Le rapport final de la Commission des finances a reflété les divergences profondes entre la majorité et l'opposition au sujet des grands choix du PLF 2015. À l'heure où nous mettions sous presse, la 2e partie du projet ainsi que les budgets sectoriels devraient avoir l'aval des députés hier tard dans la soirée. Le projet du budget 2015 est fin prêt pour la 2e lecture à la Chambre des conseillers. Les séances plénières entamées vendredi, qui se sont poursuivies jusqu'à dimanche ont été réservées au vote de la 2e partie du projet relatif aux dépenses ainsi qu'à l'approbation des budgets sectoriels. À l'heure où nous mettions sous presse, les interventions des groupes parlementaires n'ont pas encore été bouclées. Il s'agissait d'un retard dû aux demandes des présidents des groupes de l'Istiqlal et du PAM, respectivement Noureddine Médiane et Milouda Hazib, pour que le gouvernement puisse être représenté par l'ensemble de ses ministres et pas seulement par le ministre de l'Economie et des finances. Les orientations du rapport parlementaire sur le budget Le rapport final de la Commission des finances indique que 82 amendements ont été rejetés. Le taux de présence des députés n'a pas dépassé pour sa part 63% au sein de la commission, avec un total de 10 réunions entamées depuis le 4 novembre. «Le débat autour du budget 2015 a été une étape importante dans le contrôle des choix et des orientations qui cadrent avec la politique budgétaire du gouvernement», constate le rapport final qui mentionne aussi que «les efforts de l'opposition ne peuvent que renforcer la position du gouvernement vis-à-vis des services techniques chargés de l'élaboration du projet du budget». La tension sociale qui a marqué le débat autour du budget a été également présente dans les conclusions finales des membres de la commission. La 2e lecture de la Chambre des conseillers où les syndicats sont forts présents sera certainement saisie comme une occasion irremplaçable pour les partis de l'opposition en vue d'obtenir de nouvelles concessions du gouvernement par rapport au volet social. Le rapport souligne par ailleurs que les comptes spéciaux du Trésor restent un sujet d'unanimité sous la coupole. Plusieurs interventions ont mis en exergue «l'inexactitude des données relatives aux ressources de ces comptes dont le projet fait état d'un montant d'1MMDH alors que le chiffre réel avoisine les 10MMDH», peut-on lire dans le document présenté en plénière sous la coupole par le rapporteur Mohamed El Aboudi. Malgré cela, les députés ont approuvé la création d'un nouveau compte spécial «de lutte contre la fraude douanière», qui devra donner plus de visibilité aux ressources en provenance des amendes et pénalités perçues par l'Administration des douanes et dont le ministre de l'Economie et des finances sera l'ordonnateur. Le contexte international a été très présent lors du débat avec des appréciations qui s'accordent à mettre en avant «la confiance que suscite le projet auprès des opérateurs économiques nationaux et étrangers, laquelle est attestée par le sommet mondial des hommes d'affaires de Marrakech, qui se tiendra le 19 novembre. Les groupes de la majorité se sont focalisés sur le fonds de développement industriel, qui est un signe qui ne trompe pas sur «la volonté du gouvernement de mettre fin à la dépendance à l'égard du secteur agricole». Les membres de la majorité au sein de la commission ont mis en garde contre l'échec de la nouvelle expérience et «affecté les fonds nécessaires essentiellement pour le textile et l'agroalimentaire pour pouvoir rendre effective la création des 500.000 emplois contenus dans la stratégie». Parmi les points de concordance relevés par le rapport entre la majorité et l'opposition figure le taux d'exécution encore faible des dépenses d'investissements, qui ne dépasse pas 32%, au moment où le total des charges de l'Etat relatif au volet du renforcement des infrastructures s'élèvera à 189MMDH en 2015. En ce qui concerne la coordination entre les groupes parlementaires lors de la formulation de leurs amendements, le rapport relève que 33 correctifs ont été présentés par 6 groupes parlementaires, dont l'Alliance du centre et celle de l'avenir, qui se sont joints à la majorité lors du vote. Le gouvernement a également répondu favorablement à plusieurs demandes de son assise parlementaire et a formulé 6 amendements à la mouture initialement déposée. Les partis de l'opposition ont pour leur part proposé 90 amendements dont le parti de l'Istiqlal et le PAM sont restés largement majoritaires. 13 amendements sont passés par l'unanimité dont essentiellement l'engagement du gouvernement à ce que le déficit ne dépasse pas 4% à fin 2015 et la suppression de l'article 8 portant sur la saisie des biens de l'Etat en cas de condamnation judiciaire. Les amendements rejetés par le gouvernement Le gouvernement a été intransigeant vis-à-vis des amendements qui ne répondaient pas à sa logique budgétaire. La problématique de la masse salariale a été largement débattue, vu que le gouvernement s'attend au maintien de 11.000 postes budgétaires qui ne seront pas supprimés en cas de hausse de l'âge de la retraite. Plusieurs propositions de l'opposition n'ont pu aboutir lors du vote du Budget. C'est ainsi que l'amendement relatif à la création d'un compte spécial pour la promotion de la formation en cours d'emploi financé par 30% des recettes de la taxe professionnelle a été rejeté par le gouvernement au motif qu'«une stratégie globale de la réforme dans la formation est en cours d'élaboration», et qu'il est donc prématuré de créer une rubrique budgétaire dédiée à ce segment. Au niveau de la stratégie industrielle, la majorité s'est vue contrainte de retirer son amendement visant à encourager les professionnels à recourir à la location des terrains et à la réalisation des études préliminaires à leurs investissements. Le gouvernement s'est engagé à préparer une réserve foncière d'une superficie de 1.000 hectares à des prix encourageants, de même qu'il a indiqué que «les charges liées aux études sont intégrées dans les budgets sectoriels et qu'il n'est donc pas logique de les intégrer dans les dotations du Fonds de développement industriel, dont l'appellation a changé pour devenir «le Fonds de développement industriel et des investissements». Le rejet a été également le sort d'un amendement présenté par les groupes de l'opposition concernant l'augmentation du compte relatif aux dotations des services financiers de 10%, via le produit des amendes et pénalités de l'administration fiscale. Idem pour la proposition tendant à réserver 25% du budget du Fonds de développement des zones montagneuses et enclavées aux communes situées dans les régions cibles du fonds. Le gouvernement a refusé cette proposition sous prétexte que «l'affectation de 25% des dotations du fonds serait de nature à geler le financement de plusieurs projets arrêtés au niveau des ministères et empiétera sur les attributions de la nouvelle direction créée au sein du département de tutelle et qui est chargée des zones enclavées et montagneuses», indique l'argumentaire du gouvernement à propos de la non-acceptation de cet amendement. D'autres propositions qui n'ont pu avoir le feu vert du gouvernement portent sur la hausse des dotations de plusieurs caisses à vocation sociale. On trouve dans cette rubrique essentiellement le rejet de l'amendement qui voulait consacrer 4,5% du produit de l'impôt sur le tabac au fonds de cohésion sociale, ainsi que la hausse du budget relatif aux subventions des produits de base. L'argentier du pays est resté aussi inflexible sur d'autres propositions émanant de l'opposition, notamment sur les immeubles de l'Etat, faisant partie de son domaine privé ou encore la hausse des postes budgétaires. Sur cette question, le département des Finances s'attend à ce qu'«en cas de hausse de l'âge de la retraite prévu par la réforme, 11.000 postes budgétaires ne seront pas supprimés à compter de juillet 2014», selon l'explication donnée aux députés et qui était relative à l'augmentation du nombre des recrutements durant la prochaine année. La même position a été adoptée à propos de l'amendement qui visait à affecter 3.000 postes aux diplômés chômeurs issus du procès-verbal de 2011, vu que «le recrutement direct n'est plus possible». D'autres engagements exigés du gouvernement ont dû aussi être refusés lors de l'adoption finale du PLF. On citera dans ce registre la demande des partis de l'opposition à ce que le seuil de l'endettement ne dépasse pas 65% du PID, d'ici la fin de 2015 ainsi que celle portant sur la baisse du seuil du déficit budgétaire à 4% pour la même période. L'impact de la régionalisation avancée Le débat autour de l'article 10 du projet a été très suivi sous la Coupole, étant entendu qu'il concerne les retombées de la mise en œuvre de la régionalisation avancée sur les chantiers prévus par le Budget. Le gouvernement a décidé d'affecter 1% du produit de l'IS aux régions, en attendant «la présentation d'une vision qui intégrera les fonds qui seront créés pour la concrétisation de la solidarité régionale», comme l'indique le rapport final des députés qui ont appelé à affecter 1% de l'IR au budget des collectivités territoriales. Les investissements publics ont encore du mal à mettre en avant leur vocation régionale. Le département des Finances compte énormément sur la nouvelle loi organique des Finances en vue de déterminer, avec précision, la part de chaque région dans l'enveloppe annuelle de l'Etat, hormis les recettes déjà accordées dans le cadre des finances locales.