La question habituelle de la direction du taux directeur revient à l'approche de chaque conseil de Bank Al-Maghrib. Actuellement fixé à 2,25%, celui-ci donne une lecture de la situation du coût des crédits, et par conséquent du coût de la vie. Pour certains analystes, ce taux pourrait connaître une augmentation durant les prochains exercices. Pour d'autres, celui-ci devrait rester inchangé. Mais avec l'éventuelle mise en place du régime de change, la donne pourrait changer d'ici-là... Augmentera, augmentera pas ? Quelle direction prendra le taux directeur ? La question est actuellement sur toutes les lèvres. Les hypothèses des différents acteurs du marché vont bon train en attendant le Conseil de Bank Al-Maghrib sur la politique monétaire. Le verdict tombera ainsi ce mardi 19 décembre au siège de la Banque centrale. Une préoccupation qui a été rapportée récemment par le cabinet BMI Research, filiale de Fitch Group. Selon ce dernier, BAM pourrait entrer dans une phase de resserrement monétaire à partir de 2018. Par conséquent, le taux directeur -actuellement fixé à 2,25%- pourrait subir une hausse de 0,25 point en 2018 ainsi qu'en 2019. Pour les experts de BMI Research, il s'agit là -essentiellement- des effets de l'augmentation des taux d'intérêts de la Fed. En effet, la Banque centrale américaine a rehaussé ses taux d'un quart de point pour la troisième fois de l'année. Ceux-ci ont été relevés pour s'établir dans la fourchette de 1,25% à 1,50%. Du coup, le coût des emprunts augmente deux fois plus sur la même période. Du côté de la devise, le dollar connaîtra sa première hausse des taux depuis plusieurs décennies. Du coup, les positions spéculatives à l'achat sur le dollar sont de plus en plus importantes, les marchés anticipant un resserrement monétaire de la Réserve fédérale. Et les prises de profit -plus ou moins- massives sur le dollar génèrent souvent des turbulences. Le comportement du billet vert dépend aussi de la communication de la Fed autour de sa décision, et tout manque de clarté est souvent sanctionné par les marchés sous la forme d'un regain de volatilité, pour les monnaies émergentes notamment. Pour les matières premières, celles-ci ont eu tendance à enregistrer de bonnes performances lors des précédents cycles de resserrement de la Fed. L'évolution du billet vert joue ici aussi un rôle prépondérant vu que la plupart des matières sont libellées en dollar. Celui-ci devrait rester fort sur la même période. Rendant les emprunts plus onéreux et le dollar plus fort, le Maroc devrait trouver une solution pour contenir les sorties de devises et atténuer les pressions sur la parité. C'est ainsi que les analystes outre-Atlantique anticipent le fait que Bank Al-Maghrib pourrait relever à son tour son taux directeur. Or, pour d'autres analystes (de Standard and Poor's), le discours est beaucoup plus conciliant. «Les réductions successives et substantielles de BAM de son ratio de réserves obligatoires ont contribué à atténuer l'abondance de liquidités sur le marché intérieur et assurer un financement adéquat de l'économie... Le taux directeur actuel permet donc de conduire convenablement une politique monétaire accommodante pour l'économie marocaine», relèvent-ils. Et d'ajouter que le crédit à l'économie continuera de croître à un rythme modéré au cours des prochaines années alors que l'inflation devrait rester faible (une moyenne de 2% sur la période 2017-2020, contre 1,6% en 2016). D'ailleurs, c'est l'évolution du coût de la vie qui divisent les différents analystes. Si, pour BMI Research, le regain de l'inflation en 2018 (plus de 2,1%) et le redressement de la croissance économique pourraient justifier un resserrement monétaire de Bank Al-Maghrib, le Fonds monétaire international (FMI) est d'un tout autre avis. Le FMI a émis un avis favorable sur l'économie marocaine. L'institution s'est montrée globalement satisfaite des réformes menées par la Banque centrale. L'économie marocaine devrait clôturer 2017 avec 4,4% de croissance et une inflation de 0,6%. L'institution s'attend à ce que le pays atteigne un taux de croissance de 4,5% en 2021, tout en prévenant les autorités sur les risques qui la guettent, notamment la volatilité des marchés financiers mondiaux. D'ailleurs, le Conseil exécutif du FMI a félicité les autorités marocaines pour «les politiques macroéconomiques saines et la mise en œuvre des réformes qui ont contribué à améliorer la résilience de l'économie marocaine, à améliorer les cadres de politique budgétaire et financière ou encore à accroître la diversification économique». Le fonds a par ailleurs salué la reprise de l'assainissement budgétaire par Bank Al-Maghrib, qui devrait assurer la viabilité de la dette. Pour les experts du FMI, cette politique monétaire «accommodante» menée par la Banque centrale devrait lui permettre de poursuivre le recouvrement des créances. La décision de Bank Al-Maghrib de réformer son régime de taux de change a été également saluée par l'institution qui estime qu'un «taux de change plus flexible et un nouveau cadre de politique monétaire aideront l'économie à absorber les chocs externes et à rester compétitive». Du côté d'Euler Hermes, le taux d'inflation au Maroc devrait reste faible et ainsi s'établir à 1,5% l'année prochaine. Au Maroc, lors du Conseil de la Banque centrale en septembre dernier, les prévisions de l'inflation étaient établies à 0,6% sur l'ensemble de l'année 2017, avant de s'accélérer à 1,3% en 2018. La possibilité d'une hausse du taux directeur a également divisé plusieurs professionnels de la place marocaine. «Fitch a raison, la Banque centrale avait longtemps gardé son statut quo concernant le taux directeur et l'a même abaissé ces derniers temps. Aujourd'hui, il est temps de le relever un peu», souligne cet économiste. Avant d'ajouter que «des ajustements sont désormais nécessaires au vu des conditions de marché actuelles et de la situation économique favorable du pays». Pour Mehdi Fakir, expert comptable et économiste, rien ne justifierait cette hausse des taux: «Une décision comme celle-là ne donnera pas de signal positif au marché. Fitch sous-entend que le Maroc a un problème d'inflation en faisant cette suggestion. Or, les conditions de marché actuelles sont au beau fixe. De toute façon, le régulateur est là pour maintenir les équilibres». Même son de cloche pour plusieurs économistes qui trouvent que la hausse du taux directeur pour les prochains mois serait un jeu «très» dangereux pour le Maroc. À moins que la réforme du régime de change soit mise en place prochainement. Au final, le fin mot de l'histoire revient à la Banque centrale qui donnera sa lecture demain, lors de son dernier conseil de l'année. Pour l'heure, la situation du crédit ne cesse de s'améliorer. Les banques ont évolué dans un contexte un peu plus favorable pour la distribution de crédit. La demande s'est aussi redressée. L'encours des crédits octroyés a affiché une amélioration de 5,2% à fin octobre pour s'élever à 832,1 MMDH. La plus forte hausse des encours a été observée au niveau des prêts à l'équipement (+13,6%) atteignant à fin octobre les 166,36 MMDH. Les crédits à la consommation ont également progressé sur les dix premiers mois de l'année en cours. Leur encours est évalué à 50,85 MMDH, soit une progression de 4,5%. Les crédits immobiliers ont pour leur part affiché une amélioration de 4,1%. Le montant alloué est de 257,7 MMDH. De cet encours, les crédits à l'habitat représentent 195,72 MMDH, en amélioration de 4,6%. De même, les crédits alloués aux promoteurs immobiliers ont grimpé de 3%, atteignant ainsi les 59,72 MMDH.