Accablée par une dette colossale et incapable de garantir un modèle financier viable à long terme, la Société nationale des autoroutes du Maroc (ADM) pourrait bientôt revoir à la hausse ses tarifs de péage. C'est ce qu'a laissé entendre, mardi 4 février, le ministre de l'équipement et de l'eau Nizar Baraka lors de son intervention devant la commission des infrastructures à la Chambre des représentants. Alors que le coût de construction autoroutière a explosé, passant de 45 à 75 millions de dirhams par kilomètre, le gouvernement reconnaît que les tarifs de péage sont restés inchangés depuis 2005. Mais plutôt que d'assumer sa responsabilité dans la mauvaise gestion du réseau et l'inefficacité du modèle économique adopté, l'exécutif semble désormais privilégier la solution de facilité : faire porter le fardeau aux usagers. Le ministre a rappelé qu'un accord prévoyant une augmentation des tarifs avait été conclu dès 2018 mais n'a jamais été appliqué. Désormais, cette mesure revient au centre des débats sous prétexte d'un nécessaire rééquilibrage financier. ADM, qui cumule une dette de 37 milliards de dirhams, souffre d'un déficit structurel sur plusieurs tronçons, notamment 500 kilomètres du réseau où le trafic ne dépasse pas 4 000 véhicules par jour, bien en deçà du seuil de rentabilité fixé à 6 000 véhicules. Faute de vision stratégique, le modèle de financement autoroutier montre aujourd'hui ses limites. Conçu sur une rentabilité à long terme, il a conduit à un endettement massif, financé à 80 % par des créanciers internationaux. Pire encore, au lieu d'anticiper cette impasse, le gouvernement s'est contenté de mesures palliatives comme la restructuration partielle de la dette entre 2016 et 2020, qui a réduit son coût de cinq milliards de dirhams, sans pour autant résoudre le problème de fond. En parallèle, ADM s'est vue contrainte de fusionner l'ensemble de ses contrats de concession en un seul, sur 99 ans, afin d'assurer une rentabilité minimale. Une stratégie qui illustre l'absence de solutions durables et l'incapacité des autorités à garantir une gestion saine des infrastructures stratégiques du pays. Derrière le discours officiel vantant le rôle «non lucratif» de la société et sa mission de développement économique, la réalité est plus cruelle : sans une réforme structurelle ambitieuse et une refonte de son mode de financement, ADM continuera d'accumuler les dettes, au détriment des usagers, qui risquent de voir leur facture grimper dans les années à venir.