Conseil de la région, CRI, Chambre de commerce et d'industrie, CGEM régional, tous ont croisé leurs idées pour booster l'investissement et la création d'emplois dans la région. Celle-ci, quand bien même riche, souffre encore d'un taux de pauvreté des plus hauts au Maroc et de nombre d'inégalités. La dernière étape de la caravane régionale du quotidien Les Inspirations ECO a tenu toutes ses promesses. Tenue vendredi dernier dans le Conseil régional de Rabat-Salé-Kénitra, la symbolique du lieu et la qualité du débat ont permis de faire ressortir les maux qui taraudent la région et les solutions possibles. Sans langue de bois, un état des lieux a été dressé permettant de défricher le terrain pour une réflexion publique-privé sur les meilleurs moyens de booster le développement de cette grande région car à y regarder de plus près, l'on découvre des vérités insoupçonnées comme le fait que la région représente 16% du PIB national, soit 142 MMDH et qu'elle soit la deuxième après la région de Casablanca en matière de création de richesses. Ce que l'on ne savait pourtant pas, c'est que malgré toute cette aura et cette richesse, le taux de pauvreté à Rabat-Salé-Kénitra dépasse de loin celui national (8,9%) avec 13,3%. Un chiffre qui comme l'a souligné Samir Chaouki, directeur de la rédaction des Inspirations ECO, interpelle aujourd'hui tous les acteurs de la région. Il l'a qualifié de situation contradictoire ni catastrophique ni prospère pour laquelle intensifier l'investissement est le seul remède pour mieux approcher les inégalités au sein de ce territoire. Transfert des prérogatives : comment prendre son mal en patience Mais il faut dire que la région comme toutes les autres a du plomb dans les ailes en l'absence d'un transfert effectif des prérogatives. Abdessamad Sekkal s'est fait un point d'honneur à mettre en relief cet handicap. Le président de la région ne demande pas moins qu'une feuille de route claire pour le transfert des prérogatives qui pourtant figurent noir sur blanc dans la Constitution. Il s'agit notamment de la formation professionnelle, de la politique de l'emploi, du transport régional..., la liste est loin d'être exhaustive. Toutefois, la région n'est pas restée les bras croisés. Elle vient de finaliser son plan d'action sur les 6 années de l'actuel mandat en matière de soutien de l'entreprise avec un budget de 7 MMDH dans lequel la région participe à raison d'1MMDH. C'est plus un rôle de levier qu'elle joue à ce niveau pour lever des fonds car le rôle de la région est justement de faciliter l'investissement en collaboration avec le Centre régional d'investissement, en mettant en place des structures dédiées d'accueil et de d'accompagnement des porteurs de projets. Il incombe aussi à la région de faciliter l'accès aux marchés aux entreprises, surtout les TPME et d'encourager la recherche appliquée en partenariat avec l'université. Il est vraiment regrettable que la région rafle 70% des brevets d'invention dans le pays et que les secteurs publics comme privés n'en profitent pas. Des potentialités insoupçonnées La région regorge de potentialités que peu de Marocains connaissent. Elle est la deuxième région agricole après celle de Casablanca avec un excédent en eau d'irrigation alors que d'autres zones agricoles du pays souffrent de la pénurie hydrique. Les pronostics l'érigent en première position dans quelques années seulement. Elle est aussi une région industrielle en pleine expansion grâce à des zones et parcs industriels comme Technopolis, la Free zone de Kénitra, la zone de Ain Johra, de Ain Atiq, de Bouknadel, Sidi Taybi, sans oublier la dynamique que connaît aussi la zone industrielle de Tamesna. La région se distingue aussi par la facilité d'accès au foncier et une main-d'œuvre qualifiée contrairement à d'autres régions devenues saturées. Autant d'avantages concurrentiels qui en font une destination de choix pour les capitaux. Dans le tourisme, un secteur transversal par excellence, tout reste à faire, souligne Sekkal, malgré l'avancée considérable réalisée ces dernières années. S'ajoute au chapelet des défis, une dynamique d'urbanisation accélérée qui empiète sur les terres irriguées et la nécessité plus que jamais d'une nouvelle approche territoriale. Pas moins de 9.000 hectares de zones d'irrigation ont été ainsi perdus en 20 ans. Territorialisation de l'action publique Autant cette dimension de gestion du territoire taraude les responsables de la région, autant elle offre des possibilités pour se projeter dans l'avenir. Sur ce registre, trois défis majeurs s'imposent, à savoir comment élever la valeur ajoutée par secteur, offrir du travail à un maximum d'habitants de la région notamment dans les activités génératrices de revenus et enfin garantir un développement durable respectueux des générations à venir. Le conseil de la région, prenant la balle au bond, a confié cette mission de faire remonter les attentes à un cabinet d'études. Ce travail de diagnostic consiste à chercher aussi les moyens à même d'augmenter l'efficience des politiques sectorielles à travers ce qu'on appelle la territorialisation de l'action publique. Le Conseil de la région de Rabat-Salé-Kénitra veut également se distinguer en apportant des solutions aux problématiques qu'aucune autre structure publique ne traite. À titre d'illustration, le conseil a remarqué que l'offre d'emploi prend uniquement en compte les diplômés alors que les analphabètes peinent à devenir actif dans un marché du travail de plus en plus concurrentiel. La région en collaboration avec l'Anapec a mis en place un programme d'insertion de cette catégorie de chercheurs d'emplois qui s'étale sur toute la durée du mandat. La création d'entreprises au top En matière de création d'entreprises, la région tire bien son épingle du jeu, voire fait beaucoup mieux que d'autres. Rien qu'en 2016, le CRI a recensé 6.539 création d'entreprises, que de chemins parcourus depuis 2003 où l'on ne comptait que 1.500 certificats négatifs. Selon Imane Masmoudi, responsable de la division de la coopération et de la promotion au CRI, 85% des créations d'entreprises dans la région concernent le commerce et les services. «En 2016, nous avons enregistré 11,5 MMDH d'investissements qui se sont faits à travers le CRI et qui ont débouché sur la création de 24.614 emplois», explique la responsable. Le Centre vient de mettre en place un système d'information innovant (rabat.eregulations.org) en partenariat avec le CNUCED qui vise plus de transparence et de proximité avec les porteurs de projets et investisseurs nationaux et étrangers. Ces deniers veulent plus qu'une simplification des procédures de création, un vrai accompagnement qui montre là où il faut investir avec des études d'impact et de faisabilité. Dans cette dynamique, Masmoudi a souligné qu'un appel à projet vient d'être lancé concernant un parc industriel de 11 hectares dans la ville de Tamesna. Pour sa part, Imad Berrakad, vice-président général de CGEM régionale, a attiré l'attention sur le fait que la création d'entreprises dans la région doit être canalisée dans une approche volontariste de l'investissement. Pour lui, la région et tous les partenaires en matière de promotion de l'investissement doivent garder à l'esprit les quatre F que sont le foncier, la fiscalité, la formation et le financement bancaire. Aujourd'hui, il y a 250 entreprises à Rabat qui réalisent chacune un chiffre d'affaires de plus de 50 MDH. Une masse critique qui est en train de changer complètement l'image de Rabat, ville administrative. La CGEM régional focalise, par ailleurs, sur l'importance de l'accompagnement à l'export et sur les incitations fiscales sans lesquels le rythme de l'investissement resterait atone. Besoin d'une meilleure synergie Abdellah Abbad, président de la Chambre de commerce et d'industrie de la région Rabat-Salé-Kénitra, a mis en avant le rôle du centre de médiation et d'arbitrage qui fait un travail sérieux de résolution des conflits, mais qui n'est pas très connu. Il a aussi mis le doigt sur les tensions sociales et l'abus de débrayages qui compromettent la continuité de plusieurs entreprises dans la région. Pour lui, comme il faut préserver les droits des travailleurs, il est primordial de protéger l'entreprise contre l'excès des mouvements sociaux. La Chambre a montré beaucoup de volonté et de disponibilité pour prêter main forte au Conseil régional en matière d'encouragement de l'investissement. Justement, la caravane des Inspirations ECO a eu l'avantage de faire remonter à la surface ces volontés cachées qui travaillent isolées et qui cherchent aujourd'hui à être utiles à la communauté. La recommandation phare de la Chambre est de mettre en place une entité qui chapeaute la promotion de l'investissement au lieu de rester éparpillée entre les différents départements sectoriels. Le responsable a également mis en avant le problème des taxes locales dans la région qui sont parmi les plus chères au Maroc. Sans oublier ces parcs industriels qui employaient des milliers de personnes, lesquels sont aujourd'hui en friche et représentent une source d'insécurité pour les riverains. La situation de certaines zones industrielles n'est pas non plus reluisante. Masmoudi a relevé à ce niveau les difficultés d'entamer une mise à niveau de ces zones en l'absence de l'adhésion des associations censées représenter ces structures d'accueil des entreprises. Quant au financement, l'idée de banques régionales est revenue dans les propos des représentants du secteur privé. C'est la seule manière de mieux cerner les spécificités économiques de la région et de répondre aux besoins en financement en y tenant compte. En tout cas, la région se penche sur le projet d'un fonds régional de garantie qui viendrait en appoint de la Caisse centrale de garantie pour faciliter l'accès au financement bancaire aux TPME. Comment mieux s'intéresser au plan de développement régional ? Le président de la région de Rabat-Salé-Kénitra a jeté la lumière sur le Plan de développement régional qui, selon lui, doit être pris plus au sérieux. Fin prêt, ce document qui engage la région sur toute la période du mandat, mérite plus qu'un simple faire valoir auprès des instances concernées. C'est la raison pour laquelle, Abdessamad Sekkal a lancé un appel aux différents intervenants dans le développement régional pour organiser des journées d'étude autour du plan et de ne pas se contenter de quelques recommandations préparées à la hâte. Pour lui, il est primordial aujourd'hui de clarifier le rôle de la région ainsi que ceux des autres institutions. Notre région est dans le viseur des investisseurs notamment dans le secteur agricole. Il y a aujourd'hui 150.000 m2 à Technopolis qui attendent des investisseurs, a-t-il souligné.