cohérent de bonne gouvernance économique. En attendant la Cour des comptes En attendant que cette réforme se matérialise, on ne peut qu'augurer du rôle central qui sera dévolu au conseil aux cotés d'autres institutions, elles aussi fraîchement renforcées dans leurs prérogatives. C'est notamment le cas de l'Instance centrale de prévention et de lutte contre la corruption, ou dans un autre domaine le Conseil national des droits de l'homme. En fait, une mouvance générale se dégage de ses initiatives successives qui tendent à ériger ses institutions en garde de fous incontournables contre d'éventuelles dérives. Au jeu des pronostics, on ne peut se poser la question de l'imminence de la réforme d'une autre institution aussi importante, la cour des comptes. Car pour que le champ de la régulation et du contrôle soit complet cette dernière devrait se voir renforcée à son tour. Mais, pour revenir au conseil de la concurrence, la réforme doit suivre son agenda et si le monarque a montré la direction, le gouvernement doit prendre le relais. Il pourra se baser sur la réforme de la loi 06-99 proposée, il y a quelques mois, par le conseil de la concurrence lui-même et élaborée avec l'aide du gendarme de la concurrence allemand. Abdelali Benamour avait même proposé de soumettre la nomination du président au vote du parlement pour éviter tout risque de rattrapage politique. Le chantier de cette réforme est donc entré dans une nouvelle étape, mais, les choses devraient se concrétiser rapidement eu égard au contexte de réformes générales dans lequel elle s'inscrit. Cependant, d'autres rappellent que les prérogatives ne font pas tout et que sans courage politique cela serait même inutile : «Nous avons demandé au conseil de la concurrence d'émettre un avis moral sur le conflit nous opposant à l'office national des ports. Après une procédure d'un an, il s'est déclaré incompétent ! Alors, il n'est pas si sûr que le renforcement de ses prérogatives changera grand-chose», déclare, septique, Noureddine Karim, président de l'association des fabricants d'aliments composés. Au-delà de ce cas spécifique, il est que le courage politique du conseil de la concurrence sera plus que nécessaire. Surtout, que la plupart des entreprises qui jouissent de positions dominantes dans leur secteur se trouvent dans le giron du holding royal... Interview avec Abdelali Benamour, Président du Conseil de la concurrence Les Echos quotidien : Vous demandiez une réforme du statut du conseil de la concurrence, vous l'avez eu, qu'est ce que cela va changer ? Abdelali Benamour : Le conseil de la concurrence passe d'un statut consultatif à un statut décisionnel. Il gagne aussi en indépendance vis-à-vis des autorités et pourra jouer à plein son rôle d'arbitre. Quid de l'auto saisine ? Sans le pouvoir de l'auto saisine, le conseil ne peut prendre aucune initiative. Actuellement, il faut demander au ministère des affaires économiques et générales qui n'a pas le même agenda, ni les mêmes priorités. Aussi, les choses trainent. Le modèle que nous souhaitons est celui des pays du nord, mais aussi les pays émergents. C'est donc une mouvance internationale et nous n'allons pas réinventer la poudre. Cela doit-il être inscrit dans la constitution ? L'économie de marché est inscrite dans la constitution à travers le principe de la liberté d'entreprendre. Or, toute économie de marché à besoin de régulation. Cela peut se faire à travers la loi ou la loi et un régulateur constitutionnalisé. Les libéraux orthodoxes peuvent penser qu'une loi suffit, mais nous pensons qu'il faut inscrire le principe de régulation dans la constitution. Qu'en est-il du pouvoir coercitif ? La sanction n'est pas notre principale raison d'être. D'ailleurs, nous vouons réduire les sanctions privatives de liberté et renforcer les sanctions pécuniaire. Notre rôle premier est celui d'accompagnateur des opérateurs et que le meilleur gagne. Toutes les autorités de concurrence ont dû faire face aux réticences et ont été attaqués par certains lobbys à leurs débuts. Mais, il faut faire face aux réticences en réaffirmant notre volonté de développer la démocratie économique. Aurez-vous les moyens de ces larges prérogatives qui vont être attribuées au conseil ? Pour l'instant, nous avons une culture et une équipe restreinte de 20 cadres performants. Il va de soi que ces prérogatives doivent aller de concert avec les moyens adéquats, surtout que notre mission comprend les dimensions économique et juridique. Il faut donc nous allouer un budget conséquent pour recruter de bons juristes et de bons économistes. Il nous faudra aussi un nouveau local, le terrain est déjà dans le pipe à travers la CDG, mais nous n'avons pas encore le budget qui va avec.