Les craintes se maintiennent. La Food and agriculture organization (FAO) vient d'émettre une nouvelle note d'alerte, la semaine dernière, sur les perspectives déficitaires des récoltes céréalières de la campagne agricole actuelle au Maroc, ainsi que sur les impacts que cette situation devrait provoquer sur le court terme. Ces derniers pourraient se manifester à travers une augmentation exceptionnelle des importations céréalières du royaume, pour satisfaire la demande intérieure, aussi bien en qualité qu'en quantité. «Compte tenu des prévisions de récoltes 2012, les importations devraient fortement repartir à la hausse, lors de la campagne de commercialisation de juin 2012 à mai 2013», explique-t-on dans la note de l'organisme international. L'institution insiste de plus sur le fait que «la récolte de céréales d'hiver au Maroc devrait être durement touchée par les conditions météorologiques». Les cultures ont subi un manque de précipitations en novembre dernier, puis des températures inhabituellement basses en février. De plus, les pluies des derniers jours ne devraient pas peser en faveur d'un renversement de la situation agricole. Un diagnostic qui rejoint celui des producteurs locaux, notamment ceux regroupés au sein de la Fédération de l'interprofession céréalière (FIAC). Ceux-ci ne s'attendent plus à grand miracle. «Le début de la saison a été ratée. Difficile de rattraper le coup avec les dernières pluies», déplore cet exploitant, membre de la FIAC. Les céréaliers sont quasi unanimes sur un autre point: les récoltes de la campagne actuelle devraient chuter de près de 50% par rapport à l'année dernière. Elles devraient à peine pouvoir aller au-delà de la barre des 25 millions de quintaux, dans le scénario optimiste. Il faut savoir que la note d'alerte de la FAO n'est pas exclusive. En milieu du mois dernier, un autre rapport du Département d'Etat américain pour l'agriculture (USDA), insinuait la même donne. L'institution publique américaine a avancé des prévisions d'importations marocaines de blé tendre de plus de 5 millions de tonnes pour la campagne de commercialisation 2012-2013, contre 3,2 millions de tonnes en 2011-2012. «Le Maroc reste l'un des plus grands importateurs de céréales du monde, ce marché devrait être très concurrentiel sur la prochaine campagne de commercialisation», note-t-on ainsi dans le rapport pays de l'USDA, ce qui avance des perspectives alourdissant, aussi bien la subvention publique sur les céréales, que la dépendance – plus exacerbée que jamais – aux importations, provenant des marchés internationaux. Les prix grimpent Pour le premier aspect, il ne s'agit plus certes d'une nouveauté : la Caisse de compensation sera la plus touchée par cette nouvelle donne, laquelle est déjà bien malmenée par les produits pétroliers. Cela est d'autant plus évident qu'une autre nouvelle mise en garde de la FAO, concernant les cours mondiaux appliqués aux céréales, dénote une tendance haussière. L'indice mensuel des prix des céréales établi par l'organisme international a en effet gagné 1 point depuis février, s'établissant de ce fait à 227 points. Si les cours du blé ont relativement stagné - les approvisionnements restant abondants - le maïs a, quant à lui, quelque peu progressé à la faveur du faible niveau des réserves et de la fermeté du marché du soja. Pour le second aspect, c'est la France qui devrait profiter le plus des perspectives déficitaires de la récole céréalière. «Le marché français des exportations est bien positionné pour répondre à la demande marocaine, puisque nous couvrons déjà en moyenne de 50 à 70% des besoins du Maroc en blé» explique Yann Lebeau, responsable du bureau Casablancais de France Export Céréales. Ce dernier n'aura pas de mal à écouler ses prochains épis sur le marché local, pour la campagne de commercialisation 2012-2013. Sur le marché local, du côté de la Fédération des importateurs de céréales, la réactivité a été moins évidente. Importez...vous êtes surveillés Le président de cette structure, Ahmed Haddaj, n'avait pas encore donné suite à nos tentatives pour recueillir ses commentaires. Quoi qu'il en soit, ces derniers peuvent espérer encore surfer sur la prolongation de la suspension des droits de douane applicable à l'importation de blé tendre et de blé dur jusqu'au 30 avril 2012, et décidée par le gouvernement à la mi février dernier. L'Office national interprofessionnel des céréales et légumineuses, n'a encore formulé aucune prévision officielle dans ce sens, mais le recours massif aux importations est quasi évident, et l'on semble même s'y préparer. Une nouvelle mesure de Déclaration préalable aux importations (DPI) est en vigueur depuis février. Il s'agit d'une nouvelle circulaire imposant une déclaration initiale pour les opérations d'importations ou d'exportations de céréales, de légumineuses, ainsi que de leurs produits dérivés. La structure publique parle de «suivi de l'approvisionnement du pays» et de «renforcement du système d'information sur les importations et les exportations de ces denrées et de leurs dérivés». Le message est clair : Importez...vous êtes surveillés. Conjoncture sereine... pour le moment Depuis le début de la campagne de commercialisation 2011/2012, l'Onicl (Office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses) affiche un cumul de 36 millions de quintaux au compteur des importations de céréales. Ces dernières sont constituées, pour près de la moitié, par le blé tendre, soit un volume de quelque 16 millions de quintaux. Ce chiffre est en légère régression par rapport au volume relevé à la même période, lors de la campagne précédente, qui s'était établi à près de 20 millions de quintaux. Le total des importations suit la même tendance avec un léger recul et une variation de près de 10% toujours à la même date, sur la campagne 2011-2012. Il faut dire que cela est la conséquence de l'état actuel des stocks céréaliers. Celui du blé tendre, principale céréale consommée au Maroc, à fin février 2012, est de l'ordre de 14,3 millions de quintaux, couvrant près de 4 mois des besoins de la minoterie industrielle. La collecte de blé tendre de la récolte 2011 a en effet atteint, à fin février 2012, 22 millions de quintaux (Mqx), selon les dernières actualisations de l'Onicl. Sur cette quantité, il a été utilisé par voie d'appels d'offres, près de 42% de blé tendre, pour l'achat destiné à la fabrication des farines subventionnées.