Jamais, au grand jamais, aucun rapport n'a été aussi prolifique en satisfecit, surtout ces dernières années, pour le Maroc que le Doing Business dans le monde arabe 2012. En faisant du Maroc l'élève régional par excellence du monde arabe en termes de réformes économiques, le rapport régional, le 4e du genre de la Banque mondiale et de l'IFC, lancé hier mardi à partir de Casablanca, conforte la dynamique marocaine d'amélioration de l'environnement des affaires, entamée sous l'ère El Fassi et maintenue par l'actuel gouvernement Benkirane. Si le classement pays du Maroc, à lui seul, illustre cette performance, l'impact des réformes entreprises ces deux dernières années a été l'argument le plus parlant du chemin parcouru par le Maroc et augure de nouvelles perspectives pour le climat des affaires. Le Maroc a, en effet, gagné 21 places au classement général et se positionne, désormais, à la 8e place dans le monde arabe. Selon le constat dressé par les experts qui ont passé au crible et comparé les réglementations relatives aux entreprises, en mettant en relief les bonnes pratiques à travers le monde arabe, «Le Maroc a le plus amélioré la réglementation des entreprises par rapport à d'autres économies au plan mondial, progressant de 21 places au classement». L'amélioration enregistrée par le Maroc «découle des mesures concrètes prises par les autorités en vue de faciliter l'exercice des activités des entreprises nationales», complète le rapport. Ces réformes ont concerné, particulièrement, trois domaines : l'obtention du permis de construire, la protection des investisseurs et le paiement des impôts, a déclaré Joyce Ibrahim, l'un des auteurs du rapport. Plus globalement, le point positif qui a valu au Maroc les bons points du Doing Business couvre la facilitation de la création d'entreprise, à travers notamment l'accès aux renseignements sur la réglementation et à l'administration en ligne. Performance confirmée La performance qu'enregistre le Maroc et qui se confirme sur les deux dernières années, prend une autre signification dans le contexte actuel, qui fait suite au printemps arabe. Le royaume a ainsi pu tirer son épingle du jeu, dans une conjoncture économique et financière des plus difficiles et marquée par une rude concurrence que se livrent la plupart des pays de la région, destinée à renforcer leur compétitivité et à attirer plus d'investisseurs internationaux, afin de servir de levier de croissance et de vivier d'emplois durable. Selon les auteurs du rapport, suite aux évènements sociopolitiques qui ont affecté la région en 2011 et face à l'impact de la crise économique mondiale, 13 des 20 pays de la région se sont fait remarquer par les réformes réglementaires mises en oeuvre et visant à améliorer l'environnement des affaires pour les entrepreneurs locaux. Il s'agit, dans le détail, de 20 réformes parmi les plus significatives, adoptées entre juin 2010 et mai 2011. La palme d'or des réformes est revenue au Maroc, qui a été «le plus actif en encourageant l'entrepreneuriat par le biais d'une série de réformes réglementaires». Le pays a ainsi mis en place un guichet unique «pleinement opérationnel pour l'obtention des permis de construction, a assoupli la procédure administrative en charge des payements d'impôts pour les entreprises et amélioré le dépôt électronique et le paiement des impôts pour les sociétés comme l'impôt sur le revenu ou la TVA», liste le document, qui prend en compte également l'adoption d'une nouvelle loi modifiant les règles régissant les procédures commerciales. Stratégie payante Au delà des bonnes notes qu'a recueillies le Maroc, l'édition régionale du Doing Business 2012, qui complétera le classement général, conforte la stratégie marocaine de faire de l'amélioration du climat des affaires un axe prioritaire de la restructuration de son économie. Le cycle a été entamé depuis plusieurs années, ont souligné les experts de la Banque mondiale et de l'IFC, qui ont noté avec satisfaction que «ces réformes viennent dans le cadre d'un vaste programme du gouvernement visant à intensifier les efforts du pays pour améliorer le environnement des affaires». Il s'agit notamment de la mise en place, depuis 2008, d'un mécanisme public-privé de coordination, qui à son tour a conduit à la création du Comité national pour l'environnement des affaires (CNEA), une plate-forme la période 2012/2013 (www.lesechos.ma). À cela s'ajoute la réglementation en cours, en ce qui concerne l'aspect juridique, à travers le lancement du dialogue national sur la réforme de la justice. C'est ce volet qui reste encore le plus en friche, comme il apparaît dans la notation pays en fonction des différents critères. Plus généralement, a estimé Augusto Lopez-Claros, directeur du département des indicateurs mondiaux et des analyses du groupe de la Banque mondiale, «les efforts de réforme sont presque exclusivement axés sur la simplification des processus de réglementation ». Pour le spécialiste, ceci est certes important, mais pas suffisant. «Pour appuyer les entreprises locales, les gouvernements arabes doivent aussi s'employer à renforcer leurs institutions juridiques», a souligné Lopez-Claros. Selon les indicateurs de la Banque mondiale, en moyenne les entreprises dans le monde arabe doivent attendre environ 650 jours pour l'exécution d'un contrat par l'intermédiaire du tribunal, «le troisième plus long délai au plan mondial, tandis que la résolution de la problématique de l'insolvabilité dans les économies arabes est l'une des plus difficiles. De nouveaux axes d'action en somme, pour le Maroc... dont la principale spécificité est de servir de tremplin de dialogue périodique, rassemblant les principales parties prenantes autour d'un programme commun. C'est ce que met, d'ailleurs en exergue le Doing Business 2012, qui statue sur le fait que «le succès du CNEA est dû en grande partie à l'efficacité de coordination inter-institutions». La publication de ce rapport intervient d'ailleurs et fort opportunément, une semaine presque après la dernière réunion du CNEA, qui s'apprête à lancer un nouveau plan d'actions couvrant La griffe Baraka Si, comme on a coutume de le dire, derrière chaque réforme, réussie ou ratée, se trouvent des hommes, celle sur le climat des affaires porte indéniablement l'empreinte de Nizar Baraka. L'actuel ministre de l'Economie et des finances a été, en effet, le maître d'oeuvre de la mise en oeuvre de ce vaste chantier qu'il a chapeauté sous l'ancien gouvernement de Abbas El Fassi, au temps où il était en charge des Affaires économiques et générales. C'est lui qui a, activement, coordonné le dialogue public-privé ayant conduit à la mise en place du CNEA. À cette époque, il s'était assigné comme principal objectif de glaner plusieurs points dans le classement Doing Business, alors que le Maroc dégringolait d'année en année. En coordination avec plusieurs institutions internationales, principalement l'OCDE et la Banque mondiale, Nizar Baraka a assisté à la mise en oeuvre des premières réformes ayant permis au Maroc de commencer à remonter la pente à partir de 2011. Il est vrai qu'il vient de passer le relais au nouveau chef d'orchestre, Mohamed Najib Boulif, actuel ministre délégué chargé de la gouvernance et des affaires générales, mais continuera à suivre le dossier de près, comme en atteste le projet, actuellement en phase d'élaboration, de réformes des marchés publics et de promotion des PME. D'ailleurs, à en juger par ses premières actions, Najib Boulif s'aligne sur la même tendance. Il vient, à ce titre, de signer plusieurs conventions avec l'OCDE pour la poursuite du vaste chantier d'amélioration du climat des affaires. La sollicitation dont Baraka a fait l'objet lors de la présentation du rapport 2012 n'a été, in fine, qu'une manière de rendre à César ce qui lui appartient...