L'entrepreneuriat social est un nouveau phénomène qui se développe à travers le monde pour enfin éclore au Maroc. Sa définition est encore floue mais son impact social est établi au regard des grands défis socio-économiques que le pays doit relever. Sa place est donc confirmée et de jeunes entrepreneurs témoignent de leurs expériences d'entrepreneurs sociaux. Un nouveau phénomène se développe à travers le monde pour enfin éclore au Maroc. Si la définition de ce phénomène, baptisé «entrepreneuriat social» est encore floue dans les consciences, son impact sur la société est clairement établi. «Il existe différentes acceptations pour l'entrepreneuriat social au Maroc. À ce jour, on confond toujours entrepreneuriat social et associatif et nous n'arrivons pas encore à accepter un modèle économique ayant pour objectif principal un impact social, tout en étant profitable», note Adnane Addioui, spécialiste de l'entrepreneuriat social. Cette nouvelle manière d'entreprendre, qui conjugue efficacité économique et utilité sociale, ouvre de nouvelles voies aux entrepreneurs désirant entreprendre tout en apportant leur contribution à l'évolution de la société. Ces derniers peuvent désormais dessiner un nouveau modèle hétérogène qui s'inspire à la fois du secteur «non profit» traditionnel et des pratiques du «business» ancrées sur le marché. Cette ambivalence du business model, des jeunes Marocains ont su la maîtriser pour faire émerger de nouvelles idées d'entreprises à même d'impacter directement ou indirectement la société dans laquelle ils évoluent. Franchir le pas Camélia Drissi, Aboubakr Jeddioui et Jihane Laraichi viennent de remporter la compétition de «l'entreprise sociale au service de l'emploi», organisée dans le cadre du projet pilote : «Social Enterprise Competition», initié par la Banque mondiale en collaboration avec le British Council. Ils témoignent pour les ECO de leur expérience dans l'entrepreneuriat social. Ils se sont faits une place dans un domaine encore à l'état embryonnaire puisqu'encore aujourd'hui l'entrepreneuriat social n'a pas sa place comme moteur de croissance et d'intégration sociale dans l'économie marocaine. «On peut dire que ce type d'entrepreneuriat est à l'état embryonnaire au Maroc et doit bénéficier de davantage d'attention et de soutien de la part des pouvoirs publics et des investisseurs de la place», explique Adnane Addioui. Outre le besoin d'une définition claire, le chemin de ces entrepreneurs sociaux reste miné par un certain nombre de freins, qui s'ils ne les découragent pas, les retardent dans leurs réalisations. Il n'est en effet pas surprenant que dans le cadre d'un secteur naissant, les obstacles soient multiples et souvent assez complexes. Plus concrètement, l'entreprise sociale doit pouvoir rivaliser sur le marché de manière durable à l'instar de toute entreprise opérant dans un même secteur. Parallèlement, cette dernière doit au-delà des objectifs «ordinaires» atteindre des objectifs sociaux et environnementaux supplémentaires, soit un double défi pour les entrepreneurs. Une récente étude menée sur le marché marocain fait d'ailleurs état «d'obstacles opérationnels liés au manque de support technique adéquat, au manque de financement ou encore aux limites du cadre juridique». Sur ces aspects, c'est tout le rôle des pouvoirs publics qui doit être actionné. Pour l'heure, le soutien à l'entrepreneuriat social continue de provenir exclusivement du secteur privé. «YooBoost est une entreprise sociale qui offre des solutions innovantes et une plateforme en ligne moderne pour faciliter la mise en relation entre les jeunes et les entreprises désirant recruter les meilleurs profils sur le marché. Mon idée est d'offrir plusieurs avantages aux chercheurs d'emplois et aux recruteurs. Les outils de la plateforme permettent aux recruteurs de gagner plus de temps et de choisir les profils les plus méritants. Les services qu'elle propose intègrent aussi une large catégorie des jeunes souffrant de l'exclusion. Pour parler de son impact social, le concept offre des solutions gagnant-gagnant à plusieurs niveaux. Bien que mon but soit de créer un impact social, j'ai les mêmes contraintes qu'un patron d'une entreprise «normale». Il faut dire qu'il est plus simple de diriger une entreprise normale, en envisageant une fois avoir atteint une taille critique, développer son volet social, que de lancer une entreprise sociale dès le départ. Aujourd'hui, j'ai trouvé un business model dans lequel je propose un service social et une fois que j'aurais atteint «le profit» je pourrais étendre mes activités en les proposant aux catégories marginalisées. Ma vision est de faire de ma plateforme une plateforme qui dépasse les limites géographiques». Camélia Drissi, Fondatrice de Yooboost «Nous avons tous été étudiants. Je me suis rendu compte que la jeunesse marocaine avait besoin de softskills, notamment en arrivant sur le marché du travail. De plus, il n'y a pas assez d'activités proposées aux jeunes pour leur épanouissement sans oublier la culture d'attentisme. De nombreux jeunes diplômés attendent en effet systématiquement une aide de l'Etat. Tout ceci est à l'origine des problèmes d'employabilité. Mon idée s'inscrit dans ce contexte. Elle consiste à apprendre aux jeunes à s'autogérer et à se prendre en main. Nous avons, avec mon associé Samir El Filali, lancé une plateforme job pour étudiants que nous avons baptisée «talibjob.ma». Elle propose des jobs à temps partiels ou à temps complets pendant l'été. Nous avons identifié 11 ou 12 secteurs porteurs pour ne citer que le retail, l'hôtellerie, la restauration ou les cours de soutien à domicile. L'idée est de donner aux étudiants une expérience nouvelle qui viendrait s'ajouter à leurs CV. Ceci en présentant également des cycles de formation à proximité de leurs lieux d'études à prix réduits et symboliques. C'est ce qui fait la différence entre une entreprise et une association. Nous générons des revenus. Ce qui est important aujourd'hui dans le fait de se lancer dans l'entrepreneuriat social c'est de trouver, dans un premier temps, un modèle d'entrepreneuriat sur lequel on greffe un concept ou une idée à fort impact social». Aboubakr Jeddioui , Co-fondateur de talibjob.ma «Mon projet se présente sous forme d'un site d'orientation des jeunes post-bac. Il vise à leur délivrer des informations sur les différentes formations que proposent les écoles sur tout le territoire. Ce concept est novateur. Contrairement aux pays d'Europe, les sites web des écoles ne sont pas tout le temps mis à jour. Notre mission est justement d'offrir toutes les informations en terme de formation pour ces jeunes en période d'orientation. Ce concept présente également un aspect hautement social, en ce sens qu'il s'agit d'une entreprise sociale qui vise à être utile à la société tout en me permettant de gagner ma vie. Juste après mon bac, j'ai connu quelques difficultés à m'orienter vers un métier qui me convienne, ce qui m'a donné l'idée d'ouvrir un groupe sur facebook que j'ai baptisé «methodologia» qui visait à orienter les parents d'élèves. Ce sera le point de départ de mon entreprise dont l'objectif est de donner aux jeunes un maximum de visibilité quant aux différentes voies de formations qui s'offrent à eux. Il faut vraiment être conscient du fait que l'entrepreneuriat social est l'avenir du pays, son impact est confirmé et notre société en a grandement besoin». Jihane Laraichi, Fondatrice d'educationcm