Avec son ouvrage en cours de publication Regards critiques sur le théâtre marocain, lecture dans le fond et la forme (édition Dar Attawhidi), c'est une voix théâtrale originale et intense qui s'invite à l'attention des lecteurs. C'est le dernier ouvrage parmi une vingtaine d'autres, qui révèlent le chemin parcouru par l'universitaire Abderrahmane Benzidane, qui a vécu loin des projecteurs, mais constamment au cœur de la société théâtrale marocaine et arabe. D'un langage libéré, vivant et intense, qui parcourt la sphère théâtrale dans sa subtilité et sa complexité, Dr. Benzidane, classé par la presse arabe au top des grands dramaturges, développe depuis une quarantaine d'années une réflexion existentielle fondée sur un sentiment humaniste imprégné d'une forte tension spirituelle. Il cherche à toucher le cœur d'une existence tout en plongeant dans les mystères de cette existence, et en plaçant l'homme dans sa pureté, son humilité et sa simplicité, au cœur de sa réflexion théâtrale. Tout cela dans des œuvres qu'il nourrit avec le souffle de son âme artiste, créatrice et éprise de changement et d'innovation. En s'embarquant pour un court voyage théâtral dans le monde chargé d'humanisme d'Abderrahmane Benzidane, on sent le cœur du dramaturge qui bouillonne pour faire entendre les mélodies de son âme et jouer avec les cordes de ses écrits, les tragédies de ce monde, en proie permanente, dit-il, à la suprématie de la médiocratie et à la sauvagerie de la mondialisation culturelle. Issue d'une famille conservatrice, notre Benzidane n'a gardé de son père que l'essentiel : une authenticité assumée et une grande discrétion dans l'action. D'une civilité avérée, il est d'abord un passionné de lecture, capable de discourir sur le plus ancien jusqu'au dernier ouvrage théâtral ou littéraire. Il est également épistolier en activité. Il explore ses œuvres sans tenir à plaire à quiconque. Il utilise à cet effet un langage libéré, tantôt humaniste d'une forte spiritualité soufie, tantôt franc, vivant, qui sillonne le quotidien de l'homme et de la femme dans leur complexité. Son engagement déclaré pour la cause de la femme est sans appel, tellement le destin de la femme pour un monde meilleur l'habite, le hante, parle en lui. L'associatif et l'action culturelle sont les chemins les plus courts pour exprimer toutes les émotions. Il les met en évidence régulièrement à travers son implication directe dans plusieurs activités associatives visant à ancrer les principes d'émancipation et de citoyenneté, dans un contexte de crise des valeurs citoyennes. Et c'est dans l'école coranique que vont se former les premières graines de sa vision future du monde, avant de passer à l'école primaire où sa mémoire allait s'inonder de vers, poèmes et publications diverses, qui vont lui permettre d'acquérir un vocabulaire opulent et d'en assurer l'usage de la manière la plus appropriée. Dès son admission au lycée, il va restaurer son appétit pour la lecture, en s'offrant de longues heures à la bibliothèque de la grande mosquée de la médina de Meknès. Cette ardeur impétueuse pour la lecture éveilla subitement en lui le plaisir et le sens de l'écriture pour échanger, divertir, convaincre de certaines idées et valeurs auxquelles il tenait tout particulièrement. Le premier défi va venir avec la parution, en 1979, de son premier livre qui va lui ouvrir le chemin de l'épanouissement et la voie de la célébrité : Questions du théâtre marocain (Etudes critiques). S'ensuit une série d'ouvrages traitant du théâtre et de la critique, ainsi qu'une multitude de pièces de portée historique, dont Zénobie dans le cortège du Phénix, Silence éloquent, Flèches de Shéhérazade, Voyages dans une folle passion et bien d'autres œuvres. Notre dramaturge meknassi, dont la carrière est largement reconnue au Maghreb, en Egypte et dans les pays du Golfe, où il est régulièrement invité pour des dédicaces, des hommages et des rencontres de haut niveau, se distingue par une manière créative assez étrange : il trouve son contentement à écrire dans le vacarme et l'entourage bruyant d'à-côté : deux éléments qui l'apaisent, l'harmonisent et lui apportent le plaisir de se déverser. "Chaque fois que je suis en contact avec le bruit et que j'immerge mes yeux dans l'ambiance d'à côté, je sens mon être qui se rafraîchit dans son entier, et qui se libère au gré des mots", m'a-t-il fait savoir lors d'une discussion empreinte de cordialité, dans le Café Promenade Palace à Meknès, où il a élu son second domicile. Qu'il exalte le mot dans le calme ou dans le vacarme, l'homme qui s'est vu invité à une trentaine de cérémonies d'hommage, organisées en son honneur au Maroc et dans de nombreux pays arabes, notamment en Algérie, en Tunisie, en Egypte et dans plusieurs pays du Golfe, reste un scrupuleux dramaturge qui n'en finit pas avec son questionnement sur l'Homme, la vie et le théâtre. Son œuvre théâtrale porte dans sa profondeur ce cachet à la fois ambitieux et épanoui. Grandir, s'améliorer, se remettre en question, apprendre le mot de l'autre et comprendre qu'il n'y a pas de civilisation sans mélange des cultures, voilà les mots que notre dramaturge associe savamment au travail d'introspection qui va le guider sur la voie du succès et de la célébrité.