Engagé dans les activités intellectuelles, le sultan saâdien Ahmed al-Mansour (1578-1603) a tenu des rencontres savantes et des rendez-vous religieux dans son palais. Pendant le ramadan, il a initié des causeries incluant lecture et étude de Sahih al-Bukhari. En ce XVIe siècle, de cycle de conférences a été équivalent aux «dourouss hassania» des temps actuels. Le sultan saâdien Ahmed al-Mansour (1578-1603) a accédé au trône du Maroc, après sa glorieuse victoire dans la bataille des Trois rois (Wadi al-Makhazin) en 1578, face aux Portugais. Ce triomphe a élevé son statut à la fois sur le plan national et international, en faisant connaître notamment son engagement profond pour les activités intellectuelles. Passionné par la transmission des savoirs, il a cherché assidûment à s'instruire dans divers domaines, dont la religion musulmane, la littérature et l'Histoire. Il s'est engagé avec des érudits, poètes et médecins de renom, tant dans son pays qu'à l'étranger, favorisant les échanges culturels à travers des correspondances et des discussions, comme le rapporte le ministère marocain des Habous et des affaires islamiques dans son mensuel culturel, Da'wat al-Haqq. Dans son édition consacrée aux «célébrations et fêtes d'Ahmed Al-Mansour ad-Dahabi», le magazine révèle que le sultan organisait des rencontres savantes dans son palais et y participait, démontrant son expertise et s'engageant dans des débats intellectuels. Ces réunions ont pris différentes formes : concours culturels entre érudits, poètes et intellectuels, conférences religieuses, lectures de poèmes et prestations musicales, à différentes occasions. Les érudits et historiens qui ont documenté les événements, célébrations et festivités sous le règne du sultan indiquent que les rencontres religieuses, les festivités de l'Aïd et d'autres occasions ont eu des rituels culturels particuliers. L'une de ces occasions est l'Aïd al-Mawlid, commémorant la naissance du Prophète, à laquelle ont assisté des auteurs marocains, des ambassadeurs, juristes islamiques et l'un des plus importants fonctionnaires de la cour saâdienne, Abu-l-Hasan Ali ibn Mohammed al-Tamgruti. Invité par le sultan al-Mansour au Palais El Badi pour assister aux festivités du Mawlid, al-Tamgruti a documenté les ornements somptueux, les chandelles et l'encens parfumé marquant cette célébration. Des conférences ramadanesques pour étudier Sahih al-Bukhari Le ramadan est également l'un de ces événements religieux auxquels ont été conviés érudits et oulémas. Pendant ce mois béni, le sultan a organisé des veillées avec des rituels particuliers. Dans son livre Kitab al-Istiqsa li-Akhbar duwal al-Maghrib al-Aqsa, l'historien du XIXe siècle Ahmad ibn Khalid al-Naciri détaille comment le sultan saâdien a organisé ces rencontres. Ces nuits de ramadan ont été marquées par la lecture et l'étude de Sahih al-Bukhari, l'une des collections de hadiths notables et authentiques du Prophète, compilée par l'érudit musulman al-Bukhari. Durant ces nuits de ramadan, les érudits complètent le Sahih, selon al-Naciri. «Le juge (qadi islamique) et les juristes notables récitaient chaque jour une partie d'un exemplaire, qu'ils avaient divisé en trente-cinq», écrit l'historien. Ces parties de la collection de hadiths couvrent tout le mois de ramadan. L'Aïd el-Fitr et le jour suivant étant omis, les chapitres restants sont complétés au septième jour après l'Aïd. Plus qu'une simple session de récitation, la lecture de Sahih al-Bukhari a été une occasion d'étudier les hadiths, de débattre et d'échanger autour de questions religieuses. «La tradition voulait que le juge entreprenne lui-même la récitation, lisant environ deux pages du début de la partie. Il discutait des questions abordées avec les présents, offrant toute recherche ou orientation qui lui semblait appropriée», rapporte al-Naciri. «Ils poursuivaient les échanges jusqu'au matin. Après quoi, la séance se terminait. Le juge prenait la partie restante et terminait sa lecture chez lui. Le lendemain, il commençait une autre partie, et ainsi de suite», ajoute la même source. Ces sessions de lecture et échanges entre érudits sont suivies par le sultan lui-même. Ahmed al-Mansour «était assis près du bord du cercle, ayant une place désignée pour son siège», écrit al-Naciri. Dourouss hassania Il est difficile de ne pas faire le rapprochement entre cette tradition saâdienne et les causeries hassanies (dorouss hassania), initiées par le roi Hassan II dans les années 1960. Ces conférences ramadanesques se sont tenues dans un format similaire, en présence du souverain défunt et plus tard par son successeur, le roi Mohammed VI. Ramadan dans l'histoire #11 : La première causerie religieuse présidée par Hassan II Adoptant le même esprit que les rencontres initiées par le sultan Ahmed al-Mansour, ces causeries se tiennent spécialement durant le mois béni, promouvant le savoir religieux et la réflexion spirituelle. Les dourouss incluent des lectures et des discussions de textes religieux tels que le coran et les hadiths, ainsi que d'autres corpus islamiques. Comme le juge ou qadi dans les cours de la dynastie saâdienne, ces séances sont données par des érudits, imams et fins connaisseurs religieux, proposant des interprétations et des réflexions sur les enseignements islamiques.