Le Maroc passe à l'acte de sa conquête en Amérique latine et l'OCP se positionne en chef de file dans cette offensive aux multiples enjeux. Le week-end a été l'occasion de mesurer l'ampleur de cette ouverture qui, certes, ne date pas d'aujourd'hui mais qui connaît actuellement une nouvelle dynamique. Du vendredi au dimanche, en effet, près de 500 personnalités du monde politique, économique et d'universitaires s'étaient réunis à Rabat pour prendre part à la deuxième édition du «Dialogue de l'Atlantique», une rencontre de haut niveau des dirigeants des secteurs public et privé des pays du bassin Atlantique. Organisée conjointement par le German Marshall Fund (GMF) des Etats-Unis et la fondation OCP, la rencontre qui se veut juste «un cadre d'échanges et une force de proposition d'idées» selon les mots modestement mis en avant, par le président de la Fondation OCP, n'a pas échappé au contexte actuel marqué par un positionnement stratégique du royaume au sein de la géopolitique internationale, dont la carte est en pleine reconfiguration. L'envergure que prend l'évènement illustre, à juste titre, cette nouvelle donne. «La réussite de la première édition et l'intérêt suscité auprès des partenaires sont si édifiants, que nous avons jugé pour cette seconde édition devoir faire les choses en grand», a déclaré aux Echos quotidien et en marge des travaux, Craig Kennedy, président du GMF. Le responsable américain n'a pas, en effet, tari d'éloges concernant l'envergure que prend le forum de Rabat, qui n'est pourtant qu'à sa deuxième édition. Pour Craig Kennedy, le «Dialogue de l'Atlantique» est assurément appelé à devenir un évènement majeur de l'agenda international, dans les prochaines années. Ce que confirme la présence à la rencontre d'importantes délégations de haut niveau en provenance d'Amérique du Nord et du Sud, des Caraïbes, d'Afrique, d'Europe et d'Asie, alors que l'année passée, pour le baptême de feu du forum, ils étaient moins d'une centaine. Parmi les personnalités présentes, on notait du côté marocain, celle de Mostapha Terrab (OCP), Mustapha Bakkoury (Masen), Amina Benkhadra (ONHYM), Assia Bensalah Alaoui (ambassadeur itinérant au cabinet royal), Aziz Mekouar (ancien ambassadeur du Maroc aux USA), et une palette de leaders d'opinions, acteurs de la société civile, hommes politiques et universitaires. Côté international, il faudrait signaler la présence remarquée, d'Abdoulie Janneh, secrétaire exécutif de la commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA), Alejandro Jara, directeur général adjoint de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), Yves Leterme, ancien premier ministre de Belgique et représentant l'Organisation pour le commerce et le développement économique (OCDE), Carter Ham, officier supérieur de l'US Africa Command ou le ministre de la Défense de la Lettonie, Artis Pabriks, et son homologue de l'Enseignement supérieur et de la recherche, porte-parole du gouvernement sénégalais, Serigne Mbaye Thiam. C'est surtout l'impressionnante délégation en provenance de l'Amérique latine, particulièrement, le Brésil ou le Mexique qui a illustré la dynamique de la relation entre le Maroc et la région. Il y avait là, et sans que la liste soit exhaustive, le secrétaire du commerce extérieur du ministère brésilien du Développement et de l'industrie, Tatiana Lacerda Prazeres, le conseiller principal du ministère des Relations extérieures du même pays, José Humberto de Brito et l'ancien ministre des Affaires étrangères du Mexique, Jorge Castaneda. Au cœur des travaux, bien évidemment, les groupes d'experts se sont penchés sur des questions interrégionales allant des questions sécuritaires aux questions économiques et de l'immigration à l'énergie, mais pour l'essentiel les débats étaient orientés sur les enjeux stratégiques et les opportunités que recèle le nouvel ensemble régional, qui est en train de se construire au niveau du pourtour de l'Atlantique. Enjeux économiques La rencontre de Rabat, «The atlantic dialogues», se voulait comme un cadre d'échanges et une plateforme de débats destinés à promouvoir et renforcer la coopération politique, socio-économique et culturelle entre les pays de ce vaste ensemble régional qui commence à émerger et au sein duquel le Maroc veut jouer un rôle de premier plan au service de ses intérêts. Coïncidence du calendrier, c'est de New York où se tenait l'assemblée générale de l'ONU et à laquelle assistait le chef de la diplomatie nationale, qu'ont été véritablement dévoilées les intentions de Rabat. Ce qui n'a pas manqué de donner à la rencontre un cachet particulier. Profitant de la tribune onusienne, le ministère des Affaires étrangères a réitéré les prétentions de Rabat sur l'Afrique mais également le pourtour atlantique, ce qui cadre parfaitement avec les nouvelles ambitions du royaume au niveau international. «Aujourd'hui plus qu'hier, notre espace Atlantique connaît des évolutions qui nous interpellent, mais recèle aussi des potentialités réelles de coopération et de partenariat», a déclaré Saad Eddine El Othmani, à l'occasion d'un déjeuner de travail consacré aux enjeux et perspectives de coopération entre les Etats africains riverains de l'Atlantique, auquel assistait une vingtaine de ministère des Affaires étrangères des pays africains riverains de l'Atlantique. Il faut noter que c'est à Rabat qu'a été lancé, en 2009, la conférence des Etats africains riverains de l'Atlantique, qui regroupe actuellement 23 pays. L'initiative constitue donc une porte d'entrée pour le Maroc dans le cadre plus vaste du pourtour de l'Atlantique, qui recèle d'importantes potentialités de développement et constitue un créneau porteur pour le Maroc. Le ministre a reconnu, d'ailleurs, que “l'espace Atlantique africain est une région de défis mais également de potentialités réelles de coopération et de partenariat? L'espace abrite en effet 46% de la population africaine, concentre 55% du PIB africain et réalise 57% du commerce continental. Au cours de la conférence de Rabat, il a été en effet beaucoup question du rôle que joue le Maroc sur le continent africain, qui aiguise aujourd'hui tous les appétits des nations développées certes, mais aussi émergentes comme le Brésil. Au delà donc des enjeux politiques, le Maroc entend jouer un rôle majeur sur le plan international et ne cache pas ses ambitions économiques car plus que tout, c'est de cela qu'il s'agit. Les discussions et les débats entre acteurs marocains et leurs homologues ont tous convergé vers le modèle brésilien de développement qui peut servir d'expérience pour des pays comme le Maroc. D'ailleurs, plusieurs experts ont noté le partage de certains défis entre le Maroc et certains pays d'Amérique latine : emploi, croissance, chômage des jeunes et défis urbains, autant d'aspects où les pays d'Amérique latine disposent d'une réelle expertise en matière de prise en charge. Cependant au delà de toutes ces considérations, le principal enjeu pour le Maroc, c'est de prendre pied au sein du marché sud américain, une conquête qui a déjà fort bien commencé avec la présence de l'OCP dans la région et qui est appelée à se renforcer avec la nouvelle dynamique désormais portée par une volonté politique, que partagent les responsables des deux cotés. «Nous voulons servir de force de proposition» Mohamed Belmahi, Président de la Fondation OCP. Les Èchos quotidien : Quelle est la nature et quels sont les véritables enjeux de ce forum qui réunit différentes personnalités provenant de pays aux spécificités assez diverses ? Mohamed Belmahi : L'enjeu principal de ce forum est de réfléchir sur les voies et moyens permettant d'accompagner la nouvelle ère de prospérité qui émerge dans cette région du pourtour méditerranéen. Le défi, c'est d'arriver à instaurer les bases d'une nouvelle réflexion afin de renforcer la coopération entre l'Atlantique Nord et Sud. Nous voulons à ce titre servir de force de proposition vis-à-vis des décideurs politiques et économiques, de manière à impulser une dynamique qui servira à promouvoir les échanges entre les pays de la région. Au-delà des enjeux politiques, quels sont les enjeux pour le Maroc, notamment sur les aspects économiques ? Il faut le reconnaître s'agissant du Maroc, cette orientation comporte de multiples enjeux. Cette zone a un potentiel énorme pour tous les pays et particulièrement pour le Maroc, nous pensons qu'il y a là un réel relai de croissance et de véritables facteurs de développement. Il faut noter que dans le cadre de ces échanges, nous mettons l'accent sur les défis, d'ailleurs communs, notamment l'emploi, l'éducation ou les enjeux urbains. Aussi pour l'OCP, en cette ère où la sécurité alimentaire est devenue une priorité mondiale, surtout pour les pays de l'Afrique qui disposent du plus grand potentiel en termes de terres arables, l'expertise du Brésil en la matière peut nous servir dans le cadre de l'appui que nous voulons apporter à nos frères africains. Justement vu l'étendue du pourtour atlantique, quel rôle peut jouer le Maroc dans l'émergence de ce nouvel ensemble multirégional ? De part son positionnement géostratégique et les liens historiques et socioculturels qui le lient à plusieurs pays du pourtour atlantique, le Maroc est le pays par excellence qui peut servir de trait d'union au renforcement de cette coopération. Nos relations avec l'Amérique latine ne datent pas d'aujourd'hui et sont appelées à s'intensifier davantage dans le sillage de la dynamique actuelle. S'agissant de l'Atlantique Nord, nous avons déjà un capital assez considérable, rien qu'au regard de nos liens avec l'Espagne, le Portugal ou les autres pays. C'est le même cas vis-à-vis de l'Afrique où la présence du royaume et plus particulièrement des entreprises marocaines prend actuellement un essor considérable. Quand vous prenez tous ces éléments et que vous les ajouter au fait que le Maroc fait également partie du grand ensemble arabe, vous conviendrez avec moi que le royaume est l'un des pays qui est appelé à jouer un rôle important dans le cadre de la construction de cet ensemble. Dixit... Alors que toutes les données et les faits confirment que l'Afrique est la nouvelle zone émergente, les politiques et les stratégies commerciales des pays du nord la considèrent encore comme un problème et non pas comme une opportunité Mostafa Terrab, pdg du groupe OCP. Si vous considérez le dynamisme du développement économique en Afrique au cours des dernières années, vous constaterez que la Chine y a joué et y joue un rôle très positif, c'est la même chose avec le Brésil qui a également une présence accrue en Afrique, sans que cela soit une compétition. Nous pensons donc que tous les pays, comme le Brésil et la Chine, le Portugal, les Etats-Unis, ont la possibilité de collaborer avec les pays africains pour faire face à des problèmes concrets, ce qui fait qu'il est prudent et nécessaire d'abandonner l'idée de compétition. Jose Humberto de Brito Cruz, conseiller principal, ministère brésilien des Affaires étrangères. Cette manifestation est la première de ce que nous espérons voir devenir une rencontre annuelle de la communauté transatlantique, unie par les défis et possibilités communes et non pas divisée entre Nord et Sud. L'objectif vers lequel converge tous les intérêts, tant politiques qu'économiques, est d'inaugurer une nouvelle ère de prospérité pour la région et en ce sens, la rencontre de Rabat se veut un cadre destiné à poser les jalons d'une nouvelle vision dans le cadre de cette coopération qui prend forme et qui est à l'avantage de l'ensemble des nations concernées. Craig Kennedy, président de GMF.