Ils considèrent que les revenus dans la fonction publique doivent être améliorés et reprochent au gouvernement de ne pas tenir ses engagements. L'administration regrette que les syndicats se soient retirés du dialogue social et rappelle que le rythme d'évolution des rémunérations est plus rapide que celui de l'inflation. Ce sont les syndicats qui, cette année, ont fait la rentrée sociale. A leur manière ; c'est-à-dire en observant une journée de grève à l'échelle nationale, le mercredi 3 novembre. Et ces syndicats sont ceux-là mêmes qui, le 21 juin dernier, avaient provisoirement suspendu leur participation aux discussions au sein de l'une des commissions du dialogue social, la commission du secteur public, au motif que le gouvernement avait refusé de discuter de la question du pouvoir d'achat des salariés. Il s'agit de la Fédération démocratique du travail (FDT), l'Union marocaine du travail (UMT), l'Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM) et l'Union nationale du travail au Maroc (UNTM). La Confédération démocratique du travail (CDT), invitée à participer à cette coordination syndicale, d'abord par la FDT, puis par les quatre centrales réunies, n'a pas souhaité y prendre part. Le syndicat, dirigé par Noubir Amaoui, rappelons-le, s'était retiré du dialogue social avant les quatre autres. L'organisation démocratique du travail (ODT) a, pour sa part, participé à la grève du 3 novembre, mais ne fait pas partie de la coordination initiée par la FDT -sans doute parce que ce syndicat ne remplit pas les critères de représentativité tels qu'ils sont fixés dans le code du travail. Le débrayage, décidé lors de la réunion des quatre centrales syndicales le 22 octobre au siège de la FDT, est donc, d'une certaine manière, une suite logique à la «brouille» de juin dernier. Même si le «non-respect» du calendrier du dialogue social (accord sur deux séances : en avril et en septembre) est considéré par les quatre syndicats grévistes comme l'une des raisons principales du débrayage du mercredi 3 novembre, le fond de «l'affaire» si on peut dire, tient surtout au contenu de ce dialogue social. En effet, tandis que le gouvernement pense avoir «réglé» la question des salaires au moins jusqu'en 2011/2012, les syndicats y voient, au contraire, une urgence. «Non seulement le gouvernement n'a pas respecté le calendrier du dialogue social dont nous avons convenu ensemble, mais en plus il n'a pris aucune mesure, dans le projet de Loi de finances 2011, de nature à soulager les salariés du poids écrasant de la hausse des prix. Nous ne comprenons rien : ce gouvernement adopte une politique d'austérité, même s'il s'en défend, alors qu'il parle d'une croissance supérieure à 4%», déclare à La Vie éco Larbi Habchi, membre du bureau central de la FDT et membre du groupe fédéral à la Chambre des conseillers. Les syndicats estiment que l'austérité ne s'impose pas parce que le Maroc n'est pas en crise Résumant la position des quatre syndicats grévistes, Larbi Habchi considère qu'au vu des statistiques officielles, «le Maroc n'est pas en crise». Puis, il précise : «Maintenant, s'il y a des effets de la crise mondiale sur les exportations marocaines, pourquoi ne pas encourager le marché intérieur en améliorant les revenus des salariés ?». L'administration, elle, ne voit pas les choses de cette façon. Le ministère de la modernisation des secteurs publics (MMSP) dit regretter qu'on en soit arrivé là, considérant que les syndicats n'auraient pas dû quitter le dialogue social. «Contrairement à ce que racontent les syndicats, le gouvernement n'a pas refusé d'aborder la question de l'amélioration des revenus. Ce qu'il a refusé, c'est l'augmentation directe des salaires», confie une source au MMSP. Celle-ci explique que le gouvernement a fait, ces deux dernières années notamment, «des efforts importants en matière d'amélioration des revenus. L'enveloppe dédiée à cette question, rappelons-le, a été de près de 20 milliards de DH». Le salaire moyen est de 7 870 DH et l'écart entre les rémunérations est de 1 à 18 Le MMSP fait référence là aux baisses successives de l'impôt sur le revenu, aux augmentations directes des rémunérations de certaines catégories de fonctionnaires (de l'ordre de 10%) et à la suppression des échelles 1 à 4 avec un coût financier de 415 millions de DH puisque les 115 000 fonctionnaires concernés, dont près de 70 000 relèvent des collectivités locales, ont été reclassés à l'échelle 5. Les syndicats, pour leur part, réclament que cette mesure (suppression des basses échelles) soit étendue aux employés des établissements publics à caractère administratif. Rappelons à ce propos que la grève du 3 novembre a été déclenchée dans l'administration centrale, les collectivités locales et les établissements publics à caractère administratif. Il semble désormais illusoire de rappeler qu'aussi bien le Smig que les rémunérations des fonctionnaires ont évolué à un rythme un peu plus rapide que l'inflation, puisque les syndicats, d'une part, contestent le mode de calcul de l'inflation, et, d'autre part, s'insurgent surtout contre l'importance de l'écart qui sépare les hauts et les bas salaires. Et c'est sans doute cet écart qui tire vers le haut le salaire moyen servi (7 870 DH). Cet écart est aujourd'hui, selon nos calculs, de 1 à un peu plus de 18 : 44 000 DH pour le salaire le plus élevé et 2 400 DH pour le plus bas. Cet écart était d'environ 1 à 23 avant la suppression, à partir de janvier 2010, des échelles 1 à 4. Malgré tout, disons-le, la fonction publique, comme partout d'ailleurs, ne paie pas assez, en tout cas pas comme le privé, mais c'est peut-être le…prix à payer pour la sécurité de l'emploi. Mais pour le gouvernement, mettre 10,4% du PIB dans les rémunérations, c'est assez conséquent, sauf que ces ratios parlent peu, ou pas du tout, aux pères de familles qui vivent des fins de mois difficiles ! Les quatre centrales syndicales grévistes semblent en être conscientes même si elles n'expriment pas les choses de cette façon. Il est significatif à cet égard qu'aujourd'hui elles ne réclament pas de hausses directes, mais des améliorations de revenus à réaliser par d'autres moyens. Comme la réforme de la fiscalité. Mais n'est-ce pas «bonnet blanc, blanc bonnet» ! Baisser l'impôt sur le revenu ou la TVA, c'est renoncer à des recettes, c'est donc opérer des dépenses. En fait, une réforme fiscale qui ne dépouillerait pas l'Etat de ses moyens d'agir serait celle qui donnerait aux bas revenus et reprendrait un peu plus aux plus élevés. C'est tout le problème d'une fiscalité juste et équitable. Le problème n'est pas nouveau, il n'en est pas toujours d'actualité.