En renforçant ses prérogatives, le Conseil de la concurrence sera appelé désormais à jouer le rôle effectif de régulateur économique. Le renforcement des mécanismes de la bonne gouvernance et de moralisation de la vie publique est à l'ordre du jour. Après l'Instance centrale de prévention contre la corruption (ICPC), c'est au tour du Conseil de la concurrence d'entamer sa mise à niveau. SM le Roi Mohammed VI a donné, lundi 11 avril, ses Hautes instructions au gouvernement pour qu'il procède à la révision du cadre juridique régissant le Conseil de la concurrence. C'est ce qu'indique un communiqué du Cabinet royal rendu public suite à l'audience accordée par le Souverain à Abdelali Benameur, président de ce Conseil, au Palais royal de Rabat. Selon la même source, cette révision s'inscrit dans le cadre du renforcement de l'autonomie du Conseil présidé par M. Benameur et de l'élargissement de ses compétences, y compris celle de l'auto-saisine. Il est question également de permettre à cette instance de disposer des moyens humains et matériels nécessaires, et des mécanismes juridiques efficients dont elle a besoin pour qu'elle remplisse au mieux les prérogatives qui sont les siennes. Il s'agira, en outre, selon le communiqué, d'ériger cette instance en institution constitutionnelle à part entière, concrétisant ainsi les réformes profondes, institutionnelles et en matière de développement. Le Conseil de la concurrence qui a été réactivé en 2008 sera appelé désormais à jouer le rôle effectif de régulateur économique. En dotant ce Conseil de plus de moyens, M. Benameur arrivera-t-il à mettre de l'ordre dans le marché ? Les opérateurs économiques s'interrogent d'ores et déjà sur la capacité de ce Conseil à gérer les litiges économiques. La mission de cette instance ne sera pas facile. C'est dans ce sens que M. Benameur demande la constitutionnalisation du Conseil de la concurrence. Les missions attribuées à ce Conseil sont d'autant plus importantes qu'elles s'inscrivent dans le cadre des efforts déployés pour la mise à niveau de l'économie nationale et de l'amélioration de sa compétitivité. A cela s'ajoute le fait que la révision des statuts du Conseil de la concurrence intervient dans un contexte assez particulier marqué par le chantier de la refondation constitutionnelle ambitionnant de faire entrer le Maroc dans une nouvelle ère démocratique et de modernisation. Les limites imposées auparavant aux statuts du Conseil l'empêchent d'assurer pleinement les missions qui lui ont été assignées. D'ailleurs, selon le communiqué du Cabinet royal, Sa Majesté le Roi a souligné la nécessité «d'une opérationnalisation optimale du Conseil, pour qu'il puisse accomplir les missions qui lui sont dévolues, en particulier le contrôle des concentrations économiques, la création d'un climat propice à la concurrence loyale, la liberté d'entreprise, l'égalité des chances, la lutte contre l'économie de rente et contre les différentes formes de monopole et de privilèges indus, et ce, dans le cadre d'un dispositif institutionnel national cohérent de bonne gouvernance économique». M. Benameur a affirmé à la presse, à l'issue de l'audience que lui a accordée le Souverain, que la révision du cadre juridique régissant le Conseil de la concurrence dotera cette institution des moyens et mécanismes nécessaires pour remplir au mieux ses missions, en renforçant son autonomie et ses compétences d'auto-saisine. «Le renforcement de l'indépendance du Conseil, de son pouvoir décisionnel, d'enquête et d'auto-saisine permettra à cette institution de s'acquitter pleinement de sa mission», a déclaré M. Benameur, ajoutant que grâce à cette réforme, cette instance disposera des ressources humaines et matérielles appropriées et des mécanismes juridiques efficients dont elle a besoin pour qu'elle remplisse ses prérogatives. A noter qu'à l'occasion de l'audience accordée par SM le Roi à M. Benameur, le Souverain a rendu hommage aux efforts soutenus que déploie le président du Conseil de la concurrence depuis sa nomination à la tête de cette institution. Sa Majesté le Roi a réaffirmé, en outre, tout l'intérêt que porte le Souverain au renforcement du rôle important qui échoit à cette institution dans le raffermissement de l'Etat de droit dans le domaine des affaires, la mise à niveau de l'économie nationale, sa modernisation et la consolidation de sa compétitivité et de sa capacité d'incitation et d'attraction de l'investissement productif, susceptible d'accélérer le rythme de la croissance et de créer les opportunités d'emploi et les conditions d'une vie décente pour tous les citoyens, notamment les jeunes.
Abdelali Benameur : «Il faut constitutionnaliser le Conseil de la concurrence» ALM : Dans quel contexte intervient la révision du cadre juridique du Conseil de la concurrence ? Abdelali Benameur : Il faut savoir que nous avions demandé la révision du cadre juridique du Conseil en avril 2009, c'est-à-dire trois mois après l'installation du Conseil en janvier 2009. Puis nous avions envoyé le projet de révision du cadre juridique au Premier ministre, avant que l'autorité de concurrence allemande avec laquelle nous sommes jumelés fasse de même et appelle au renforcement des prérogatives du Conseil. Le Maroc est inscrit dans le contexte d'une économie de marché pour laquelle il a opté de manière constitutionnelle et où la liberté d'entreprendre se situe dans un marché globalisé. C'est ainsi que s'impose la régulation, puisque le corollaire de la liberté d'entreprendre est la concurrence. Et les règles de cette dernière doivent être respectées. Pour veiller à cela, les autorités de la concurrence doivent être indépendantes des pouvoirs publics et du monde économique. Qu'est-ce qui entrave les missions du Conseil ? On a été bloqué par l'actuel cadre juridique qui ne répond pas aux normes internationales. Ainsi nous n'étions que consultatif. Nous n'avions pas le pouvoir d'auto-saisine. Donc il fallait attendre des demandes d'avis. En deux ans, nous avons à peine reçu 25 demandes dont 10 non-recevables. Parce que le texte actuel exige que ce ne soit pas les entreprises qui fassent la demande mais qu'elles passent par le biais des associations professionnelles. On n'était pas totalement indépendant. Il y a aussi les membres qui, bien que brillants, viennent pour la plupart de l'administration et gardent des réserves sur divers dossiers. Que proposez-vous dans le cadre de ce projet de révision ? Le passage d'un statut consultatif à un statut décisionnel, le pouvoir d'auto-saisine et le pouvoir d'enquête sont les principaux points de notre projet de révision. Il faut que l'autorité puisse décider de sanctions éventuelles. Nous proposons de nouveaux critères de sélection pour les experts et les membres du Conseil dont les compétences, l'indépendance et l'éthique doivent être reconnues. Il faut aussi un renforcement de l'équipe. Le président doit être nommé par le Premier ministre mais validé par le Parlement. Faut-il constitutionnaliser le Conseil? Le Conseil de la concurrence doit être constitutionnalisé. Sinon le fait d'être régi par de simples textes de lois ne garantit pas sa complète efficacité. Il faut constitutionnaliser le Conseil de la concurrence. Dans ce sens, nous sommes en discussion avancée avec le ministère des Affaires économiques.