Les vraix maux du football national sont une mauvaise gouvernance et une dilapidation de deniers publics. Enquête par Les ECO. Les performances sportives peuvent cacher une forêt de dysfonctionnements et même de dérapages. Et pour cause, les résultats priment sur les structures et les fondamentaux pour une seule raison: éviter la vindicte populaire. Aujourd'hui, le football marocain, devenu une véritable machine à business, recèle bien des questions en l'absence de structures et de résultats. Historique En 2005, la Fédération royale marocaine de football (FRMF), sous Housni Benslimane et à l'initiative de Ahmed Ammor, réussit un joli coup en signant un contratprogramme, avec l'Etat. L'accord stipule une subvention en contrepartie de l'engagement de la FRMF pour la mise en place, par les clubs, d'un cahier des charges. Une clause qui avait pour but de tirer la gouvernance vers le haut. Cette convention, encouragée par Driss Jettou, alors Premier ministre et ayant la tutelle du sport en l'absence d'un ministre dédié, prévoit aussi le financement de la mise en place des infrastructures nécessaires aux clubs et aux sélections nationales de différentes catégories. Finalement, les présidents de clubs constituaient un bloc d'opposition, Benslimane a cédé et Ammor a jeté l'éponge. Deux années plus tard, Nawal El Moutawakkil, fraîchement nommée ministre du Sport, est décidée à donner âme au contrat-programme. Elle essaye de faire passer, d'abord, la loi 30.09 sous sa mouture initiale et organise le colloque national historique grâce à la lettre royale lue à cette occasion pour dénoncer l'anarchie dans ce secteur et tracer la voie de la réforme. Après l'arrivée de Moncef Belkhayat aux commandes en remplacement d'El Moutawakkil, ce dernier passe la loi 30.09. Le texte est néanmoins vidé de son sens, notamment par la suppression des articles qui obligeaient le président de la FRMF à démissionner de ses responsabilités au sein de son club, au même titre que le secrétaire général et le trésorier. La genèse de la manne financière Après la défaite de la sélection du Maroc et son élimination par l'équipe du Gabon en avril 2009, le Bureau fédéral s'est vu acculé à la démission et Ali Fassi Fihri a été nommé à la tête de la Fédération. Plus tard, le roi Mohammed VI donnait ses instructions pour mettre 225 millions de DH par an à la disposition du football marocain. Le déblocage de cette bagatelle à répartir à égalité entre trois organismes publics: Bank Al-Maghrib, OCP et CDG. Des moyens conjugués aux droits TV payés par la SNRT à 100 millions de DH (aujourd'hui réévalués à 120 millions de DH) et un contrat annuel de 30 millions de DH avec Maroc Telecom, ont vite fait de la FRMF la fédération la plus riche sur le continent, hors Afrique du sud. Les finances des clubs ont très vite profité de l'attribution, pour la première fois, de droits de TV, de primes de trophées de la Botola et de la Coupe du Trône et d'autres aides. Le football national inaugurait ainsi une nouvelle ère qui imposait plus de structuration et d'organisation. D'ailleurs, l'attribution desdits avantages exigeait des clubs la mise en place d'un certain nombre de structures organisationnelles. À cette époque, Belkhayat et Fassi Fihri avaient réactivé les termes du contrat-programme (notamment en matière d'infrastructures) en attribuant aux clubs des autocars, en lançant la construction et la mise à niveau de 30 stades et en instaurant la Commission de contrôle de gestion. L'avènement du Bureau fédéral actuel Toutefois, les mauvais résultats précipitèrent encore une fois la chute du Bureau fédéral. En novembre 2013, au terme d'une assemblée générale houleuse, Faouzi Lakjaa est porté à la présidence de la FRMF pour ne prendre les rênes qu'en avril 2014, suite au camouflet imposé par la FIFA. Entre-temps, Abdallah Ghallam assure l'intérim et se charge de l'assainissement de certains dossiers. Il s'agit essentiellement de la récupération des aides conventionnelles du ministère de la Jeunesse et des sports que la FRMF «snobait» depuis plusieurs années. Une action qui a permis à la FRMF d'empocher la coquette somme de 40 millions de DH avant que la nouvelle équipe n'entame effectivement son mandat. Rappellons que Faouzi Lakjaa promettait, lors de sa campagne électorale, de drainer au football marocain, 600 millions de DH, avec une nuance de taille. Il n'avait pas précisé s'il s'agissait d'une manne supplémentaire ou juste d'une rallonge des 400 millions de DH existants. Deux années plus tard, Lakjaa et son équipe n'ont pas apporté de valeur ajoutée notable en termes financiers, comparativement au budget sous Fassi Fihri. Pis encore, il y a un brin de dilapidation par une distribution hasardeuse de fonds aux clubs, lesquels sont encore très loin du schéma tracé par le contrat-programme en termes de transparence et de bonne gouvernance. D'aucuns déplorent aussi, la mise en veilleuse de la Commission de contrôle de gestion, dotée d'un statut autonome, et qui reste pratiquement inactive face aux dérapages apparents et à peine voilés. Comment alors expliquer que la quasi-totalité des clubs est surendettée et que des recrutements à coup de millions de dirhams se poursuivent sans rendre des comptes ? Pourquoi des redevances d'assurance sont versées aux clubs au lieu des joueurs concernés (cas de Nemli) ? Sur quelle base un club aurait-il reçu plusieurs millions de dirhams pour un simple centre de formation et construit il y a six années ? Et, cerise sur le gâteau, que penser du président de la FRMF, en même temps directeur du budget du pays, autorise des marchés de gré à gré, comme le «naming» qui a permis de baptiser le championnat «Botola Pro Maroc Telecom» ? Il n'y a eu aucun appel à concurrence, comme cela nous été confirmé aussi bien par Inwi que Méditel et d'autres annonceurs très visibles sur la scène sportive. La Botola change de nom pour seulement 5 millions de dirhams, alors que des experts en la matière valorisent ce championnat au bas mot à 100 millions de dirhams. Gros manque à gagner! CARTOGRAPHIE DES RECETTES & DEPENSES