Une nouvelle crise à gérer par le ministre de la culture Bensalem Himmich. Après la polémique qui avait éclaté lors de la dernière édition du Salon international de l'édition et du livre de Casablanca (boycott de bon nombre d'organismes et d'intellectuels...), l'ire des musiciens contre la manière de travailler de la commission de soutien à la chanson marocaine, et les sit-in initiés par les différents syndicats et associations culturels et artistiques de notre pays, Himmich doit aujourd'hui faire face à la colère des professionnels du théâtre. En effet, trois syndicats et associations des professionnels du théâtre ont décidé de boycotter les activités de la 13e édition du festival national du théâtre de Meknès qui a ouvert ses portes mercredi. Il s'agit du Syndicat marocain des professionnels du théâtre, l'Association des lauréats de l'Institut supérieur des arts dramatiques et de l'animation culturelle (ISADAC) et la Coordination des troupes théâtrales nationales. Au total, ce sont 11 troupes sur les 12 qui participent à la compétition officielle du festival qui ont annoncé leur boycott. «La soirée d'ouverture du festival a eu lieu mercredi en présence de bon nombre de professionnels auxquels nous avons rendu un hommage. Nous avons par ailleurs décidé de reporter la compétition officielle puisque la plupart des troupes participantes ont décidé de boycotter l'événement», nous confirme le conseiller du ministre de la culture Bachir Zenagui. Les trois organismes qui ont pris cette décision, ont organisé mardi à Rabat une conférence de presse pour annoncer les raisons de ce boycott, décision prise en partenariat avec les professionnels du secteur audiovisuel. «Les raisons de notre décision sont multiples. La subvention au secteur du théâtre, le projet élaboré unilatéralement par le ministère et relatif à l'amendement de la décision ministérielle sur le soutien au théâtre, le sort des lauréats de l'ISADAC qui sont au chômage, les troupes régionales qui souffrent, le statut des professeurs de l'art... sont des questions urgentes qui sont en suspens depuis longtemps», nous explique Latefa Ahrrare, présidente de l'association des lauréats de l'ISADAC. Le président de la Coordination des troupes théâtrales nationales, Hassan Hamouche met plutôt l'accent sur la nouvelle loi signée récemment entre le ministère de la Culture et celui de l'Economie et des finances. «Nous ne comprenons toujours pas comment le ministère peut revoir la méthode de soutenir le théâtre sans prendre l'avis des professionnels. C'est un projet qui comporte des paragraphes et des mesures qui constituent une véritable régression dangereuse sur les acquis réalisés en terme de production théâtrale», explique-t-il. Zenagui, lui, voit les choses autrement. «Nus sommes prêts à revoir ce texte si nécessaire, mais il faut que les professionnels du théâtre arrivent à discuter avec nous. Nous les avons invité plusieurs fois pour débattre justement de ce projet mais en vain. Ils ont toujours refusé notre invitation». Le dialogue, source de tous les problèmes «Dialoguer», voilà une phrase qui revient comme un leitmotiv chez les artistes et les intellectuels marocains. Ces derniers reprochent à Bensalem Himmich de refuser d'ouvrir le débat avec eux sur les différents problèmes qui entravent le développement de la culture dans notre pays. «Nous avons puisé tous les outils... Nous avons écrit des lettres, organisé des sit-in, demandé de rencontrer les responsables du ministère, mais en vain. Toutes les portes du dialogue ont été fermées. Doit-on s'immoler comme Bouâzizi pour pouvoir régler nos problèmes ? », s'indigne Ahrrare. Une accusation complètement réfutée par le conseiller du ministre. «Nous n'avons reçu aucune lettre. Nous avons provoqué plusieurs réunions mais en vain. Vous savez, nous sommes ouverts à toutes les propositions concrètes d'autant plus que notre mandat est réduit». Par ailleurs, Hassan Hamouch, qui déplore le fait que les questions essentielles relatives à la mauvaise gestion et à l'absence d'un véritable projet culturel ne soient jamais débattues, nous a précisé que la plupart des professionnels qui ont décidé de boycotter ce festival ont reçu des appels téléphoniques les menaçant. «Alors qu'un nouveau Maroc est en gestation, le département de Himmich s'obstine à appliquer des pratiques anciennes qui ne collent pas avec l'ère actuelle», ajoute-t-il. Etonné, Zenagui met en doute ces informations. «Comment peut-on faire cela alors que nous n'avons aucun moyen sur ces professionnels. C'est dommage de boycotter le soutien du ministère mais ça reste un droit». Face à ce climat délétère peut-on espèrer un jour la mise en place d'une vraie stratégie culturelle ? A suivre...