Dans un style simple et dépouillé, il retrace une vingtaine d'années de sa vie, couvrant son enfance jusqu'à l'âge adulte, de 1930 à 1950. Suivez La Vie éco sur Telegram Rares sont les récits autobiographiques qui parviennent à tisser avec autant de sensibilité les fils de la mémoire individuelle et les luttes collectives. Les mémoires de Mohamed Tsouli Mdidech, rédigées avec application durant les deux dernières années de sa vie s'imposent comme un témoignage incontournable sur le Maroc du XXe siècle. Ces mémoires, écrites dans un cahier grand format en spirale, en arabe (la langue que maîtrisait Mohamed Tsouli Mdidech), témoignent d'une volonté acharnée de transmettre une expérience personnelle qui fait écho à une mémoire collective. Dans un style simple et dépouillé, il retrace une vingtaine d'années de sa vie, couvrant son enfance jusqu'à l'âge adulte, de 1930 à 1950. Dès les premières pages, on perçoit une «urgence de la transmission», comme il le rappelle lui-même : «J'ai entrepris de reporter, par écrit, certains épisodes importants de ma vie, du moins ceux encore gravés dans ma mémoire. Ils en prendront connaissance, en tireront profit et sauront que les crises et les souffrances endurées ont fini par être surmontées grâce à l'ambition et la volonté». Au-delà du récit intime, ces mémoires plongent le lecteur au cœur d'une époque charnière de l'Histoire marocaine, marquée par la lutte contre le protectorat français. L'auteur revient avec une lucidité poignante sur des événements marquants : les répressions coloniales de 1937, les soulèvements liés au Manifeste de l'Indépendance de 1944 ou encore les épreuves dans les camps de détention. Le passage consacré à Marmoucha est particulièrement frappant : «On nous rassembla sur une grande place dans un coin de cette forêt, ordonna qu'on enlève nos habits, dans ce froid glacial, pour être soumis à une fouille minutieuse. Personne n'osa se plaindre, on savait qu'à la moindre protestation ça serait la cravache, les coups de pied et les claques qui tomberaient sur nous comme pluie». Ces descriptions saisissantes, empreintes de réalisme, soulignent à la fois la dureté des conditions de vie et la résilience des détenus. L'auteur, tout en dénonçant la violence coloniale, célèbre la solidarité et l'humanité qui unissaient les prisonniers. Dans «Mémoires, de l'enfance à 1950», l'intime côtoie donc l'histoire avec un grand H. Mohamed Tsouli Mdidech nous offre également des récits plus personnels, empreints de tendresse et de nostalgie. Bien qu'il évoque avec émotion sa relation avec sa mère et sa jeunesse marquée par la modestie, Mdidech décrit son premier coup de foudre, avec une simplicité touchante, témoigne de la force des souvenirs qu'il voulait préserver : «Dès que je vis Habiba, ce fut le coup de foudre, je ne cessais de penser à elle, à la regarder à la dérobée». Le style de Mohamed Tsouli Mdidech se distingue par sa clarté et sa sobriété. Ses phrases courtes et précises, loin d'alourdir le propos, donnent une certaine force à son témoignage. À travers une écriture dépouillée de tout artifice, il parvient à transmettre une émotion brute qui touche profondément son lecteur. «Mémoires, de l'enfance à 1950» ne se contente pas d'être un simple récit de vie, il constitue une véritable archive vivante. En mêlant anecdotes personnelles et réflexions politiques, Mohamed Tsouli Mdidech éclaire les luttes pour l'indépendance avec une profondeur rare. Il rend hommage à une génération qui a lutté dans l'ombre, souvent au prix de sa liberté, pour construire un Maroc libre. Les mémoires de Mohamed Tsouli Mdidech s'adressent non seulement à ses descendants, mais à toute une nation. Elles rappellent que derrière chaque événement historique, il y a des voix, des visages, des vies. En cela, l'auteur offre un pont entre le passé et le présent, une invitation à préserver la mémoire collective pour mieux bâtir l'avenir. «Mémoires, de l'enfance à 1950», Mohamed Tsouli Mdidech, éd. Maouja, 2024.